« J’aimerais parler du centre de rétention du Mesnil-Amelot, où c’est très compliqué. Les gens ne viennent pas nettoyer, les salles de bains et les chambres sont extrêmement sales. Concernant le virus, qui court partout, nous voyons qu’il n’y a pas de protection pour les prisonniers ni pour les policiers. Pas de gants, pas de masques, sans rien. Il n’y a pas d’hygiène ici. La privation de liberté est sans respect. Ils te traitent mal, comme si tu étais un chien, comme si tu venais d’une autre planète. Il y a seulement de l’irrespect envers les prisonniers, et de la violence.Concernant la nourriture, il y a des bagarres. C’est obligé de manger, mais à cause de la tension les gens se battent. Ça me paraît incompréhensible, il n’y a pas d’hygiène mais on doit quand même manger tous ensemble en même temps.La majorité ici, on vient de prison. Nous avons fait notre peine. Je pensais que le problème était réglé, mais ils m’ont emmené au centre. Ça me paraît illégal. Ils me mettent les menottes comme si je purgeais encore ma condamnation. Ils m’ont expliqué toutes les règles : mais ici c’est pire que la prison. En prison, il y a plus d’hygiène, plus de sécurité et de tranquillité. Dans l’autre bâtiment ils ont essayé de brûler leurs matelas car ça fait deux mois qu’ils sont ici et leur demande de mise en liberté a été rejetée.Il y a trop de discrimination de la part des agents, qui sont racistes.La majorité ici sont arabes, ils traitent mal les arabes, ils les discriminent beaucoup. Il y a énormément de problèmes à cause du stress, d’attendre de voir les juges, les gens attendent deux mois d’être libérés, et ils les rejettent, énormément d’angoisse pour tout le monde. Le rejet des juges est difficile, on ne sait pas au tribunal ce qu’il dit car il n’y a pas de traduction. Ils te rendent un papier avec la réponse, ils te disent seulement « Rejeté ». Il y a beaucoup d’incompréhension, ce qui crée de la tension et de la violence. Concernant les vêtements : les visites sont interdites, les gens ont peu de vêtements, les gens de la laverie ne viennent pas travailler, nous lavons nos vêtements à la main. Il n’y a aucune hygiène. Tu peux te doucher, mais tous les matins ils ferment les douches pour changer le shampoing et tout, c’est très gênant.La première chose qu’on veut c’est la liberté.On demande la compréhension, nous sommes extrêmement fatigués de la condamnation en prison, mais cette privation de liberté c’est pire. Je ne comprends pas pourquoi ils envoient ici des gens qui ont des papiers, des cartes de séjour, des demandes d’asiles, des adresses et des attestations d’hébergement. Comme tu sors de prison, ils t’envoient ici.Ce matin, 15 personnes sont arrivées ici sortant directement de prison. C’est incompréhensible ! C’est une condamnation dans la condamnation, une double peine, mais en pire, car l’endroit est trop sale et horrible, le pire.Je ne sais pas ce que les gens peuvent faire. Qu’ils viennent voir comment on vit ici, comme des chiens. Qu’ils voient les chambres, les salles de bain, l’insécurité ici, plus que tout en ce moment à cause du virus. Le ministère de la justice a soi disant libéré les fins de peine des prisons, mais ils t’envoient ici. Le ministère de la justice est le plus raciste de France.Liberté, solidarité, respect, dignité pour tous, car nous sommes tous humains et tous égaux, ce n’est pas car nous avons commis des erreurs que nous sommes des mauvaises personnes. Nous ne méritons pas ce traitement.Nous voulons la liberté !
Catégorie : Paroles de l’intérieur
Témoignage d’un prisonnier enfermé dans le CRA de Toulouse
On reçoit et on publie des témoignage d’un prisonnier du CRA de Toulouse. Dans cette prison pour étranger.e.s, de nouveaux rétenus enfermés arrivent malgré l’épidémie en cours !
Un député (Manuel Bompard) est venu au centre cette semaine. Mais comme d’habitude, en dehors de la communication politique pas de changement. Le JLD est en visio, pas de médecin, pas d’OFII, un infirmier qui est là que pour distrubuer des cachetons, pas de protections…
Aux dernières nouvelles, encore 5 personnes sont enfermées au CRA de Toulouse. Elles ont été réunies dans le secteur D, dont la cabine ne fonctionne plus…
« Je suis stressé, j’arrive pas à dormir, j’ai mal au dos, j’ai peur la police qu’elle ramène quelque chose ici.
Le medecin n’est pas là, j’ai très mal au dos, la tête elle éclate, j’ai demandé doliprane pour la tête, y a pas.
C’est compliqué avec la police. C’est bizarre. Il n’y a rien du tout, ni masques, ni gants, ni gel pour laver les mains, rien du tout.
Les gens viennent de dehors, c’est pas comme nous ici, c’est pas une bonne idée, c’est pas protégé.
On a trois doses de savon, chacun, par semaine. On mange tous les secteurs ensemble, mais chacun a sa table. Mais on est deux par chambre, comme d’habitude.
L’OFII il est plus là , la Cimade ça fait 15 jours qu’il est plus là . A midi l’infirmier vient et il donne les médicaments pour dormir, et après il se barre, après tu le vois plus.
Demain j’aurai une chance de sortir ou pas ? Normalement ils ont pas de droits de me garder moi ici, parce que les frontières elles sont fermées, y a pas d’aéroports, y a pas d’avions, y a rien du tout.
Les juges ils savent rien de ce qu’il se passe ici. Y a pas de tribunal, tout est en visio, même moi j’ai pas pu parler à l’audience. »
Sinon, pour le moment le CRA de Toulouse ne se vide plus du tout et au contraire se remplit jour après jour, avec des arrivées de la maison d’arrêt de Seysses. 9 personnes enfermées hier soir.
01.04.2020
Libération immédiate de tou.te.s les prisonniers-ères !
Virus ou pas : liberté !
A BAS LES CRA ! A BAS LES FRONTIERES !
Situation au CRA de Lille : photos et témoignages
Au CRA de Lille, ils ne sont plus que 8, regroupés dans un
bâtiment. La moitié d’entre eux sont passés directement de la prison au CRA. Parmi eux, deux prisonniers racontent la situation à l’intérieur : les insultes, les tabassages et surtout l’incompréhension de laisser le centre ouvert et de les garder enfermés.
Mais aussi les conditions d’hygiène désastreuses, comme le confirment des photos sorties du centre. Enfermer et laisser des gens enfermés dans ces prisons est, d’autant plus en ce moment d’épidémie, un choix politique : les préfectures et l’Etat ont décidé de « courir le risque » de faire créver des sans-papiers. Ripostons, soyons solidaires avec les prisonniers-ères !
« Nous on est juste des roumains madame, on veut partir de notre propre volonté. On ne veut pas rester en France. Mais le problème là avec le virus, il n’y a pas d’avions, c’est fermé. Donc je ne comprends pas, ici on est 8 personnes.
Aujourd’hui ils nous ont changé de secteur. Ils nous emmenés dans un secteur entre guillemets « propre », mais les douches sont sales, il y a de l’eau partout. C’est crade ici. Je vois par terre il y a des mégots. Devant le centre c’est propre. Mais nous là où on vit c’est pas propre. Ca veut dire qu’on a aucune garanties sur notre santé.
La dame qui s’occupe du magasin, on lui a demandé si il y avait un coca ou un jus d’orange. Elle nous a dit nous on fait pas les courses comme ça comme partout, ils parlent avec nous comme des chiens. En plus le tour d’aujourd’hui, les policiers qui sont ici, ils nous ont très mal traités.
Après moi j’ai demandé le commandant, j’ai parlé avec lui et je lui ai expliqué le comportement des policiers de ce matin. Il a répondu que ça c’était la France, que si cela ne nous convenait pas, il fallait ne pas venir en France. Je lui ai dit « mais pourquoi vous nous parlez comme des chiens ? », nous on vous respecte, donc on vous demande le respect.
Ici c’est dommage qu’on ai pas de portable avec des photos, parce qu’ils ne sont pas malades, si ils nous laissent avec des téléphones avec caméra, je prends des photos et j’envoie direct à la direction des droits de l’homme à Bruxelles, pour qu’ils voient dans quelles conditions on vit ici.
On comprend que quand on a fait une bêtise on paie, mais on est pas des chiens ou des moutons pour vivre comme ça, dans ces conditions.
Moi juste avant j’étais en prison. J’ai fait ma peine. J’ai fait une bêtise, j’ai payé. J’ai été trop vite sur l’autoroute et ils m’ont mis 5 mois en prison. J’ai dit ok. Je paye. J’ai fait trois mois et 20 jours de prison et je suis sorti. J’habite en Belgique, depuis 5 ans, j’ai acheté là-bas ma maison. Et je travaille, j’ai un contrat de travail, j’ai tout.
Et donc je dis : je rentre dans mon pays. Même s’ils m’envoie en Roumanie ce n’est pas grave. En 2h et demi je suis de retour en Belgique. Mais comme ils ont fermé les aéroports tout ça, j’ai compris. J’ai dit bon, je ne peux pas rentrer en Roumanie, envoie-moi en Belgique, c’est 65km ! Ca fait 30 minutes de route.
Ma nièce a envoyé tous les papiers. Aujourd’hui j’ai vu mon assistante sociale, elle m’a dit que je passerai devant le juge dans 20 jours. Mais j’ai dit : « pourquoi dans 20 jours ? ». Vous me dites que vous avez tous les papiers, mais vous ne pouvez pas me relâcher. Je ne comprends pas le système comment ça se passe.
Ils profitent des roumains. Ils disent qu’on ne connait pas trop les lois, qu’on ne connait pas trop les choses. Mais moi ça fait 20 ans que j’habite en France. Je suis marié avec une femme française. J’ai deux enfants avec elle. Ensuite on s’est séparés. Donc on connait la France, ça ne veut pas dire qu’on ne connait pas nos droits.
Nous on ne met pas tout le monde dans la même casserole. Il y a des gens bien et mauvais partout. Ici il y a des arabes. Il y en a certains qui n’ont pas d’argent, qui n’ont pas de famille. Ils n’ont rien du tout. Et bien on achète du café pour nous, on leur achète aussi pour eux. Des cigarettes aussi. On partage. »
S est roumain lui aussi, son arrivée au CRA s’est faite de manière
violente, suite à une arrestation dans la rue et une garde à vue où il a été frappé par les flics.
« En fait j’étais tout simplement en train de dormir dans une voiture, dans ma voiture. Et en fait quand je me suis réveillé, il y avait les flics à ma fenêtre et du coup, je baisse ma fenêtre, ils me demandent mes papiers. Je leur donne tout, le permis tout.
Quand ils voient que je suis roumain, ils commencent à me mettre des claques, des patates en me disant « ouais c’est vous qui ramenez la maladie en France, c’est à cause
des gens comme vous ». Il m’a frappé directement dans la rue, tu vois ma lèvre elle est encore ouverte à l’intérieur. Et mon œil, il n’est pas bleu mais il est gonflé.Quand ils m’ont frappé, je me suis mis en colère, je lui ai demandé : « de quel droit tu me mets des patates ? ». En garde à vue, j’avais demandé à porter plainte, mais ils se sont foutu de ma gueule, en garde à vue ils m’ont aussi foutu des claques. Parce qu’en fait je demandais à avoir un avocat et un médecin.
Je ne comprends pas c’est quoi cette violence envers les roumains. Parce qu’en fait dans notre pays aussi en Roumanie il y a des français. Du coup, je ne crois pas que la France aimerait que quand on attrape des français dans notre pays ils leur fassent la même chose.
Parmi tout les roumains en France il n’y en a pas un seul qui est malade. Alors c’est quoi ? C’est juste une violence contre les roumains quoi. »
La lutte contre les CRA est aussi une lutte
contre la domination raciste.
Ces témoignages montrent une fois de plus que le CRA est une des formes les plus violentes du racisme d’Etat, contre les personnes noires, arabes et roumaines (entre autres) qui vivent dans ce pays. Mais les prisonniers parlent aussi des solidarités qui se tissent à l’intérieur. Soutenons-les depuis l’extérieur !
Libération immédiate de tou.te.s les prisonniers-ères ! Abolition des CRA !