FRONTIÈRES, MILITAIRES, FLICS ET CPR/CRA : UNE NOUVELLE ACCELERATION DU RACISME D’ÉTAT EN ITALIE ET EN EUROPE

Les discours sur les « crises migratoires » répétées sont un grand classique des politiciens et des journaux italiens et européens. Ces récits servent à justifier la répression et l’exploitation des migrant·es sur le sol européen. Concrètement, l’exploitation et la répression raciste sont soutenues au niveau national par une production législative de décrets-lois, et au niveau supranational, par la rédaction incessante de traités et d’accords. La présence croissante de frontières militarisées, de flics et de prisons pour les sans-papiers est l’implication concrète de ces politiques.

La « crise de Lampedusa » de ces derniers mois, qui a vu des milliers de personnes bloquées dans une sorte de prison sur l’île, semble avoir accéléré certaines tendances dans la gestion italienne des migrations et des frontières. Ce texte veut essayer de s’attarder sur certains changements récents (surtout d’un point de vue législatif), afin de donner un petit élément d’analyse à ceux·celles qui luttent contre le racisme d’État, ses prisons et ses frontières. En particulier, nous tenterons de retracer les derniers développements concernant le rôle de Frontex en Europe ; les tendances dans certains pays européens sur la question de la retention administrative et des déportations ; et les derniers décrets en Italie.

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Liens avec des prisonniers condamnés pour violences sexistes : des pistes de réflexions et d’actions

Depuis 3 ans que l’assemblée d’Ile de France contre les centres de rétention existe, il est arrivé qu’on soit confronté à des situations compliquées dans nos liens avec les personnes enfermées à l‘intérieur des CRA. Des retenus avec qui on était en contact avaient parfois été condamnés pour des violences sexistes et sexuelles (harcèlement, violences conjugales, agressions sexuelles, viols). La plupart du temps nous l’avons appris car la personne nous l’a dit elle-même (en général parce qu’elle avait été envoyée en CRA à sa sortie de prison), ou bien parce que sa compagne nous l’a dit. En mars 2021, suite à l’incendie ayant eu lieu au CRA du Mesnil-Amelot, 7 personnes sont passées devant le tribunal de Meaux : au cours du travail d’antirépression que nous avons tenté de faire, nous avons été confronté à leurs dossiers pénaux et appris que plusieurs d’entre eux avaient été condamnés pour des violences sexistes. Ont suivi de nombreux débats sur la forme du soutien que nous avions envie de leur apporter : si nous étions globalement tous.tes d’accord pour continuer le travail minimal d’antirep afin d’exprimer notre solidarité avec la révolte survenue en janvier, il n’y avait pas de consensus sur le fait de pousser le soutien plus loin (notamment maintenir une correspondance avec eux, aller en parloir, envoyer des mandats). Est ce qu’on avait vraiment envie de faire ça ? Si d’habitude, on part plutôt du postulat qu’on interagit avec les personnes en CRA en tant que personnes qui subissent le racisme d’Etat et l’enfermement, sans distinction quant à leurs parcours, que faire une fois que l’on sait que telle personne a commis un viol ou battait sa femme ? Dans le cas des prisonniers de l’incendie, nous avions appris les faits via le dossier judiciaire : est-ce qu’on voulait vraiment se baser sur le casier des gens, c’est-à-dire un produit de la police et de la justice que l’on rejette, pour construire notre action politique ? 

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« Tu chantes pas, tu manges pas ! » // témoignage des prisonnières du CRA du Mesnil-Amelot

Au CRA du Mesnil-Amelot les prisonnières font face au harcèlement policier et à des conditions sanitaires insalubres. Alors qu’une prisonnière est tombée malade suite à une infection (dû au rationnement de serviettes hygiéniques), les prisonnières ont du lutter pour faire intervenir les pompiers. Elles dénoncent les multiples insultes et harcèlements – traitées notamment de « putes » par les flics- et aussi l’humiliation lorsque ils les forcent à chanter « joyeux anniversaire » au chef du centre sous peine de ne pas manger. Elle dénoncent aussi la nourriture périmée qui leur est donnée, qui s’ajoute au froid dans lequel elles vivent. Voici une retranscription de l’émission de l’Envolée du 9 octobre dans lequel une prisonnière raconte tout ça.

 

Bonjour madame

Bonjour, déjà merci de ton appel, est ce que tu vas bien ?

Oui ça va un peu malgré le stress et tout .

Tu voulais nous parler de choses précises aujourd’hui ?

Ouais ouais ce que je vis depuis 2 jours là, ça a commencé avant hier et ça m’a un peu bouleversée, ça ma’a rendue triste et donc c’est pourquoi je voulais le partager avec certaines personnes aussi.

N’hésite pas vas y on t’écoute.

En fait ici sur le CRA des filles, parce que nous sommes aussi avec des filles qui parlent pas français – il y a les albanaises et tout- nous vivons avec elles. Alors il y a de cela 2 jours, il y a une albanaise qui est venue me voir, comme elle parle pas français, elle, elle parle anglais… bah bien que je parle pas trop français je me débrouille quand même. Elle est venue me dire qu’elle avait ses règles et elle voulait avoir des bandes hygiéniques. Elle me dit si je peux l’accompagner à la police pour aller demander des bandes hygiéniques. Là je l’ai accompagnée, arrivées là bas on a trouvé une dame, je lui ai dit voilà, la demoiselle elle a ses règles elle voulait avoir les bandes hygiéniques et la police lui a remis juste 2 bandes. Elle a négocié elle a dit avec 2 bandes qu’est-ce que je vais faire avec ? Et la police l’a grondé. La fille elle a eu peur, on est rentrées. Après dans la journée elle a utilisé les 2 serviettes, ça n’a pas suffit. Donc elle est venue me voir elle a demandé si j’en avais aussi. Moi non plus j’en avais pas. Du coup elle a pris son habit, elle a pris sa blouse, elle l’a déchiré, elle a utilisé ça comme serviette. Sans se rendre compte qu’il y avait des problème avec ça. Et comme la femme, elle est trop fragile elle a attrapé des infections. Elle a commencé à avoir trop mal au niveau du bas ventre et au niveau de la hanche. Elle pleurait tellement fort, elle est venue me dire « je me sens pas bien, j’ai trop trop trop mal », du coup elle est tombée par terre elle a commencé a crier très fort et comme dans notre bâtiment, il y a un bouton là quand vous appuyez directement ça sonne chez la police. Moi j’ai sonné et on a essayé d’appeler la police. La police nous a répondu « nous ne sommes pas là pour vos conneries, donc démerdez vous là bas ». C’est la réponse qu’ils nous ont donnés. Et du coup la fille elle a commencé à pleurer. Au départ on croyait que non ça va passer, c’est juste une douleur, comme on avait pas aussi les antidouleurs rien du tout. Elle pleurait, elle pleurait et plus le temps avançait, la fille elle devenait pale et elle avait une forte fièvre je voyais aussi ses yeux commencer déjà à changer et tout le monde était paniqué. On savait plus quoi faire. Elle pleurai tellement, elle était par terre, elle a commencé à faire… comment appeler ça…

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