« C’est eux qui font le jugement à ta place » Témoignage de deux prisonniers du Mesnil-Amelot

Il y a une semaine la majorité des prisonniers du centre de rétention de Mesnil-Amelot s’était mis en grève de la faim pour exiger leurs libération immédiate et la fermeture du CRA.

La préfecture à fait le choix inverse: maintenir la taule ouverte et continuer à y enfermer des gens sortants de prisons ou pas. Contrairement aux premières semaines les juges libèrent très peu ou plus du tout.

Nous relayons ici deux témoignages de prisonniers du 2 et du 6 avril qui racontent la situation au centre.

En attendant n’oublions pas de montrer notre solidarité et de continuer à harceler les préfectures.

« Liberez nous et point final !  » Mesnil 2 le 02.04.2020

« Depuis 2017 j’étais incarcéré moi. Depuis 2017 j’ai pas eu un seul grain de liberté. Donc la je suis vraiment comme un ouf.
Il faut que dire les chiottes sont pas lavées et sont dégueulasse. Il faut dire que c’est sale et que c’est crade. Y ap lus personne qui intervient.
On a toujours pas les produits de nettoyage ou d’hygiene pour nous même faire le taf. Ici je suis pas avec des gens que je connais.
Y a pas que le truc du coronavirus qui nous inquiète. Quand on va au toilette j’ai peur de m’assoir tellement c’est degueulassse. Y a des maladies que voila.. Tu peux être infecté à tout moment. Les gens ils parlent que du coronavirus mais faut pas oublier les infections.
Ma vie j’ai peur pour ma vie là. J’ai pas envie de chopper un truc bizarre ou quoi.
J’ai 22 ans, j’ai besoin de vivre moi.
C’est pas la premiere fois que je dis ca. Depuis que je suis ici je fais que le repeter. Au bout d’un moment je m’enerve
Meme si les gens de l’exterieur ils reflechissent un peu ils savent en fait ce qui se passe.
Quand tu viens ici on te donne deux shampoing et un mini savon. Je fais quoi avec ca? HEIN?! »

 

 

 » C’est rejeté, c’est prolongé de 28 jours. » Mesnil CRA2  06.04.2020

« Ca se passe très mal ici dans le centre. Ce qui se passe ici, c’est pas humain.
Le gouvernement et le président de la republique sont en contradiction: ils disent une chose mais en pratique c’est autre chose.

On vit avec les policiers ici, y a pas de savon de gel ou de masques pour eux ou pour nous.
La démocratie est bafouée.On vit avec comme c’est la dictature. Ils ont le droit de refaire les règles de la démocratie quand ça les arrange? Elle est où la démocratie universelle des droits de l’homme?
Y a des gros problèmes sanitaire: c’est sale. Y a des gens qui toussent donc c’est bizarre comme ambiance ici. On vit tous dans le même pays mais pas dans la même situation. On confine les gens dehors. Ici,  le coronavirus le virus n’existe pas: vous mangez dans la salle à manger où vous êtes plus de 25. Les policiers sont en face de vous et ne sont pas masqués. Ils viennent de l’exterieur eux.
Tous les jours on reçoit des gens qui arrivent. Et pourtant le tribunal avait dit de fermer le centre. Mais ça continue parce que pour eux c’est un bizness tous ca. Ils font ça pour leurs elections.
Ici faut y être pour y croire: si t’as pas experimenté tu peux pas comprendre.
Aujourd’hui on peut vous dire; » vous pouvez passer au jugement ». Mais nous on ne se presente pas. Pour te défendre y a un avocat d’office qui ne prend meme pas contact avec toi. On ne te demande ni ton avis, ni ton opinion. Toi tu restes dans ta cellule, la nuit on t’annonce: « C’est rejeté, c’est prolongé de 28 jours. » Mais nous on sait pas ce qui ce passe. C’est eux qui font le jugement à ta place. On sait pas c’est sur quel article qu’on te juge. Ici à un moment tu sens que tu perds tes droits. C’est quel article de la loi qui dit qu’on ne peut pas se presenter au jugement?
En résumé: on t’appelle tu vas au greffe, on te donne un papier que tu signes disant que tu vas passer au jugement demain, y un avocat d’office qui va te representer. Toi t’attends dans ta cellule. Tout d’un coup le lendemain on t’appelle à 17h et on te dit  » Rejeté ».
Ils ont fait la guerre partout en Afrique parce que c’est un bizness, pour leurs interêts. Les gens ont perdu leurs parents. Ils vendent des armes partout, c’est eux les trafiquants d’armes. La France vend combien d’arme par an?
Ils font quoi au Mali hein ? Les djihadistes leurs armes sont fabriques en Europe souvent. Eux ils assument pas en réalite de faire la guerre.
Et là ils disent « Non faut fermer les frontières ». Mais faut assumer, hein ?! Tu viens faire la guerre et après tu t’etonnes. Il ne voit que leurs interêts.
Meme en Afrique ça se passe pas comme ça. Au moins là bas tu passes devant le juge à un moment.
On va nous sacrifier nous on sait pas ou on va. Moi on m’a arrêté sur un contrôle d’identité par rapport au coronavirus. Je suis une victime collatéral du confinement.
Les vrais terroristes, les terroristes intellectuelles ce sont les politiciens. Partout où ils passent c’est que du pipeau, ils voient que des intérêts. Regarde à l’assemblée. Comment ils peuvent continuer à mentir à leurs populations ? Mais où va le monde ? On est en face d’une crise sans précedent, mais vous continuez à mentir aux gens. Ils ont qu’à se mentir entre eux. Et ils ont l’audace de mentir à la population, de la mettre en danger, à genou. Alors que sans la population ils sont zéro.
Sarkozy il est où ? Son mandat est fini. Il va passer en jugement.
Fillon il est où? Son mandat est fini. Il va passer en jugement.
C’est le début de la vengeance pour nous.
Juste un petit dicton pour bien comprendre: « Le sorcier oublie celui à qui il a fait du mal, mais celui qui a eu mal il oublie pas qui lui a fait du mal ».
Juste pour terminer: les africains ne sont pas encore libre. Le temps de l’esclavage ça continue. Ce que l’on vit là c’est pas humain. C’est à l’oeuvre qu’on reconnait l’ouvrier. L’histoire dira son mot un jours. »

 

Pour rappel: vous pouvez appeler les cabines de la prison pour apporter votre solidarité. Si c’est la première fois ou que vous savez pas trop quoi dire on a listé quelques conseils. Le numéro de la cabine de Mesnil-Amelot pour joindre directement les prisonniers : 01.60.54.16.56

Témoignage d’un prisonnier enfermé dans le CRA de Toulouse

On reçoit et on publie des témoignage d’un prisonnier du CRA de Toulouse. Dans cette prison pour étranger.e.s, de nouveaux rétenus enfermés arrivent malgré l’épidémie en cours !

Un député (Manuel Bompard) est venu au centre cette semaine. Mais comme d’habitude, en dehors de la communication politique pas de changement. Le JLD est en visio, pas de médecin, pas d’OFII, un infirmier qui est là que pour distrubuer des cachetons, pas de protections…

Aux dernières nouvelles, encore 5 personnes sont enfermées au CRA de Toulouse. Elles ont été réunies dans le secteur D, dont la cabine ne fonctionne plus…

« Je suis stressé, j’arrive pas à dormir, j’ai mal au dos, j’ai peur la police qu’elle ramène quelque chose ici.

Le medecin n’est pas là, j’ai très mal au dos, la tête elle éclate, j’ai demandé doliprane pour la tête, y a pas.

C’est compliqué avec la police. C’est bizarre. Il n’y a rien du tout, ni masques, ni gants, ni gel pour laver les mains, rien du tout.

Les gens viennent de dehors, c’est pas comme nous ici, c’est pas une bonne idée, c’est pas protégé.

On a trois doses de savon, chacun, par semaine. On mange tous les secteurs ensemble, mais chacun a sa table. Mais on est deux par chambre, comme d’habitude.

L’OFII il est plus là , la Cimade ça fait 15 jours qu’il est plus là . A midi l’infirmier vient et il donne les médicaments pour dormir, et après il se barre, après tu le vois plus.

Demain j’aurai une chance de sortir ou pas ? Normalement ils ont pas de droits de me garder moi ici, parce que les frontières elles sont fermées, y a pas d’aéroports, y a pas d’avions, y a rien du tout.

Les juges ils savent rien de ce qu’il se passe ici. Y a pas de tribunal, tout est en visio, même moi j’ai pas pu parler à l’audience. »

Sinon, pour le moment le CRA de Toulouse ne se vide plus du tout et au contraire se remplit jour après jour, avec des arrivées de la maison d’arrêt de Seysses. 9 personnes enfermées hier soir.

01.04.2020

Libération immédiate de tou.te.s les prisonniers-ères !

Virus ou pas : liberté !

A BAS LES CRA ! A BAS LES FRONTIERES !

 

Situation au CRA de Lille : photos et témoignages

Au CRA de Lille, ils ne sont plus que 8, regroupés dans un
bâtiment. La moitié d’entre eux sont passés directement de la prison au CRA. Parmi eux, deux prisonniers racontent la situation à l’intérieur : les insultes, les tabassages et surtout l’incompréhension de laisser le centre ouvert et de les garder enfermés.

Mais aussi les conditions d’hygiène désastreuses, comme le confirment des photos sorties du centre. Enfermer et laisser des gens enfermés dans ces prisons est, d’autant plus en ce moment d’épidémie, un choix politique : les préfectures et l’Etat ont décidé de « courir le risque » de faire créver des sans-papiers. Ripostons, soyons solidaires avec les prisonniers-ères !

« Nous on est juste des roumains madame, on veut partir de notre propre volonté. On ne veut pas rester en France. Mais le problème là avec le virus, il n’y a pas d’avions, c’est fermé. Donc je ne comprends pas, ici on est 8 personnes.

Aujourd’hui ils nous ont changé de secteur. Ils nous emmenés dans un secteur entre guillemets « propre », mais les douches sont sales, il y a de l’eau partout. C’est crade ici. Je vois par terre il y a des mégots. Devant le centre c’est propre. Mais nous là où on vit c’est pas propre. Ca veut dire qu’on a aucune garanties sur notre santé.

La dame qui s’occupe du magasin, on lui a demandé si il y avait un coca ou un jus d’orange. Elle nous a dit nous on fait pas les courses comme ça comme partout, ils parlent avec nous comme des chiens. En plus le tour d’aujourd’hui, les policiers qui sont ici, ils nous ont très mal traités.

Après moi j’ai demandé le commandant, j’ai parlé avec lui et je lui ai expliqué le comportement des policiers de ce matin. Il a répondu que ça c’était la France, que si cela ne nous convenait pas, il fallait ne pas venir en France. Je lui ai dit « mais pourquoi vous nous parlez comme des chiens ? », nous on vous respecte, donc on vous demande le respect.

Ici c’est dommage qu’on ai pas de portable avec des photos, parce qu’ils ne sont pas malades, si ils nous laissent avec des téléphones avec caméra, je prends des photos et j’envoie direct à la direction des droits de l’homme à Bruxelles, pour qu’ils voient dans quelles conditions on vit ici.

On comprend que quand on a fait une bêtise on paie, mais on est pas des chiens ou des moutons pour vivre comme ça, dans ces conditions.

Moi juste avant j’étais en prison. J’ai fait ma peine. J’ai fait une bêtise, j’ai payé. J’ai été trop vite sur l’autoroute et ils m’ont mis 5 mois en prison. J’ai dit ok. Je paye. J’ai fait trois mois et 20 jours de prison et je suis sorti. J’habite en Belgique, depuis 5 ans, j’ai acheté là-bas ma maison. Et je travaille, j’ai un contrat de travail, j’ai tout.

Et donc je dis : je rentre dans mon pays. Même s’ils m’envoie en Roumanie ce n’est pas grave. En 2h et demi je suis de retour en Belgique. Mais comme ils ont fermé les aéroports tout ça, j’ai compris. J’ai dit bon, je ne peux pas rentrer en Roumanie, envoie-moi en Belgique, c’est 65km ! Ca fait 30 minutes de route.

Ma nièce a envoyé tous les papiers. Aujourd’hui j’ai vu mon assistante sociale, elle m’a dit que je passerai devant le juge dans 20 jours. Mais j’ai dit : « pourquoi dans 20 jours ? ». Vous me dites que vous avez tous les papiers, mais vous ne pouvez pas me relâcher. Je ne comprends pas le système comment ça se passe.

Ils profitent des roumains. Ils disent qu’on ne connait pas trop les lois, qu’on ne connait pas trop les choses. Mais moi ça fait 20 ans que j’habite en France. Je suis marié avec une femme française. J’ai deux enfants avec elle. Ensuite on s’est séparés. Donc on connait la France, ça ne veut pas dire qu’on ne connait pas nos droits.

Nous on ne met pas tout le monde dans la même casserole. Il y a des gens bien et mauvais partout. Ici il y a des arabes. Il y en a certains qui n’ont pas d’argent, qui n’ont pas de famille. Ils n’ont rien du tout. Et bien on achète du café pour nous, on leur achète aussi pour eux. Des cigarettes aussi. On partage. »

S est roumain lui aussi, son arrivée au CRA s’est faite de manière
violente, suite à une arrestation dans la rue et une garde à vue où il a été frappé par les flics.

« En fait j’étais tout simplement en train de dormir dans une voiture, dans ma voiture. Et en fait quand je me suis réveillé, il y avait les flics à ma fenêtre et du coup, je baisse ma fenêtre, ils me demandent mes papiers. Je leur donne tout, le permis tout.

Quand ils voient que je suis roumain, ils commencent à me mettre des claques, des patates en me disant « ouais c’est vous qui ramenez la maladie en France, c’est à cause
des gens comme vous ». Il m’a frappé directement dans la rue, tu vois ma lèvre elle est encore ouverte à l’intérieur. Et mon œil, il n’est pas bleu mais il est gonflé.

Quand ils m’ont frappé, je me suis mis en colère, je lui ai demandé : « de quel droit tu me mets des patates ? ». En garde à vue, j’avais demandé à porter plainte, mais ils se sont foutu de ma gueule, en garde à vue ils m’ont aussi foutu des claques. Parce qu’en fait je demandais à avoir un avocat et un médecin.

Je ne comprends pas c’est quoi cette violence envers les roumains. Parce qu’en fait dans notre pays aussi en Roumanie il y a des français. Du coup, je ne crois pas que la France aimerait que quand on attrape des français dans notre pays ils leur fassent la même chose.

Parmi tout les roumains en France il n’y en a pas un seul qui est malade. Alors c’est quoi ? C’est juste une violence contre les roumains quoi. »

La lutte contre les CRA est aussi une lutte
contre la domination raciste.

Ces témoignages montrent une fois de plus que le CRA est une des formes les plus violentes du racisme d’Etat, contre les personnes noires, arabes et roumaines (entre autres) qui vivent dans ce pays. Mais les prisonniers parlent aussi des solidarités qui se tissent à l’intérieur. Soutenons-les depuis l’extérieur ! 

Libération immédiate de tou.te.s les prisonniers-ères ! Abolition des CRA !