Témoignage de X, prisonnier au CRA de Lyon

Lecture et republication du site crametoncralyon.noblogs.org

« voilà comment on traite les gens. on est isolés. c’est vrai qu’il y a des caméras mais dans les chambres il y en a pas. dans les chambres il y a que des agressions »

Je raconte en détail depuis le début. Ils m’ont emmené à l’isolement à cause du monsieur qu’ils disent qu’il a le corona, il est positif. ce monsieur il est venu de prison. il a passé une semaine avec moi dans le centre, avec tout le monde. et là du coup ce monsieur il a une grippe ou quoi. après il est parti faire le test. ils disent qu’il faut mettre ce monsieur à l’isolement. ils font exprès de me mettre avec lui pour me mettre aussi à l’isolement.

ils m’ont emmené à l’isolement hier, j’ai demandé le matin des cigarettes comme tout le monde. j’ai donné 20 euros au guichet pour qu’ils m’achètent un paquet. ça coûte 10,40 euros, j’ai pas de monnaie j’ai donné 20 euros. du coup après quand ils m’ont emmené à l’isolement j’ai parlé à la personne, « j’ai besoin de cigarettes ». normalement à 11 heures ils emmènent les cigarettes. j’ai appelé à 11 heures, midi, midi trente… il vient pas. Le gars il fait exprès pour que je fume pas. moi je suis en colère, je dis « comment, ils m’emmènent quelqu’un qui a le virus corona, il habite avec moi, après ils m’emmènent à l’isolement, il n’y a aucune protection dans cette chambre… ». Voilà. Et quand ils m’ont emmené les cigarettes, j’ai vu la monnaie, il m’a rendu que 5 euros. 5 euros et un paquet. J’ai dit « comment ça se fait, normalement c’est 10,40 euros ». Là il m’a dit « Ferme ta gueule », je sais pas quoi. Il m’a parlé méchamment. J’ai dit « on s’en fout », j’ai fumé une cigarette. Et là ils sont partis.

Après j’ai appelé pour mes vêtements. ils sont venus avec tout, les masques, les protections. ils sont entrés dans ma chambre, ils m’ont fait tomber par terre. ils ont cassé la puce de mon téléphone. moi j’ai rien compris. Pourquoi ils ont fait ça ? j’ai rien compris. après quand j’ai pensé dans ma tête je me suis dis c’est à cause de la préfecture. j’ai la pression sur moi pour que je fasse un test. parce que ce jour-là quand on m’a demandé de faire un test j’ai refusé (1). et voilà. et quand ils sont partis j’ai cassé la poignée de la porte et j’ai bloqué la porte à l’intérieur et j’ai dormi. j’ai dit je vais faire la grève de la faim, on s’en fout, l’essentiel c’est que ça se passe pas encore. et ils sont revenus, à 10 personnes, comme si ils avaient trouvé un terroriste ou quoi. ils sont entrés dans ma chambre, par terre, avec les bottes, ils me frappent… c’est pas la peine. J’ai demandé le médecin, ils veulent pas. le médecin il est venu me voir parce que comme j’ai un accident, une fracture au niveau du cou, ils m’ont bandé sur un tabouret fixe (?). c’est la même chose, la fracture elle est comme avant. j’ai demandé le médecin, il n’y a pas. j’ai demandé les secours, il n’y a rien. j’ai appelé la police, ils ont dit « tu peux pas te déplacer, tu es au centre de rétention ». j’ai appelé les pompiers et là… je sens qu’ils m’écoutent.

après ils m’ont emmené au mitard. parce que j’ai cassé cette poignée, ils m’ont foutu au mitard. j’ai passé la nuit, ils voulaient me mettre des ceintures sur le lit mais comme le garde du soir il me connaît car ça fait 75 jours que je suis là et j’ai aucun problème, je suis quelqu’un de correct, il leur a dit de me laisser libre. franchement je suis dégoûté. j’ai tapé ma tête sur la vitre incassable. je l’ai cassée. ils ont fait des photos comme quoi je suis un voyou. c’est toujours moi la victime et c’est toujours moi le voyou. demain normalement j’ai le tribunal. ils m’ont dit non tu vas pas voir le tribunal, dans trois ou quatre jours tu vas voir directement le procureur il t’envoie directement au tribunal. normalement moi demain matin c’est fini, 75 jours. comme je vais dépasser les 75 jours, après je vais voir le tribunal. c’est un peu bizarre, j’ai rien compris franchement. soit ils appliquent la loi correctement, soit ils l’appliquent pas… mais eux ils sont pas en train d’appliquer la loi.

comme il y a du terrorisme dehors, surtout à cause du Tunisien qui a fait l’attentat à Nice, un terroriste ou je sais pas c’est qui même, moi je paie la facture, parce que je suis Tunisien. Mais moi je dis non, je dis que j’ai rien fait, en France je vis tranquille. Au contraire, je suis professionnel de construction de bâtiment. et là aujourd’hui je paie la facture d’un fou, d’un terroriste. […] ils lâchent les terroristes et ils m’attrapent moi parce que j’ai la nationalité tunisienne.

moi tout ce qui m’inquiète c’est mon fils. quand je réfléchis, j’ai quitté mon fils, j’arrive pas à trouver une solution. je suis depuis dix ans ans en France, j’ai jamais fait de garde à vue. aujourd’hui ça fait 75 jours de prison, pire que la prison, parce que j’ai pas de carte de séjour. c’est pas ma faute si j’ai pas de carte de séjour. c’est la préfecture qui me donne pas de carte de séjour. c’est pas ma faute si je suis pas marié avec une Française pour avoir une carte de séjour, je suis marié avec une Italienne, c’est le destin. et là je peux rien changer. moi j’ai pas pensé aux papiers. J’ai pas cherché les moyens pour faire un mariage blanc et avoir des papiers, je cherche une femme pour avoir une famille.

voilà comment on traite les gens. on est isolés. c’est vrai qu’il y a des caméras mais dans les chambres il y en a pas. dans les chambres il y a que des agressions, ils parlent méchamment. Bon c’est pas tous, franchement. y’a des policiers qui comprennent. mais y’a des policiers qui travaillent avec la préfecture. Comme m’a dit un civil, « le préfet il gagne 30 000 euros, tu peux rien lui faire. Il peut t’envoyer même sans test en Tunisie ». Je me suis dit bah voilà, c’est pas la fin du monde. si je rentre, je rentre. je prends la mer et je reviens au moins en Italie, je vais voir ma femme et mon fils. j’ai pas le choix. j’ai travaillé 10 ans en France, je mérite pas ça moi. si j’ai un casier judiciaire sale ou si je suis un voyou ou quoi que ce soit, oui. mais là, j’ai des fiches de payes, je cotise chaque mois, j’ai eu aucune aide depuis que je suis venu sur le territoire français. ils m’ont pas payé la formation. et là aujourd’hui je suis professionnel.

moi je sais bien que la loi française est pas comme ça. j’ai un enfant, je connais bien la loi, c’est pour ça que j’attends, je vais me présenter devant un juge, je vais parler avec lui. si il me comprend il va me libérer, si il applique la loi … je sais pas d’après quelle loi c’est, je suis contre cette loi. comment un père de famille peut être emmené en prison parce qu’il rentre pas chez lui. si ils veulent m’expulser, j’ai l’Italie, j’ai mes papiers en Italie. pourquoi ils m’emmènent pas en Italie ? Normalement je devrais aller avec ma femme en Italie, pas en Tunisie. Parce qu’ils sont en colère contre les terroristes tunisiens ou je sais pas quoi… Mais c’est pas ma faute, le terrorisme. c’est partout le terrorisme ! même en Tunisie on a des terroristes.

dans ma chambre il y a un gars ils disent qu’il est positif et il est toujours avec moi. ça veut dire quoi ? ils veulent m’emmener le virus ? j’ai rien compris franchement. on est deux personnes victimes d’une autre personne qui a fait le test, elle est positive et elle est toujours avec nous. il y a des personnes positives qui sont à l’isolement de l’autre côté. et il y a une personne positive qu’ils ont emmenée avec nous. ça se voit, le mec il tousse, il a le corona, c’est vrai. il a la gorge, la respiration, ça va pas… j’ai parlé avec le médecin il m’a dit bon on n’est pas sûr, on attend 7 jours après on va voir si il l’a ou il l’a pas. mais c’est quoi ça ? moi je prends le risque d’être là avec quelqu’un peut-être il l’a, peut-être il l’a pas. et après moi je vais être victime de qui ? de lui ! victime de la loi française ! c’est pas la loi française, c’est la loi administrative de la préfecture. Ils m’ont dit « le préfet il est responsable ». comment il a le pouvoir ce préfet qu’il m’emmène le corona, il détruit ma vie ? Mon travail ils m’appellent ils m’envoient des messages chaque jour, « viens travailler ». moi pendant le confinement quand toute la France ils étaient chez eux moi je travaillais sur le chantier. et maintenant ils m’emmènent ici.

c’est pas la peine, je raconte ma vie… de toute façon moi je vois que c’est le destin. même ma femme elle a dit, « tu demandes, on va y aller en Italie. Y’a pas beaucoup de travail mais ça va aller. » Mon fils chaque jour il m’appelle, « papa tu viens quand ? ». ça me fait mal. y’a une loi qui protège les enfants aussi en France, mais ils l’appliquent pas. […]

moi de quoi j’ai besoin? De ma femme, de mon fils, de ma vie tranquille. Soit riche, soit pauvre, on s’en fout, l’essentiel c’est qu’il y a une loi qui me protège moi, ma femme et mon fils.

(1) il souhaite refuser le test car légalement c’est une condition préalable à l’expulsion. Refuser le test est un moyen d’éviter l’expulsion. Mais le refus de test est considéré comme un refus d’embarquer, et donc passible de prison ferme.

Témoignage d’un retenu du CRA de Lyon

Ce témoignage, initialement publié sur https://crametoncralyon.noblogs.org/ fait suite au rassemblement devant le CRA de Lyon organisé le vendredi 2 octobre 2020 dans le cadre de la marche des sans-papiers.

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Nous on est ici comme des chiens. Est-ce que tu comprends ce que ça veut dire, comme des chiens ? La vie des chiens elle est plus belle que notre vie. Pourquoi y a tant de gens racistes en France ? C’est la première fois que j’ai vu des gens racistes comme eux, je te jure, oui en France, ça ne se fait pas de faire ça 

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 » Il faut fermer les centres maintenant  » : communiqué et révendications des prisonniers en lutte de Nimes

Depuis jeudi dernier tous les prisonniers du centre de rétention de Nimes ont décidé de lutter ensemble pour obtenir leurs libérations. La-bas il y a beaucoup de sortants de prisons, qui mangent donc une double peine de trois mois imposés par la préfecture. Jeudi tous les prisonniers ont décidé de lancer une grève de la faim pour tenter de mettre la pression sur la préfecture. Dans le même temps des luttes ont lieu dans les prisons de Marseille, Lyon et Toulouse. Dans au moins une de ces prisons des départs de feux ont lieu en plus de grève de la faim collective.

A Toulouse une prisonnière serait tombé malade, du covid19. Au lieu de libérer tous le monde et de fermer au plus vite cette prison puor sans papier, la préfecture décide de confiner les prisonnières dans leurs batiments, leurs interdisant même l’accès à la promenade. Tous les prisonniers ont décidés de se mettre en grève de la faim pendant au moins deux jours pour exiger leurs libérations et des soins adaptés pour les prisonnières possiblement malade.

Pour le moment aucune préfecture n’a décidé de répondre aux prisonnier.e.s en lutte. Alors les prisonniers de Nimes ont fait sortir un premier communiqué réclament leurs libertés et la fermeture de tous les centres de rétentions.

Faisons circuler au max !
Ne laissons pas les prisonniers-ères isolé.e.s :
Organisons-nous à l’extérieur pour soutenir leurs luttes,
et pour en finir avec les taules pour sans-papiers !

 

« IL FAUT FERMER LES CENTRES MAINTENANT »

« Y a beaucoup de gens qui ont un passeport en activité, qui ont déjà purgé leurs peines et qui restent enfermé entre ces quatre murs parce que les frontières sont fermées. Et cela pourquoi ? Parce que les frontières sont fermées. Donc on va encore y rester plusieurs mois. Les repas sont infecte, les lieux sales et infestes de tous genre d’insectes qui nous piquent la nuit. Y a des gens qui sont en couple des femmes et ont des enfants qui vivent en France depuis plusieurs années. Y en a qui travaillaient et qui avaient un logement mais hélas faute de papiers ils se retrouvent ici pour une durée inconnue. Et sous prétexte qu’on n’a pas de papiers on est traité comme des moins que riens. Y a six jours on a fait une grève de la faim ils s’en foutent comme de l’an 40. Les keufs nous disaient que ça servaient à rien et certains ont rigolé.

Comme tout êtres humains on réclame notre droit ainsi qu’un arrêt de notre privation de liberté. D’après les responsables d’ici on peut rester trois mois.

Les prisonniers des CRA de Toulouse Lyon et Marseille ont eux aussi ras le bol et ils ont décidé de lutter aussi, certains par le feu ou la grève de la faim.

On a l’impression de devenir fou à tourner ainsi toute la journée, nous n’avons plus d’argent pour acheter du tabac et des cigarettes ce qui amplifient le stress et la pression. Franchement en prison nous étions mieux, on se dépannait en tabac. Ici pour se faire raser ou se couper les cheveux on est presque obligé de mendier.

Ici ils nous refusent les téléphones avec photo pour éviter qu’on puisse montrer l’etat des lieux. Et ils osent parler d’égalité.

C’est comme l’association qu’il y a ici, forum refugié. Au lieu de nous encourager ils nous disent on a tout fait, au sens où ce que vous faites ne servira à rien.

L’autre jours y a un policier qui au petit déjeuner et qui nous a dit « plus vite sale bicot ». Je me suis retourné mais je n’ai pas pu voir lequel c’était ça.

Y en a plein qui sont dégoutés et qui veulent juste repartir.

Depuis 5 jours qu’on fait la grève de la faim on n’a toujours pas vu de médecin ou d’infirmier pour vérifier notre état de santé.



Nous prisonniers de Nimes nous revendiquons :
  • Rétablissement des parloirs
  • On nous a enfermé sans raison, nous exigeons notre remise en liberté immédiate !
  • Nourriture décente
  • Changement d’équipe de policiers, avec des policiers qui ne sont pas raciste
  • Possibilité de cantiner en centre de rétention
  • La possibilité de laver nous-même nos bâtiments et la promenade
  • La possibilité de se protéger face au covid19 avec du matériel et des soins.

a bas les cra !