« L’histoire dira son mot un jour. Pour l’instant, on est des morts réservés » : témoignage d’un prisonnier de Mesnil-Amelot

On reçoit et on publie le témoignage d’un prisonnier du CRA de Mesnil-Amelot.

Malgré le virus, le confinement et l’impossibilité de déporter les gens, des sans-papiers se font encore arreter et enfermer dans ces prisons. Après la grève de la faim lancée lundi dernier (grève qui continue pour certains prisonniers), et l’appel lancé aux groupes solidaires avec les sans-papiers, une trentaine de prisonniers y sont renfermées, dans des conditions « pas humaines », comme le dit le prisonnier.

Ca fait seize jours que je suis dans le CRA du Mesnil Amelot, j’ai été arrêté le 17 mars. Ce qu’on est en train de vivre ici c’est inhumain, la démocratie est bafouée en France.

Selon le gouvernement, le virus ne peut pas atteindre le centre, mais il n’y a pas de gel, pas de masque, pas de gants. Ici il y a des gens qui arrivent tous les jours, hier quatre personnes, aujourd’hui encore trois ou quatre et pas de dépistage.

Il y a eu deux libérations hier, mais des nouvelles personnes arrivent donc ça sert à quoi ? C’est sale, partout. La CIMADE est fermée. On est qu’avec les policiers. On est plus de 30 personnes ici.

Il y a encore deux personnes qui font la grève de la faim, moi je l’ai fait quatre jours mais je suis allée manger hier. Ce qu’on vit ici c’est pas humain. Il y a que des Africains qui sont ici. On n’est pas des criminels. Si vous prenez ma place qu’elle sera votre réaction ?

La guerre dans mon pays, au Congo Brazville,
c’est un business. Les gouvernements font ce qu’ils veulent. J’ai servi l’armée nationale congolaise. En 2003 j’ai demandé l’asile en France. Ça fait 17 ans que je vis en France. Mais ce que je vis ici c’est encore pire qu’en Afrique.

Ce qu’on vit ici en France c’est de l’esclavage. Les Africains ne sont pas libres. Elle est où la déclaration universelle des droits de l’Homme ? L’histoire dira son mot un jour. Pour l’instant on est des morts réservés.

En ce moment, il est encore plus difficile que d’habitude de mettre en place des pratiques de solidarité réelle avec les prisonniers-ères dans les CRA. Un petit truc, pour montrer qu’on est au courant de ce qui se passe dans les CRA et pour tenter de ralentir le sale boulot des préfectures, c’est de participer au mail bombing, chaque jour à 11h.

Libération immédiate de tou.te.s les prisonniers-ères !
Fermeture et abolition des CRA !
Des papiers pour tou.te.s, ou pas de papiers du tout !

Solidarité aux prisonniers du Mesnil Amelot et de Vincennes : APPEL MAILBOMBING mis à jour après révoltes au Mesnil 12/04

Le 11 avril, à 20h les prisonniers du CRA 2 du Mesnil-Amelot occupent la cour du bâtiment et bloquent la promenade aux cris de “liberté !”, pour exiger leur libération et pour protester contre l’absence de mesures sanitaires, alors que les policiers rentrent et sortent de la prison tous les jours, en plus de la fermeture des parloirs. Le 12 avril au matin, les flics en équipement anti-émeute chargent à plus d’une centaine les prisonniers présents dans la cour. Ils confisquent des portables, et envoient en garde-à-vue au moins 7 personnes.

Au CRA de Vincennes, deux personnes enfermées ont été contaminées par le virus, alors même que les prisonniers exigent d’être libérés – ou au minmum des mesures sanitaires sérieuses – depuis le début du confinement. Un départ de feu a eu lieu ce matin dans une cellule en signe de protestation.
 
Il n’y aucun doute sur le fait que ce sont les policiers qui font rentrer le virus, ce sont les seuls à rentrer et sortir quotidiennement des CRA, et donc à augmenter le danger pour les prisonniers en plus de leur sale travail habituel.
 
Ne laissons pas seuls les prisonniers en lutte, relayons leur parole et soutenons les de toutes les manières possibles !
 
Le confinement nous empêche de nous rassembler devant les CRA pour lutter avec les révolté.e.s et manifester notre solidarité, mais en envoyant massivement des mails aux adresses des préfectures on peut montrer qu’on est au courant de la répression en cours à l’intérieur des CRA et qu’on est toujours là ; c’est aussi une manière de ralentir leur sale travail en saturant leurs boites mails et, si on est vraiment nombreux.euses, qui sait, en faisait bugger leur système ?
 
On vous propose d’à partir de maintenant, lundi 13 avril, de participer collectivement à l’envoi d’un e-mail (texte plus bas) aux adresses ci-dessous :
 
 
Il faut envoyer le texte à chaque adresse séparément. Les envois collectifs finissent directement dans les spams. Copiez le texte dans le corps du message. Changer l’objet du mail peut être également une bonne technique.
L’idée est de reproduire l’envoi de ces mails AUSSI SOUVENT QUE POSSIBLE !
 
Brisons le silence, ne laissons pas isolés les prisonniers en lutte ! Texte à envoyer:
 
“Au CRA du Mesnil Amelot, les retenus ont bloqué la cour de promenade à partir du samedi 11 avril à 20h jusqu’au dimanche 12 avril au matin, en étant délogés violemment par la police. Les prisonniers se sont mobilisés pour protester contre l’enfermement et les conditions qui se dégradent avec le coronavirus. Au même moment, au CRA de Vincennes aussi, alors que les prisonniers ont alertés l’administration et se sont mobilisés pour exiger leur libération et, a minima des mesures sanitaires sérieuses, des cas de coronavirus ont été confirmés.
A l’intérieur comme à l’extérieur, on continuera à lutter contre vos politiques racistes et contre les CRA qui tuent, torturent, tabassent.
On exige la libération immédiate de tous les retenus et la fermeture des CRA !
 
Le communiqué des retenus :
 
“Ils ne respectent pas le droit des gens, pas de mesures sanitaires dignes et quand tu dis quelque chose les policiers ils te frappent c’est pas humain ! Sérieux les avions ils vont pas redécoller avant septembre on nous a dit, ça veut dire quoi ? On va pas rester ici jusqu’en septembre !”
“On a bloqué on s’est mis tous dans une cour, c’est à dire les 4 bâtiments qui étaient ouverts dans la cour tous ensemble. Tant qu’ils trouvent pas de solution on bougera pas d’ici ! Tout à l’heure ils nous ont gazé matraqués ils ont des boucliers, depuis tout à l’heure on subit des violences pour rien ! Là ils sont à la sortie de la cour vers la grille matraque à la main, casque et ce qui va avec ! Que les journalistes nous appellent mais là ! Maintenant !”
 
« Ils nous ont amené le directeur du centre il a dit qu’ils ont pas de solution pour nous. Alors ont a dit si c’est comme ca on va dormir dehors. Pourquoi ils nous gardent alors qu’il y a pas de vol et que le Corona est dans le centre ? On est pas animaux. ici c’est la double peine ! Il y en a qui sont en t-shirt mais on est allé cherché des couvertures par derrière on va dormir dehors on va rester toute la nuit ! et demain personne ne mange ! »

 

Des témoignages de Plaisir et Mesnil : à écouter et à lire

L’émission l’Actu des luttes sur FPP diffuse tous les jours de 12h30 à 13h30 des témoignages de luttes. Depuis plus d’un an, iels relayent régulièrement des paroles de prisonniers en centre de rétention.
Le 23 mars dans une émission contre toutes les prisons (taules comme centre de rétentions) iels ont relayé des témoignages de prisonniers des cra de Plaisir (78), et Mesnil-Amelot (77).
 
Pour écouter :
 
Voici la retranscription de l’émission :
 
  • Plaisir
Le centre de rétention de Plaisir est situé dans un commissariat. La préfecture peut y enfermer jusqu’à une vingtaine de prisonniers. Là bas les parloirs avaient été supprimé dès le vendredi 13 mars.  Les derniers prisonniers du centre ont été transférés il y a quelques jours a Mesnil-Amelot.
 
    « On va commencer déjà par le service minimum. Pour vous dire ici au cra de plaisir. Y a pas de service minimum. C’est à Y a pas d’infirmiere en ce moment là où je vous parle. Y a pas de medecin. Voila. Y a pas de visite. Ca veut dire quand ya pas de visite moi je vous explique: Y a des gens ici ils ont 23 ans de territoire, y a des gens ici qui ont 15 ans de territoire, qui ont 10 ans de territoire. qui sont des travailleursqui sont des pères de familles,  qui sont des enfants et des fils d’autres femmes dehors qui veulent juste prendre les nouvelles de leurs parents, ils arrivent pas.
 
Maintenant une chose qui me choque aujourd’hui. On nous dit que la France est en confinement. Les policiers ils rentrent chez eux ils font ce qu’ils veulent. Et nous on ne sait pas. Nous on ne connait pas leurs vie quotidienne. Ils viennent ils nous servent à manger. Ils nous donnent la gamelle. Sans masque ni (sans être) protéger. Ca veut dire que nous on est a l’abri de rien. Et quand on leur pose des questions. Ils sont pas capable de nous répondre. Parce qu’eux même, ils nous disent qu’ils ont pas la réponse. Ca veut dire que nous à ce jours pour vous dire nous on est livré à nous même. Y a des gens malade ici.Je vous affirme qu’il y a des gens malade ici. Ca fait des jours qu’ils demandent juste à voir un médecin. Y a pas de médecin. C’est hier je crois. Y a une infirmière qui est venu au moins pour une heure. Je passe le collègue qu’elle a vu. »
 
« Personnellement je tousse. Par exemple on m’a emmené à l’hôpital où y a plein de microbes. Je suis partit la première fois elle m’a fait un radio elle m’a dit vs etes pas malade.ILs m’ont ramené ici. Après j’ai parlé avec les policiers : Y a pas de masques ! Monsieur y a pas de masques. On a pas de javel. Ca se peut c’est eux qui sont malade. 
    Comment ca on est enfermé. Y a pas  de javel.Y a pas de gants. Les policiers ils viennent ils se servent. Attends Ils nous parlent face à face.Ca se peut lui il est malade. Moi je suis père de 4 enfants. Le monsieur qui t’a parlé il a 2 enfant.Sa fille elle a 18 ans. Nous on crève, on a pas le droit de l’eau, on a pas le droit d ela monnaie. On a le droit de rien du tout. Y a des gens ils vont foutre le feu. Y a un monsieur il a dit « Moi j’en ai marre. Je vais me suicider. » Ramenez nous à l’hôpital. Ramenez nous des médecins. Ici on est 2 par cellules. Les douches sont pas du tout lavé. 
 
   Radio : Ca fait combien de temps qu’y a plus de parloirs à Plaisir?
 
  « Depuis vendredi y a pas de parloirs. »
Radio : L’association dans le centre de rétention est pas là j’imagine?
 
 « Y a pas de France terre d’Asile. C’est fermé. »
   (…)
 Radio: Ils ont mis des gens à l’isolement récemment?
 
« Ah bien sur. Tous les jours. Parce que pour vous dire parce qu’on a pas le droit de revendiquer quelque chose. Si tu le revendique quelque chose d’une manière ou d’une autre. Ils sont près à la guerre avec nous. Tu revendiques d’une manière ou d’une autre tu vas tout de suite à l’isolement. Et comme le frère qui avait commencé la grève de faim. Comme qu’ils savaient qu’ils pouvaient rien faire contre lui. Ils l’ont chargé de près. Ils l’ont changé de centre. Ils lui ont fait un transfert. C’est à dire on refile la patate chaude. (…) C’est à dire parce que le mec il avait revendiqué son propre droit. Ici en fait faut fermer sa gueule, faut manger et tu te tais. Tu revendiques un truc et on t’envoie au mitard. »
 
  • Mesnil Amelot
A Mesnil-Amelot, prison pour sans papier dans le 77 a côté de l’aéroport de Roissy, des prisonniers racontent l’ambiance dans le CRA pendant la grève de la faim qui a commencé le 16 mars

Au CRA2 oui.. Batiment 10. Il y a une grève de faim depuis deux jous déjà. Meme les machines et les distributeurs de chocolats et la machine de café ça fonctionne plus. On a plus de droits. Et aussi côté sanitaire on a pas de savon on a aps de gel liquide on a pas d’alcool pour nous  nettoyer.

Et en plus on se partage les toilettes. Y a deux toilettes par batiments pour 20 personnes. Ca veut dire chaque 10 personnes utilise les memes toilettes. Et on a pas. On a rien en fait .Meme pour les bouteilles pour boire en fait. On a pas de gobelets.Chaque 4 personnes partage une meme bouteille. C’est la galère. Hier y avait pas de ménage. (…) Y a pas de vol. Pourquoi on est là? » 

Les prisonniers de Mesnil-Amelot qui témoignent dans cette émission ont été libéré depuis. D’autres prisonniers, principalement des sortants de prisons étrangers, sont venu les remplacer à Mesnil-Amelot. 

Hier, le lundi 30 mars, les prisonniers du batiment 9, 10 et la majorité du batiment 11 se sont mis en grève de la faim pour réclamer leurs libération immédiate et la fermeture du centre. Besoin de solidarité !