« Liberez nous, c’est tout » Témoignage d’un prisonnier du CRA2B de Vincennes pendant la grève de la faim

Ca fait 10 jours depuis l’annonce de la suspension des parloirs, que les keufs ont diffusées des rumeurs de fermeture du CRA, de libération massives qui finalement ne se sont pas réalisées.

Cette prison pour sans papier est dans une école de police, situé au bout du bois de Vincennes. Les étrangers y sont enfermés dans deux batiments : le CRA1 et le CRA2B (le CRA2A a brûlé début février). 

Le 16 mars la majorité des prisonniers du CRA1 de Vincennes ont débuté une grève de la faim pour exiger leurs libération immédiate et l’amélioration des conditions d’enfermement.

Depuis il y a une cinquantaine de libération les premiers jours (sur plus d’une centaine de prisonnier) puis … plus rien. Des dates de tribunal tombent : le 27 mars ou le 4 avril. Bref dans très longtemps dans cette période de confinement.

Samedi soir, le 21 mars, quasiment tout le CRA1 a décidé de se remettre en grève de la faim avec toujours les mêmes exigences: libérations, amélioration de la bouffe et des soins. Le lendemain ils étaient suivi par une trentaine de prisonniers du CRA2B.

Ce matin plusieurs dizaines de prisonniers du CRA2B ont décidé de commencer une nouvelle grève de la faim. Les keufs de la PAF (PAF = police aux frontières, les matons des CRA) ont déjà commencé à mettre la pression. Nous relayons ici le témoignage, récupéré par téléphone, d’un prisonnier en lutte.

Je vais raconter pourquoi on est grève de la faim. La première des choses : ils nous ramènent des trucs qui vont expirer hier, le 23 mars, tu sens que ça pue, un mauvais odeur. Encore, on a peur que dans la nourriture il y a la coronavirus, on sait pas d’où vient cette nourriture.
Le camion qui ramène la nourriture, ça fait 4 ou 5 jours qu’il marche pas. D’habitude le matin ils nous donnent le pain et la confiture, hier ils nous ont pas donné, ils nous ont donné ça le soir, comme des blocs. On mange pas tous la même chose : normalement, tout le monde mange pareil. Maintenant, une personne mange le riz, d’autres les pâtes, d’autres cous-cous. Ça veut dire que c’est du stock.
Ils ont arrêté le lange, pas de lange. Hier j’étais chez un infirmier pour avoir une pilule pour dormir, j’ai demandé le médecin, elle m’a dit pas de médecin. Aujourd’hui, pareil, pas de médecin.
Encore, les visites sont arrêtées. On a rien, ni à manger ni des cigarettes. Il n’y a pas de poste, je peux pas faire sortir l’argent de mon compte.
L’Assfam, ils sont pas là. On parle par appel téléphonique.

Il y a de prisonniers malades ?

Il y a de gens malades. Par exemple, en Égyptien est sorti de l’hôpital et est venu là.

Et les flics ?

Ils s’en battent les couilles. Si tu manges pas, c’est pas grave.
Ce matin, ils étaient six à manger, les autres on a pas mangé. Mais je ne sais pas si ça va durer ce soir, les gens vont manger peut etre.

Tu veux dire un dernier truc pour les gens à l’extérieur ?

Qu’ils parlent de nous dans les journaux, qu’ils viennent chez nous les journalistes, qu’ils fassent des manifestations… maintenant tout est fermé pour le virus. Nous on a pas de papiers ni rien, mais on est des êtres humains. On a rien fait, on est pas de criminels, on est pas de terroristes. Juste on a pas de papiers, ils nous ramènent là. Ils sont où les droits de l’homme? Ils disent la France, égalité fraternité. Elle est où l’égalité fraternité ? Je la vois pas.
Jusqu’à quand on va rester dans cette situation ? Jusqu’à quand ?
On est pas protégés, c’est ça, clair et net. A n’importe quel moment, un policier peut ramener la maladie. Deux médecins sont morts, j’ai vu ça. Tu veux que les policiers ne ramènent pas la maladie ?
Les juges, certains libèrent et d’autres libèrent pas. Pourquoi ?
Libérez nous, c’est tout. On va rentrer chez nous, on va pas sortir de la maison. »

 

 
En ce moment encore plus que d’habitude, vous pouvez appeler les cabines des CRA pour témoigner de votre solidarité. Si vous ne l’avez jamais fait et que vous vous demandez quoi dire, voilà quelques idées.

« C’est simple on demande la liberté » / témoignages de prisonniers en grève de la faim au CRA de Vincennes – batiment 1

La grève de la faim, débutée par les retenus samedi soir (21 mars), continue au batiment 1 du CRA de Vincennes. Encore beaucoup de prisonniers n’ont pas mangé hier soir les repas avec comme revendication principale, la liberté.

Beaucoup de prisonniers ont des problèmes de santé et l’équipe médicale ne fait rien à part donner des cachets. Un prisonnier a des graves problèmes respiratoires, il a appelé les pompiers à plusieurs reprises mais les flics ne les laissent pas entrer dans le CRA.

Voici ici deux témoignages de retenus, du batiment 1, en grève de la faim.

« Du coté de l’hygiène il y a plus rien, plus de nettoyage, rien. Les pigeons sont morts dans la cour c’est flippant. Les draps sont dégueulasses et pas changés, les toilettes collectives beaucoup sont fermées, il reste que 3 ou 4 toilettes et on est encore, quoi ? une vingtaine de personnes.. Parfois pendant plusieurs jours il y a plus l’Offi donc on peut rien acheter. Aussi la machine à clope elle accepte que les pièces. Certains ils ont des billets de dix mais ils peuvent pas acheter de cigarettes. Et puis depuis pas mal de jours déjà plus de visite ça c’est pas normal non? c’est la déprime un peu quand même..

La bouffe c’est de la merde c’est le même repas chaque jours à chaque repas… On a aussi un petit morceau de pain de genre 5cm c’est pas assez… Et il y en a qui mangent pas de porc mais la police ils veulent rien changer. Jusqu’à il y a encore 5 à 6 jours il y en a qui ont été emmené à l’aéroport. De retour au CRA ils ont été libéré. C’est arrivé à une dizaine de personnes à peu près. Mais depuis plusieurs jours il y a plus de libération on sait pas pourquoi. Par contre ils nous ont donné des dates de jugements : 28 mars, 30 mars, jusqu’au 7 avril pour certain, c’est pas possible !

A part deux ou trois, on est toujours en grève de la faim c’est simple on demande la liberté. »


« Ca fait trois jours que j’ai rien mangé, le policier m’a dit : ça n’a rien à voir avec la libération, tu vas à l’hôpital et tu reviens ici. J’ai dit tant pis… ça fais quatre jours que je mange pas, que de l’eau, de l’eau de l’eau. J’ai perdu 8 ou 10 kilo depuis le début, je suis très très maigre…

La police aussi a peur du virus, ils font rien pour nous. Ils sont pas des chefs, sont des stagiaires. Même la police ne se sent pas en sécurité, ils ont rien, ni masque ni rien. Même les infirmiers ont pas de masque, juste un médecin qui m’a donné un masque, avant hier.

À infirmerie, ils nous donnent que du Diazepam et du Valium. Que de ça. Moi je prends que du diazepam et de l’eau, je suis devenu très très maigre, je suis déshydraté…

Le ménage, de temps en temps. Le mec il a pas de masque, tout le monde qui travaille depuis l’extérieur n’a pas de masques ni de gants.
On a peur, c’est un virus mortel on le sait. Et on voit les pigeons qui meurent dans la cour. Même eux ils sont malades.

Pendant deux jours, tout le monde a rien mangé. Mais pas tout le monde a continué, ils ont peur de mourir. Il n’y a que trois ou quatre personnes qui ne mangent pas depuis quatre jours.

La bouffe, c’est de la bouffe périmée…

Il n’y a pas de vol, tout le monde ne peut pas rentrer… donc moi, je ne suis pas pourquoi je suis là. La date de l’avion est passée…

Il y a pas de visite, et s’il y a pas de visite, il n’y a pas d’argent et je peux pas payer le crédit pour parler avec ma famille. Je sais rien de ce qui se passe avec ma famille, avec ma femme et mon enfant, s’ils sont malades ou pas malades…

Avec les policiers, comment ça se passe ? Ils sont toujours agressifs avec vous ?

Pas tout le monde est agressif, mais si un est agressif, les autres suivent. Ils suivent les ordres…

Aucune personne parle de nous.
Ça fait une semaine, dix jours que les gens mangent le même… juste ils changent l’étiquette.

Une meuf, une policière m’a dit : si tu parles avec moi, tu dois respecter un mètre de distance, c’est la norme. Mais nous, entre nous les prisonniers, y a pas un mètre ! On fait comment ?

L’autre soir [pendant la grève de la faim], ils nous ont réveillé à trois heures du mat, pour nous casser les couilles, aucune raison a été donnée, juste comme ça.

Avant j’étais dans une chambre pour deux personnes, avec les toilettes et les douches. Maintenant ils m’ont changé d’étage, dans une chambre avec quatre personnes ! Les douches sont fermées, les chiottes bouchées… Les portes sont cassées, il fait froid et les pigeons peuvent rentrer jusque dans la chambre. »

À bas les CRA !
À bas l’enfermement !
Liberté pour tou.t.es !

« Depuis j’attends qu’ils me disent » Témoignage de prisonniers du cra de Marseille

Depuis la multiplication des fermetures de frontières au début de la semaine, beaucoup de prisonnier.e.s ont été libérés des centres de rétention. Les préfectures continuent jusqu’au bout  à essayer d’expulser quand c’est possible. A la prison pour étranger.e.s de Marseille, la rumeur de la fermeture du centre de rétention a tourné toute la semaine : c’était pour samedi, puis pour lundi… Les dernières infos semblent plutôt dire le contraire: il ne va pas fermé et des personnes continuent à y être enfermé. Si la plupart des prisonniers ont été libérés, il en reste encore une quinzaine à l’intérieur (contre plus d’une centaine en début de semaine). Ces derniers jours, de nouveaux prisonniers sont arrivés, tous des sortants des différentes prisons de la région : Luynes, à Aix, ou la Farlède à Toulon, par exemple. On relaye ici les témoignages de prisonniers détenus dans différents bâtiments de cette prison.
 
« On est plus que 8, 10 dans tous les bâtiments. Hier j’ai vu le juge, ils m’ont dit : « vingt-huit jours. » Ils m’ont ramené de la Farlède, la maison d’arrêt de Toulon. Hier ma famille m’a ramené tous les papiers : mon chéquier, mon certificat d’hébergement, l’extrait de naissance de mon fils. J’ai demandé aux keufs de les récupérer, mais ici ils se foutent de notre gueule. Ils rigolent et tout. Moi j’ai peur qu’ils les aient juste jeté. Depuis, j’attends qu’ils me disent. Lundi je passe en jugement à la cour d’appel à Aix-en-Provence. »
 
« Après-midi du 21 mars. Il reste cinq personnes au bâtiment 0C, et en tout y a 10 personnes dans le CRA. Vous savez, moi je regarde pas beaucoup la télé. J’espère qu’on va tous sortir de là, parce que j’ai une petite fille et un petit garçon qui sont à la maison. Liberté pour tout le monde ! »
 
« Ça se passe mal, c’est la merde ici. Ils ont relâché tout le monde. On attend notre sortie. On est plus nombreux du tout, donc avec les keufs c’est encore pire. Là on est trois au 1er étage, 3 à l’étage du dessous. On est là, et on a envie de sortir. »
 
« Moi, je sors de quatre ans pleins de prison. Apparemment ils veulent me renvoyer au pays ; mais avec la maladie, y a plus de vols vers chez moi. Je sors de quatre ans pleins, et au lieu de respirer, de souffler un peu, ils m’ont pété direct et ils m’ont ramené là. Les personnes qui restent, on demande tous la même chose : Soit on nous renvoie dans un pays, soit ils nous libèrent. »
« Moi je suis arrivé jeudi, je suis sorti de prison jeudi et je suis là. Si le juge accepte pas de me libérer, ça va pas le faire. Dans la prison d’où je viens aussi ca va être la merde : plus de parloir, plus d’activité. C’est sur ça va se révolter à un moment. »
« Dans mon aile y avait deux personnes qui étaient là. Moi j’ai pas compris pourquoi je suis là. Quand j’étais à la prison d’Aix-Luynes 1 – parce que j’étais condamné, Luynes 2 c’est pour les prévenus -, la Cimade m’avait affirmé que les centres de rétention allaient fermer. La dernière fois que j’étais à Fleury ils m’ont ramené direct aux Pays-Bas à la sortie. Mais là, les frontières de Schengen, elles ont fermé. Tout ce qu’on m’a dit, c’est : « Peut-être que vous allez passer devant le juge dans deux jours. »
 
« Quand je suis arrivé là aujourd’hui, on a trouvé un gars, ça fait dix jours qu’il est ici, un autre ça fait trois jours. Nous on est arrivé à deux de la même prison. Ça veut dire quoi ça ? Moi, normalement, j’ai fini ma peine, c’est pas normal ! …Et nos familles sont confinées dehors. Je passe lundi au tribunal, mais comment je fais pour me faire envoyer les papiers ? Parce que la poste est fermée aujourd’hui, et y a pas l’association dans le centre le week-end. Hier ils ont libéré 19 personnes, avant-hier plus ou moins pareil. Pour nous, la situation c’est comment ? »
 
« Ici y a rien : plus de parloirs, plus de gâteaux, plus de clopes, plus de recharges Lyca. Je mange rien, je bois juste un café le matin. »
 
 
Pour appeler les cabines en solidarité avec les prisonnièr.e.s c’est ici. Sur ces cabines c’est directement des prisonniers ou prisonnières qui devraient vous répondre ! A faire tourner un maximum !
Si vous avez des témoignages de proches incarcérés dans des centres de rétentions vous pouvez les envoyer sur: abaslescra@riseup.net