Les flics se foutent de ma gueule : “ T’es grande, pourquoi tu l’as pas tapé ”. La juge m’a crié “ tu me racontes que du mensonge ”

Le 13 février trois prisonnières sont agressées dans le centre de rétention administrative du Mesnil Amelot. Plusieurs minutes passent avant que la police intervienne, ni un suivi ni une aide d’aucun type ne sont proposés. Elles décident de porter plainte, pour dénoncer leurs conditions d’enfermement et la violence de la police. Le seul résultat sera la déportation de l’agresseur, et le classement sans suite des faits. La menace ne serait plus présente, selon les juges et les flics. Depuis, une des trois copines a été déportée, alors que les deux autres, essayant de rester solidaires face aux conditions inhumaines d’enfermement dans ces prisons, subissent au quotidien les insultes et le sarcasme des policiers. Devant les juges, à plusieurs reprises on a nié la vérité de leurs récits au sujet de l’agression, et on les a culpabilisées pour ce qui s’est passé. Voici leurs paroles, sorties des murs du CRA.

« Je suis dans l’attente de mon asile en Hollande. J’étais en prison à Versailles avant, j’ai volé un parfum. On m’a condamné à six mois, après quatre mois je savais pas, ils sont venus me chercher, ils m’ont amené ici. En 2019 j’étais déjà passée par un centre de rétention, j’ai été attrapée à la frontière avec l’Espagne. Ils m’ont rapatriée au Peru. Mais je peux pas rester là bas, le père de mon enfant va me tuer, c’est le chef d’une bande et il va me tuer. Du coup je suis revenue, je suis allée en Hollande. J’ai demandé l’asile. Je suis venu ici voir un ami. Mais cet « ami » a volé mon sac, tout mon argent et mes papiers. Le 31 janvier, à la sortie de mon temps de prison, ils m’avaient réservé un vol, mais il n’y avait pas de laissez-passer, je n’avais pas vu le consul. Mon passeport est en Hollande, j’ai refusé. Le 13 février dernier j’ai été agressée dans le centre. Un autre retenu est passe du bâtiment des hommes, d’abord il a essayé d’agresser une autre copine, dans la sale télé, où elle était tout sole mais elle s’est échappée. Après il est rentré dans la chambre où j’étais avec mon amie, il s’est jeté sur elle, il a essayé de lui enlever son pantalon. Elle s’est enfuie, il s’est jeté sur moi. J’étais paralysée, je pouvais pas bouger. Les flics ont mis quinze minutes pour arriver, ils s’en foutaient. Dans les chambres, les caméras marchent pas, c’est eux qui me l’ont dit. On a porté plainte. L’affaire a été classée, parce que le mec a été renvoyé au pays. Le procureur m’a dit que ce serait pas arrivé si j’étais partie lors de mon premier vol. Ma copine chilienne quelle était dans la chambre au moment de l’agression, a essayé de se suicider, ils l’ont déportée. Elle avait vu le psy du centre, il lui a dit que si elle avait fait une vraie tentative de suicide elle aurait réussi à se tuer. Ici ils sont tous méchants. On a essayé de saisir le jld pour des raisons extraordinaires. On nous a fait attendre de 10 h à 18h avant de nous dire que le juge pouvait pas s’exprimer sur ces faits. C’est du racisme tout ça. Les médecins, l’infirmière, ils sont juste capables de te donner des médocs et des calmants. La cuisinière est méchante, une fille a renversée son café, elle en a demandé un autre et elle a dit non. Quand on a nos règles, ils nous donnent deux serviettes hygiéniques par jour, qu’est-ce que je dois faire avec deux tampons pour une journée entière ? Je veux juste qu’on me renvoie en Hollande, ils sont plus humains là bas. J’en peux plus de ce pays raciste. Ici les flics, la greffe, tout le monde, ils sont tous ensemble, tous d’accord. À compter du 1er mars ils vont me chercher un vol, mais comment je peux retourner là bas s’ils vont me tuer ? »

« J’ai été arrêtée dans un magasin, ils m’accusent d’avoir volé mais c’est pas vrai. J’étais avec ma mère, elle est diabétique, ils l’ont laissé au centre commercial toute seule et ils m’ont amené au commissariat. J’ai essayé d’expliquer à la police que je pouvais pas rentrer en Tunisie, ils rigolaient, ils disaient « on va lui réserver un vol, il faut lui trouver une hôtesse pour son vol ». Ils m’ont dit «on va te ramener au CRA », je savais pas ce que c’est, j’ai demandé si c’était une prison et ils m’ont dit oui. Je voulais appeler ma mère, j’étais inquiète, ils m’ont dit que j’avais le droit d’appeler personne. Quand j’ai vu le consul il m’a dit « tu fais quoi ici, c’est bizarre », il m’a dit qu’il veut m’aider. Pour le moment je n’ai pas de laissez-passer. J’étais dans la salle télé quand l’homme m’a agressée, j’ai réussi a esquiver le pire mais les flics ont mis une bonne quinzaine de minutes avant de le rattraper. Depuis l’agression, les flics se foutent de ma gueule, ils me disent « T’es grande, pourquoi tu l’as pas tapé ». La juge elle m’a crié dessus, « tu me racontes que du mensonge ». J’ai pas vu de médecin, je l’ai demandé plusieurs fois. Si je vois le médecin il va faire un rapport direct.

On avait un rdv avec le psychologue suite à l’agression le 20 mars (plus d’un mois après l’event) mais ça a été annulé car la plainte a été classée. L’autre jour, j’ai fait une crise de panique, j’arrivais pas à respirer, ma copine a appelé la police, ils m’ont dit « t’as quoi madame t’as quoi madame ». Je vais pas bien. Ici ils nous traitent comme des chiens. La dame, la policière, elle arrête pas de me poser de questions, même sur vous. Parfois je fais comme si je ne parlais pas français, pour pas leur répondre. Le soir ici c’est film de l’horreur, les douches elles marchent toutes seules, les lumières s’allument. Je ne peux pas rester ici. »

La police est raciste, la police est sexiste : témoignage d »une prisonnière dans le CRA de Mesnil Amelot

La police, dans les CRA comme partout, est raciste : les prisonniers et les prisonnières des centres de rétention le savent très bien, et le racontent tout le temps. Mais les meufs enfermées dans ces prisons pour étrangères, dont la parole sort beacoup moins, parlent aussi du sexisme quotidien des flics : les régards, les rémarques… le pouvoir des keufs dans les sections réservées aux femmes, comme à Mesnil Amelot par exemple, est encore plus oppressant, mais des solidarités se tissent pour résister à la police raciste et sexiste.

Dans ce témoignage, une copine prisonnière parle de tout ça, mais aussi de l’OFII, qui est présent dans les CRA. Dans sont site internet, on peut lire que « l’OFII exerce également une mission d’information, de soutien et d’écoute des étrangers dans les centres de rétention administrative (CRA). Dans ce cadre, des aides matérielles leur sont apportées afin d’assurer l’organisation de leur départ et faciliter leurs conditions de rétention. »  Une manière créative pour dire que l’OFII collabore avec la police

Face à tout ça, face aux morts, aux violences policières et aux collabos dans ces prisons pour sans-papiers, quoi faire? Une assemblée publique aura lieu mardi 3 décembre, ouverte à toustes celleux qui veulent lutter pour la disparition des CRA. Organisons la riposte !

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L’OFII

« La femme de l’OFII parfois pose des questions bizarres, comme si elle était une inquisitrice. Elle juge les gens trop vite tu vois ? Je pense qu’elle bosse avec les flics, elle essaie de retirer des infos de nous et tout ça.

Elle pose beaucoup de questions : « Pourquoi tu fais ci, pourquoi tu fais ça »… parfois ils [les salarié.e.s de l’OFII] prennent beaucoup de temps pour parler avec les gens de n’importe quoi, alors que les autres attendent à l’extérieur pour rien, et arrivent pas à acheter les cigarettes.

La police

Les flics ont beaucoup de mots mal placés : il y a des filles marocaines, ils disent « T’es sure que t’es roumaine ? T’es sure que t’es pas une voleuse?« .

Y a d’autres remarques aussi. Une albanaise est venue me dire : « Je suis mal à l’aise, y a un flic qui me dit des choses mal placées ». Du coup je suis allé le voir, et lui tu sais ce qu’il m’a dit? « C’est quoi, t’es jalouse parce que toi aussi t’en veux de moi? ».

Beaucoup de policiers font beaucoup de remarques sexuelles perverses, surtout à moi parfois.

Les conditions de retention

Hier il y avait un jeune de 16 ans avec la mère, après il a été libéré. Mais parfois y a des gamins de 6 mois, de 8 mois, comme ça.

Par rapport au médecin, je ne suis pas d’accord par rapport à certaines choses. Et la nourriture, il y a des gens qui ne peuvent pas manger certaines choses mais sont obligés de le faire.

Mais l’Etat il prend de l’argent pour nous non? Avec cet argent, il faudrait au moins améliorer les conditions des gens ici. »

dispo en affiche :

Pour Mohammed et tou.te.s les autres

Vendredi 8 novembre, un prisonnier est décédé au centre de rétention de Vincennes. Il avait 19 ans, il était enfermé depuis 28 jours. Au matin, ses co-détenus l’ont découvert entre la vie et la mort dans son lit. Deux jours plus tard, un hommage lui a été rendu avec et par les prisonniers dans la cour du CRA :

« Quand on a su pour le jeune Mohammed, on a voulu lui faire un hommage, un genre une prière avec tout le monde. Au début on a demandé le pardon tout ça comme le veut la tradition islamique, et après on est allés voir tout le monde de toutes les religions et ceux qui n’ont pas de religion.

On a dit : on va faire un hommage symbolique dans la cour et on a vu que tout les prisonniers étaient d’accord, c’était avec plaisir pour eux. On a dit à midi tout le monde va chercher son ticket pour le restaurant et avant qu’il parte au restaurant pour manger il faut qu’il monte vers la cour comme ça il vient pour faire une prière, un hommage symbolique pour lui.

Comme ça fait un message pour les responsables ici, parce que cette histoire elle pourrait arriver à n’importe lequel d’entre nous. On a fait une petite prière debout, il y a un gars qui a lu un peu du coran et après il y a un demandé à un monsieur âgé il a 65 ans, il est d’origine de Russie, il est là, il est chrétien, il a fait un peu de prière avec la bible.

La police ils ont remarqué, ils sont venus ils ont dit « qu’est ce que vous préparez ? qu’est ce que vous préparez ? » ils voyaient qu’on va faire quelque chose de casse mais c’était juste un symbole pour le jeune tunisien et ça s’est passé tranquille après on a repris la normale.»

A l’extérieur aussi, il était important de faire quelque chose. Vendredi, nous étions plusieurs à vouloir nous rendre ensemble derrière le CRA de Vincennes pour faire un parloir sauvage (se rapprocher le plus possible des grilles et se faire entendre des retenus), crier notre solidarité aux personnes à l’intérieur et notre colère contre les CRA et les frontières qui tuent.

Mais les RG avaient visiblement intercepté l’info puisque 3 camions de flics étaient stationnés devant le CRA, et des flics en civil nous attendaient au RER et nous ont empêché de faire le parloir, confisquant au passage notre banderole.

On a donc décidé de remettre ça au dimanche soir : cette fois-ci on a pu se rapprocher du CRA et crier, les gens de l’intérieur nous ont entendu et ont répondu ; deux minutes après 3 camions de flics ont débarqué et nous ont nassé-es pendant quelques minutes, avant de nous raccompagner jusqu’au RER – nous on a crié nos slogans jusque dans le wagon.

Tout cela montre quand même que les flics et la préfecture sont sur les dents en ce moment : ils savent qu’une mort en CRA ne reste pas sans réaction ; ils ont peur des révoltes de prisonnier-es et ils ont peur des liens qui peuvent être faits entre intérieur et extérieur, et accentuent donc la surveillance et la répression des deux côtés.

Mais les camarades qui ont entendu le parloir depuis l’intérieur du CRA appellent à la solidarité et à la mobilisation  : « Il faut faire beaucoup de manifs ! tous les jours si c’est possible ! C’est pas croyable ce qu’il se passe ici ». Nous on est toujours plus déterminé-es : on reviendra!

Pour Mohammed et tou.te.s les autres, ni oubli ni pardon.

Liberté pour tou.te.s!

A bas les CRA!