Résistances et virus : mise à jour sur les CRA de Mesnil, Vincennes et Oissel

Depuis début aout, une nouvelle vague de coronavirus a touché les prisonniers-ères sans-papiers enfermé.e.s dans pas mal de CRA, et des luttes et des grèves de la faim se sont diffusées de Mesnil à Marseille, de Nimes à Vincennes… Mais les préfs et les keufs, malgré le fait qu’une bonne partie des frontières sont encore fermées, continuent à enfermer celles et ceux qui n’ont pas les bons papiers, à mettre leurs vies en danger, et à les expulser (notamment vers la Roumanie et d’autres pays européens).

Dans cette situation merdique, les résistances individuelles et collectives n’ont jamais cessées. Du coté des associations qui interviennent dans les CRA, c’est le silence. Alors que pendant le confinement, elles avaient lancé des demandes de mises en liberté massives, désormais plus rien n’est fait dans ce sens-là. Voici une mise à jour sur la situation à Mesnil, à Vincennes et à Oissel, où une grève de la faim est actuellement en cours !

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Mesnil-Amelot : grève de la faim et blocage de la promenade !

Depuis mars et le début des annonces de confinement dans pas mal de pays, la volonté marquée des préfectures de garder ouverts les centres de rétentions montre l’importance de ces prisons dans la gestion des frontières et des personnes par l’état français et les autres états européens.

Ces derniers jours des luttes pour la liberté et l’accès au soin ont eu (et ont encore) lieu aux centres de rétention de Rennes et de Vincennes.

Depuis quelques jours à la prison pour sans papier du Mesnil-Amelot des prisonniers (et au moins trois flics) ont été testés positifs au coronavirus. Les quarante prisonniers du CRA3 ont décidé de bloquer la promenade mercredi soir juste après avoir appris la nouvelle et de lancer une grève de la faim à partir du jour suivant. Ils ont été rejoint immédiatement par l’ensemble des prisonnièr.e.s du CRA2. Comme à chaque fois la direction a décidé de ne même pas discuter avec les prisonnier.e.s qui exigeaient leurs libérations immédiates et la fermeture ces prisons, la prise en charge médicale pour les malades. Les préfectures semblent toujours autant déterminer à enfermer quoiqu’il arrive et à expulser dès que c’est possible.

Un prisonnier du CRA2 raconte la situation tendue à Mesnil.

Salut ca va le moral ? Tu crois que tu peux raconter un peu la situation au Mesnil ?

Ici c’est vraiment la merde tu vois. Le bat 11 à la base c’est celui des arrivants mais là il est fermé. Le CRA 3 on est moins nombreux qu’au CRA2. La dans un batiment y a 3 personnes, au 9 et au 10 y a 10 personnes. Donc on est 23 au moins. Aujourd’hui c’est chaud au CRA3 et au CRA2 et au batiment des femmes. Aujourd’hui ils ont annoncé c’est les tests pour tout le monde. Y en a ils ont refusé parce qu’ils prefèrent le faire quand ils seront libre. C’est normal nan ?

Oui faut faire comme vous le sentez de toute façon.

Ouai et on sait pas ce qu’ils vont faire après. Si on est en danger faut nous libérer. Mais là franchement c’est la galère. Ils veulent libérer personne. On a fait la grève de la faim pendant deux jours. Personne est venu nous parler. La cimade est plus là on parle par téléphone, mais ça c’est quand ils répondent..

On nous a dit qu’il y avait plus le droit de visite le temps d’avoir le résultat des tests. Mais au CRA2 ils ont le droit de faire rentrer des gateaux mais que là bas. Chez nous c’est pas possible parce qu’ils disent que c’est pas le même cra genre le CRA2 ce serait la Belgique et ici la France quoi. Mais quand les flics du cra3 ils doivent intervenir au cra2 ils le font sans problème. Tout ça c’est du foutage de gueule.

L’equipe d’aujourd’hui (le 14.08.2020) c’est les moins racistes mais tu rien obtenir. Déjà les flics c’est quelque chose mais alors la PAF c’est vraiment quelque chose…

Par exemple nous on mange à 18h15 le soir mais les flics des fois ils refusent que tu sortes un pain pour te faire un sandwich. Pour la tondeuse tu dois toujours demander plusieurs fois parce qu’ils mentent à chaque fois genre « elle est cassée » ou « on l’a pas ». Ici les flics disent « c’est chacun sa manière de travailler » donc les règles changent tout le temps.. Enfin ils parlent pas de règles ou de lois hein… Une fois on m’ a filé une clé usb en parloir et les flics ont refusé que je l’avais fait rentrer (alors qu’une autre équipe avait déjà accepté) en demandant si y avait pas des appels à la prière dessus. Tu vois c’est toujours comme ça ici.

Au CRA3 y a plus de solidarité. Hier ils ont bloqué la promenade et ils sont tous en grève de la faim.Nous on a fait la grève de la faim deux jours. Mais tu vois là on va dans la promenade pour faire un foot direct les flics interviennent pour vérifier qu’on va pas bloquer. Au bat des femmes aussi elles ont fait grève. La bas c’est chaud, y a au moins deux femmes enceintes.

Nous on veut notre liberté, y a pas de vols rien. Ils nous donnent même pas le minimum. T’es obligé de manger à la gamelle. Même l’ofii (ceux qui vendent des cigarettes dans le CRA) des fois ils sont pas là et t’es pas prévenu donc on se retrouve sans clope. Les machines pour faire de la monnaie ou récupérer du café marchent pas. Ici c’est comme ça. Y a rien. Même avec le covid on est enfermé, y a pas de geste barrière on nous met en danger en fait.

Quand tu rentres dans les zones ou y a les flics, le greffe ou l’ofii là on te donne un masque. Mais des fois c’est le même masque pour toute la journée, pas pour quatre heure.

Tu vois quand ils faisaient chaud y a quelques jours ? Ils nous laissaient galérer dehors 15-20 minutes au soleil jusqu’à ce que tu sois dégouté et que tu repartes.

C’est pour tout ça qu’on a fait la grève de la faim et que ceux du CRA3 ils luttent. Il faut du soutien de dehors et que les journalistes racontent comment ça se passe ici.

C’est grave quand même de continuer à nous enfermer avec le covid, les frontières fermées et tout..

Merci du soutien de dehors !

Soyons solidaires avec les prisonniers-ères,
Liberté et papiers pour toutes et tous !

Appelons les cabines, organisons-nous à l’extérieur
pour faire sortir leurs paroles et casser l’isolement,
et n’oublions pas qui sont les responsables de toute cette merde : les flics, les juges et les prefectures,
les collabos qui font des frics sur l’enfermement
et ceux qui balancent les sans-pap !

Virus, luttes et représailles : Vincennes, Mesnil et Rennes

Dans la dernière mise à jour sur la lutte en cours depuis vendredi dans la prison pour sans-papiers de Vincennes, on se demandait quelle était la stratégie de l’administration du Cra, quand elle avait décidé d’enfermer tout le monde dans un espace minuscule et y ramener des personnes avec le virus. Une hypothèse : la PAF et les Prefs en ont rien à foutre de la vie des prisonniers, ça c’est clair, mais elles jouent aussi systématiquement à mettre en danger leur vie. Vu qu’elles ne peuvent pas les déporter autant qu’elles voudraient (pas mal de frontières sont encore fermées, même si les vols continuent vers certains pays comme la Roumanie et l’Albanie, et d’autres sont prévus – un grèviste est menacé d’expulsion vers l’Egypte le 16 août !), elles trouvent d’autres moyens pour s’en débarasser.

Des copains enfermés à Vincennes racontent des épisodes trash qui ont eu lieu hier, et qui montrent encore une fois jusqu’où peuvent aller la violence et la hogra de la part des keufs dans ces prisons (et partout ailleurs). Pour casser la lutte des grèvistes qui, depuis vendredi, refusent collectivement la bouffe (dégueulasse) que Gepsa donne aux prisonniers, et pour les obliger à retourner à la cantine, les flics ont fouillé des cellules et ont jeté la nourriture qui était cachée à l’intérieur. Mais les retenus restent déterminés.

Pour rappel, une soixantaine de personnes sans-papiers sont enfermées à quatre-cinq par cellule dans le batiment 1 du Cra, sans que la moindre mesure sanitaire ait été prise. Au moins quatre prisonniers qui avaient été testés positifs ont été déplacés pendant le week-end dans un autre batiment, où ils sont en quarantaine et en isolement. Lundi dernier, deux prisonniers qui étaient enfermés au Cra de Mesnil-Amelot où elles avaient été testées positives ont été transférées… à Vincennes.

A Mesnil aussi le virus est en train de se propager, et la situation devient de plus en plus compliquée : les cas des personnes malades sont nombreux, d'autres transferts sont prévus, la Cimade (l'asso qui intervient dans le centre) et l'entreprise du nettoyage ont décidé d'exercer leur droit de retraite... Les prisonniers se retrouvent encore plus isolés que d'habitude : hésitons pas à appeler les cabines du centre pour les soutenir.

Hier, les prisonniers du Cra Vincennes ont été soumis à nouveau à un test collectif pour le Covid. C’est le deuxième en dix jours… Deux personnes ont refusé de faire le test. La réaction des keufs a été de les punir de la manière la plus sale : ils les ont transférés par la force dans le batiment de quarantaine où sont enfermés les prisonniers testés positifs ! Histoire de les faire tomber malades exprès.

Entre temps, une grève de la faim est en cours au Cra de Rennes depuis lundi, notamment pour dénoncer les conditions pourries d'enfermement. On relie ici le communiqué des retenus en lutte.
Force à eux et à tou.te.s les prisonniers-ères !

Communiqué des personnes enfermées au CRA de Rennes

Au Centre de rétention de Rennes, nous n’avons aucun droit ici, ils sont bafoués. On s’acharne sur nous.
Voilà comment ça se passe une journée au Centre de rétention :

Les policiers nous réveillent tous les matins, sans un bonjour. Ils claquent les portes et allument la lumière. Ils rentrent parfois dans nos chambres, la nuit, pour rien. Il n’y a pas de respect et on entend des « c’est moi le chef, je fais ce que je veux. »
Ensuite de 9h à 11h, on est dehors. Soit disant il y a le ménage donc ils ferment les chambres mais c’est encore sale après. Il y a des souris et des cafards. On va parfois demander des choses à l’accueil mais ils nous disent d’attendre ou veulent rien nous donner. Il n’y a pas de rapports humains.
Si on avait le moral, on ferait un peu de sport mais ce n’est pas le cas.

Puis à partir de 12h, ils nous appellent comme des animaux pour aller manger. Il y a une brigade qui nous laisse manger tous ensemble et on s’assoit où l’on veut alors que l’autre fait des groupes de 5 et nous place.
Parfois on a du porc alors que certains n’en mangent pas et la police nous dit « tu manges ce qu’on te donne ici. ». On nous force aussi à manger de la viande alors qu’on sait que pour certains d’entre nous elle n’est pas halal.

Puis l’après-midi, de 13h à 15h, tout est fermé. On ne peut même pas acheter une bouteille d’eau. On ne fait rien, on est des zombis, on est des animaux.
Après 15h, on ne fait rien non plus. Parfois on nous donne un ballon et parfois on ne peut même pas le prendre. On attend 19h, le repas.

De 19h à 21h, on mange puis on ne fait rien.
A 21h, ils ferment les cages. Ils nous enferment dans les bâtiments où nous avons nos chambres, comme dans un zoo. On entend aussi des phrases racistes. Dans certaines chambres il y a une télé mais pas dans toutes. On est enfermés donc si une personne essaye de se suicider, on ne peut rien faire.
On a du mal à dormir, on fait des nuits blanches et des cauchemars.

Sinon, au centre on peut acheter que des cigarettes. On a une tondeuse et un coupe ongle pour tout le monde.

Pour eux, on est de passage donc nous n’avons pas autant de droits. Certains n’ont même pas d’habits, rien. Ils nous disent « qu’il est temps que vous rentriez chez vous. »
Mais, ils ne nous préviennent pas quand les vols sont annulés. Les médecins, on les demande plusieurs fois mais on ne les voit pas souvent.
En fait, ils sont contents quand on rentre au bled.

Ce qui nous choque le plus c’est que nous ne soyons pas respectés. Qu’on nous insulte et qu’on nous pousse à bout. C’est aussi l’abandon que l’on ressent. Une personne a fait une tentative de suicide il y a quelques jours et elle n’a vu aucun médecin, aucun infirmier. Ils l’ont laissé comme ça. Et puis, le racisme aussi envers nous, la façon dont les policiers nous parlent.

C’est par rapport à tout ça qu’on a décidé de commencer une grève de la faim. On attend que quelque chose change. Pas pour nous forcément mais pour le futur, pour les autres. Pour l’instant ils font du chantage : tu manges pas donc tu n’as pas le droit de jouer à la Nintendo. C’est pour calmer les personnes.

Nous, ce qu’on veut c’est que nos droits soient respectés.

Des gars du CRA de Rennes

Soyons solidaires avec les prisonniers-ères
Liberté et papiers pour toutes et tous !

Appelons les cabines, organisons-nous à l’extérieur
pour faire sortir leurs paroles et casser l’isolement,
et n’oublions pas qui sont les responsables de toute cette merde : les flics, les juges et les prefectures,
les collabos qui font des frics sur l’enfermement
et ceux qui balancent les sans-pap !