La solidarité avant tout. Vraiment ? Un régard sur les pays européens

Comment COVID-19 affecte les régimes de détention et d’expulsion en Europe

 
 (texte collectif écrit en anglais et traduit en français) 
 
La pandémie du Covid19 plonge tous les pays du monde entier dans une crise économique et une crise de santé publique – le virus nous affecte tou.te.s. Malgré son envergure mondiale, les États et leurs gouvernements cherchent des réponses nationales.
 
En Europe, la pandémie a poussé, à certains égards, à la solidarité et à la priorisation de la santé publique, mais aussi – et surtout –  aux  restrictions de la vie sociale et des libertés publiques. Dans de nombreux pays, le droit de circuler, de se rassembler et de protester ont été restreints par des mesures d’urgences au nom de la crise sanitaire et nous observons de nombreuses tendances autoritaires dans la mise en œuvre des mesures prises.
 
 
Il est souvent souligné que l’épidémie du Covid19 nous affecte tou.te.s. Cependant, cette crise, ainsi que les réponses qui lui sont apportées, s’appliquent à géométrie variable et catalysent souvent des discriminations et des exclusions préexistantes. Cette pandémie ne met pas seulement en lumière les conditions dégradantes dans les prisons et les centres de rétention en temps normal, mais montre également le visage le plus laid des politiques d’enfermement et d’expulsion des États de l’UE. Les États ont fait un choix sur les corps qui méritent d’être protégés et guéris et ceux qui sont exclus de la prévention, sans parler des soins. Nous sommes des militants du Danemark, d’Allemagne, de Suisse, de France et d’Italie engagés dans des luttes anti-déportation et anti-rétention. Nous nous sommes réunis pour collecter des informations sur nos contextes, afin de fournir un aperçu plus large de l’impact de COVID-19 sur différents pays. Le système de l’enfermement et des déportations diffère selon les pays européens, ce qui rend la comparaison souvent difficile. Dans certains pays, la détention administrative est effectuée dans des camps semi-ouverts. Dans d’autres, les personnes peuvent être placées en détention provisoire avant expulsion pendant une période pouvant aller jusqu’à 18 mois. Le système des camps pour les demandeurs d’asile diffère également selon les pays. Par conséquent, nous n’expliquerons pas en détail les caractéristiques exactes de chaque pays. Dans ce texte, nous avons établi une distinction entre la rétention provisoire en vue d’une expulsion et les système de camps. De plus amples informations sur les systèmes de papiers de chaque pays sont disponibles ici.
Conséquences de Covid19 sur les expulsions
Au regard de la situation actuelle des expulsions en Europe, quelques points communs se dégagent. Les expulsions entre Etats européens dans le cadre du règlement Dublin  ont été temporairement suspendues en mars, elles ont depuis reprises dans certains pays. En France, des expulsions ont eu lieu au cours du mois de mars et d’avril vers la Hollande, la Roumanie et le Portugal. Au Danemark, au moins une tentative de renvoi vers la Roumanie a été reporté depuis la fin supposée des déportations « internes ».  Il y a encore un manque de clarté concernant les vols charters et les expulsions vers les pays d’origine : si ces vols semblent totalement suspendus pour la France et l’Italie, ce n’est pas le cas pour certains pays qui semblent moins touchés par le Covid19 et les mesures d’urgence. Du côté français, les expulsions vers les pays d’origine ont été stoppées car le pays a fermé toutes ses frontières extérieures et pourrait ne pas les rouvrir avant l’année prochaine. En Allemagne par exemple, les autorités ont encore tenté de déporter des personnes vers leurs pays fin mars, ce qui a échoué deux fois en raison de mouvements de protestation. Malgré tout, il semble que les autorités allemandes poursuivent leurs efforts pour expulser les gens à tout prix. Au Danemark, le gouvernement n’est pas transparent sur l’arrêt total des expulsions vers les pays d’origine. Parallèlement, il insiste sur l’importance de rattraper tous les vols « manqués » une fois la crise terminée En Suisse, les expulsions vers les pays d’origine sont toujours possibles mais fortement restreintes.
Conséquences de Covid19 sur la détention 
 
Dans un certain nombre de pays européens des libérations ont eu lieu dans plusieurs centres de rétention au début de la crise du fait des risques sanitaires et de l’arrêt des déportations. 
Mais partout, de nombreux centres, voire la quasi totalité, restent ouverts et de nombreuses personnes sont toujours enfermées. Pire, la plupart des gouvernements ont imposé de nouvelles restrictions, et avec le ralentissement voire arrêt des déportations, les conditions de rétention deviennent à peine distinguables de celles de la prison. Les cinq pays ont en commun que les parloirs dans les centres de rétention comme dans les prisons sont actuellement interdits et que les prisonniers sont encore plus isolés de leurs proches et du reste du monde qu’auparavant.  Dans tous les pays, le droit des personnes à la santé, et peut-être à la vie, est gravement violé depuis le début du confinement.
 En Suisse, selon des informations officielles, les autorités genevoises ont libéré tout le monde en retenue et vidé complètement les centres de détention administrative de Favra et Frambois. Cependant, cette décision ne s’est pas étendue à dans d’autres régions du pays; à Bâle et à Zurich, par exemple, il y a encore plus d’une soixantaine de personnes en rétention provisoire. Dans les deux cantons, les autorités soutiennent que le motif juridique des expulsions n’a pas changé et soulignent qu’en général les expulsions sont toujours possibles et exécutées chaque fois qu’elles peuvent être réalisées. En Allemagne, les autorités n’ont pas élaboré d’approche globale sur la façon de protéger et de libérer les personnes en détention provisoire, laissant aux différents Land la possibilité de gérer à sa manière. Quelques centres de détention ont fermé et libéré tous les détenus et plusieurs personnes en attente de transfert de Dublin vers l’Italie notamment, ont été relâchées assez rapidement après l’arrêt des transferts de Dublin. Cependant, de nombreuses personnes restent détenues même si on ne sait pas vraiment quand les vols d’expulsion pourraient reprendre. Dans un centre de rétention de Darmstadt, des personnes ont manifesté contre leur emprisonnement. Aujourd’hui, cinq personnes y sont toujours retenues. Ils rapportent que les doutes liés à la situation et le fait de savoir que de nombreuses autres personnes ont été libérées mais qu’eux sont toujours enfermés représente un énorme stress psychologique pour eux. Au Danemark, le gouvernement refuse de libérer les personnes en détention pour expulsion, mais continue d’arrêter et de détenir de nouvelles personnes – bien que les prisons «normales» aient été fermées pour les nouveaux condamnés. Les gens sont continuellement transférés entre les différents lieux de rétention. Toutes les personnes qui sont transférées à Ellebæk, la prison fermée pour expulsion d’où des personnes sont expulsées de force, sont soumises à l’isolement forcé dans une prison d’État pendant deux semaines avant leur transfert.
En France, le confinement général a été déclaré le 16 mars. De nombreuses prisons pour sans-papiers sont actuellement vides du fait des libérations massives de prisonniers au cours des premières semaines de l’isolement. Cependant, elles ne sont pas définitivement fermées et d’autres centres continuent de fonctionner malgré la pandémie. À ce jour, de nombreux centres de rétention administrative (CRA) se remplissent à nouveau rapidement et les nouvelles rétention sont très souvent validées et prolongées par les juges. Comme on pouvait s’y attendre, le confinement et l’état d’urgence ont renforcé les contrôles d’identité et les arrestations arbitraires – même de travailleurs sans papiers qui n’ont pas d’autre soutien financier pendant la crise que de continuer à travailler. De nombreuses personnes sans-papiers sont également transférées directement des prisons à des centres de rétention : cette «double peine» existe depuis longtemps en France et s’est intensifiée pendant la crise. En Italie, les centres de détention (CPR) sont toujours ouverts. La fonctionnalité des centres dépend des autorités locales, et les informations à ce sujet sont partagées par le siège de la police locale (préfecture). Même si certains juges, à Potenza et Trieste par exemple, ne valident pas la prolongation de la détention, dans de nombreux cas, les CPR continuent de faire entrer de nouveaux détenus et les juges locaux prolongent ou valident la détention comme si rien n’avait changé. La principale différence est qu’au lieu d’une expulsion, il n’y aura qu’une obligation de quitter le pays.
 
Ainsi, les expulsions ne pouvant pas être effectuées, les motifs juridiques de la rétention pour expulsion disparaissent également. Même si nous rejetons cette prémisse absurde, autant que nous rejetons le régime de rétention et d’expulsion à travers l’Europe dans son ensemble, nous tenons à souligner que cela ne laisse plus aux autorités aucune justification légale ou institutionnellement acceptée pour maintenir ces centres ouverts, en particulier pendant la pandémie.
Conditions dans les centres de détention et les camps « d’accueil »
 
Même si les systèmes de camps sont différents à travers l’Europe, il y a un élément commun à tous les pays : la détérioration des conditions depuis le début de la pandémie. Pour être clair : les normes et règles sanitaires qui sont établies pour toute la société ne sont pas valables dans ces espaces. 
 En Allemagne, jusqu’à aujourd’hui, aucun camp (grands camps d’accueils où les personnes sont hébergées et assignées à résidence comme de la quasi-rétention) n’a été évacué. A l’inverse  : un certain nombre de ces camps ont été mis en quarantaine, donc totalement isolés du monde extérieur, dès qu’un habitant était testé positif. À Suhl, 533 personnes ont été collectivement détenues dans des conditions similaires à celles d’un centre de rétention après qu’un habitant du centre d’accueil a été testé positif pour Covid-19. Au lieu d’isoler la personne seule, les autorités ont confiné tout le camp et la police l’encerclait en permanence pour s’assurer que personne ne sortait. Dans un autre camp collectif, les résidents signalent le manque d’informations concernant le virus et de mesures de protection quasi inexistantes. Un autre exemple choquant est le camp d’Ellwangen où une personne sur deux, sur 500  personnes, a maintenant été testée positive. L’ensemble du camp est verrouillé, des protestations ont éclaté alors que les habitants critiquaient le manque d’informations, l’absence d’une stratégie efficace de protection des personnes et le manque de Wifi dans les sections isolées du camp. La revendication des personnes est la fermeture définitive des camps. Au Danemark, le gouvernement propose de tester les migrants sans-abri pour le virus, mais au moment où ces derniers demandent de l’aide, ils peuvent être retenus et expulsés – s’ils sont sans papiers. Le gouvernement a pris des mesures pour tenter de contenir la propagation du virus dans les centres, ce qui comprend le report de toutes les activités de loisir et de scolarité, la formation et le travail, ne laissant aux résidents aucune activité à l’exception des pauses fumeurs. Cependant, dans des centres tels que Kærshovedgård et Ellebæk, les mesures de distanciation sociale ne peuvent toujours pas être respectées, plusieurs personnes partageant chaque chambre. Il semble qu’une personne présentant des symptômes de coronavirus a été transférée d’un camp au centre de rétention de Sjælsmark et isolée dans une pièce, avec une pancarte sur la porte « Indication d’une infection par Covid-19 ».
Dans les centres de rétention français, les mesures sanitaires ne sont pas du tout respectées. Les conditions d’hygiène sont désastreuses, comme le confirment les photos que nous avons obtenues du centre de Lille. Les visites sont également interdites, la nourriture et l’accès aux soins de santé sont devenus encore plus difficiles et inefficaces, les cellules et les salles communes sont encore plus sales qu’auparavant, car les nettoyeurs ne viennent plus. Dans au moins trois CRA, des prisonniers ont été déclarés positifs au virus et, très tardivement, isolés des autres résidents en étant placés au mitard (et quasiment jamais transférées à l’hôpital). En Italie, l’interdiction pour les résidents d’avoir leur téléphone portable avec eux a été étendue à tous les centres de rétention (CPR); cette mesure donne une base juridique à une pratique déjà utilisée dans le CPR de Turin, sur laquelle les autorités ne reculeront probablement pas après la crise.
On observe une situation similaire en Suisse où des photos et des séquences vidéo de chambres surpeuplées et de cuisines sales utilisées par plus de 80 personnes ont été publiées. Les habitants des camps qui ont été testés positifs ont été mis en quarantaine dans le camp et non dans un établissement médical. À Bâle, plusieurs dizaines de demandeurs d’asile ont été transférés du camp de Bässlergut dans un bunker souterrain. À Zurich, au moins deux camps ont supprimé l’aide financière d’urgence. C’est terrifiant car il s’agit du montant minimum défini par la loi pour survivre. Ces deux camps sont administrés par la société ORS, société privée et à but lucratif, qui fait du profit en incarcérant des personnes dans différents pays européens.
Actes de résistance
 
Les réponses des États de l’UE au COVID-19 révèlent clairement leurs structures oppressives, et le système d’enfermement et d’expulsion en est un parfait exemple. Les conditions inacceptables provoquent une résistance à l’intérieur et à l’extérieur des camps et des centres de rétention dans toute l’Europe. En Allemagne, les retenus ont manifesté contre la détérioration de leur situation ; dans un camp d’accueil, les résidents ont entamé une grève de la faim. Ils exigent leur libération immédiate des prisons, un hébergement décentralisé et le droit d’accéder aux soins de pour tou.te.s. Des groupes d’activistes à l’extérieur soutiennent les manifestations dans les prisons et les camps et s’efforcent de porter leur voix à l’extérieur. Dans le centre d’hébergement collectif susmentionné de Brême, des résidents et des militants allemands ont lancé la campagne # ShutDownLindenstraße (vidéo de la manifestation du 17 mars, vidéo des manifestations du 2 avril). Les manifestants ont critiqué les soins de santé problématiques, le manque sévère de précautions pour propager l’infection Covid-19, pas d’intimité, pas d’air frais dans les chambres ainsi que le stress émotionnel / mental.
Au Danemark également, il existe une étroite coopération entre les retenus et  certains collectifs. Les militants utilisent la radio et les réseaux sociaux pour diffuser les demandes de libération des retenus au public et attirer l’attention sur les troubles dans les centres. L’utilisation de ces canaux est également répandu en Suisse, où des campagnes ont été lancées pour attirer l’attention sur la situation dans les camps et faire des demandes concrètes à la société civile. En outre, la société civile est invitée à ouvrir des espaces privés tels que des hôtels et des airbnbs pour accueillir les personnes enfermées dans les camps d’hébergement. En ce sens, quatre maisons ont été squattées à Zurich.
 En France, les révotes au sein des centres de rétention s’intensifient. Il y a une résistance quotidienne contre les flics, les détenus font des grèves de la faim et certains prisonniers ont mis le feu à leurs cellules et matelas pour protester. Toutes les différentes formes de résistance ont pour finaliter de dénoncer les conditions sanitaires misérables et ont des revendications similaires à celles des autres pays : la libération immédiate de tous les retenu.e.s et la fermeture des centres. Des conditions analogues en Italie entraînent des protestations et des révoltes dans les centres de rétention. À Gradisca, une partie d’un centre de rétention a été détruite par le feu. Tout porte à croire que ces protestations ne s’arrêteront pas. La répression inhérente au système d’immigration continuera de susciter des résistances. 
Remarques finales
 
Ces situations révèlent la violence sous-jacente et la nature coercitive du régime de rétention et d’expulsion de l’UE. Dans une UE qui prétend donner la priorité à la santé des personnes, les centres de rétention / prisons peuvent être identifiés comme «une exception à l’état d’exception». Ce que la pandémie rend plus évident que jamais, c’est que la véritable fonction de ces centres est de contenir un petit groupe pour avertir tous les autres. Les centres de rétention ne sont pas seulement des outils pour exercer un contrôle sur les populations racisées, mais aussi une mesure dissuasive pour inspirer la peur à tous ceux qui n’ont pas de séjour régulier dans l’UE. En temps de crise, comme celui que nous traversons, les centres de rétention révèlent finalement leur véritable rôle, ayant perdu la façade institutionnelle qui justifiait rhétoriquement leur nécessité. La déportation était la seule raison qui pouvait être utilisée par les gouvernements européens pour justifier les centres, et elle est en train de disparaître. Les gouvernements de l’UE indiquent clairement que tout le monde ne mérite pas d’être protégé contre la pandémie.
 
 
Listing OF CAMPAIGNS AND INFORMATION PLATFORMS
 
  • Denmark :
Link to the statement from inside Kærshovedgård camp, published on Facebook: https://www.facebook.com/CLOSETHECAMPSDK/photos/pcb.3647608855282708/3647608681949392/?type=3&theater
 
 
Droplet Radio has provided a platform for voices inside Kærshovedgaard deportation camp, Sjæslmark Deportation Camp and another camp in Jutland (in English and Danish):  https://www.spreaker.com/user/fredagaften/drbrd-2, https://www.spreaker.com/user/fredagaften/program-3-master-final-aac-for-audio-pod
 
Krav Fra en Pandemi, the Danish platform of the transnational campaign Demands from a Pandemic, whose manifesto includes the demand to close all camps and guarantee health for all:
 
  • Switzerland : 
Rise Against Borders: http://riseagainstborders.org
 
Solinetz Bern, call for the support of rejected asylum seekers by civil society: https://solidaritaetsnetzbern.ch/aufruf-private-unterkunft/
 
Squatting of houses “Solidarity for all”: https://zuhause.zureich.rip
 
  • France :
Latests news of the situations and the revolts happening 
 
Call for mail bombing to the prefectures and solidarity banners 
 
Situation in the CRA of Lille (with some pictures) 
 
Call from the prisoners of the center Mesnil Amelot (close to Paris) to the associations who support migrants to ask the state for a general release 
 
Some informations of the CRA in Lyon and Toulouse
 
  • Germany :
We´ll come United – an open initiative of people from different social, antiracist and political networks in Germany. Follow them on Twitter and Facebook.
 
Community for All – local network against the deportation prision in Darmstadt, Germany. You can also follow them on Facebook or Twitter.
 
Together we are Bremen – a group of refugees and supporters in Bremen, that is currently very active protesting the conditions in camps. Follow them on Twitter or Facebook.
 
Refugees 4 Refugees – Self-organized platform by and for refugees. Follow them on Twitter.
 
Antirassistische Netzwerk Sachsen-Anhalt – supports the struggles at the reception camp Halbertadt. Follow them on Twitter. 
 
  • Italy : 
General overview about the current situation in the CPR and revolts happening : 
 
  • Belgium : 
General overview about the current situation in the CPR and revolts happening : 
 
  • International :
 

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CONTRE LE RACISME, LES PRISONS ET LES FRONTIERES : MOBILISONS-NOUS !

Publié par les copaines de Crame ton CRA – Lyon, on fait tourner un appel à se mobiliser contre les CRA ainsi qu’un texte pour la fermeture totale des CRA :

CONTRE LE RACISME, LES PRISONS ET LES FRONTIERES : MOBILISONS-NOUS ! Covid ou pas, la répression est toujours là et il est important d'y répondre !

Appel à préparer des banderoles et des slogans pour le mardi 5 mai, à les prendre en photos et à les poster sur l'évènement, à les envoyer par message à la page Crame ton CRA - Lyon St Ex, ou bien à les envoyer à l'adresse mail lyonanticra@riseup.net.

Si vous avez des idées de slogans/banderoles, n'hésitez-pas à les proposer sur l'évènement pour que l'appel soit le plus inclusif possible! voici quelques idées :

"ouvrir les frontières, fermer les prisons"
"mur par mur, pierre par pierre, nous détruirons toutes les frontières"
"ni patron, ni macron, ni maton"
"virus ou pas, à bas les CRA"
"Vérité et justice pour Adil, Mohamed, Boris"
"La police assassine, justice pour les victimes"
"Pas de justice, pas de paix"
"A bas le racisme et l'islamophobie"

Virus ou pas, à bas le racisme, les frontières et soutien à toustes les prisonnierEs !

https://www.facebook.com/events/1462275560638383/
 

Il y a un mois dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 qui déferlait en Europe, certains articles de presse ont rapidement évoqué la situation dans les lieux de privation de liberté : CRA, maisons d’arrêt, maisons centrales. Dans cet espace médiatique, quatre des associations qui gèrent les prisons pour étrangèrEs (CRA) et qui participent à la politique migratoire raciste et répressive et de l’État lançaient soudainement un appel à leur fermeture temporaire.
 

Elle n’est évidemment que temporaire. L’intervention dans les centre de rétention représente l’obtention de marchés publics s’élevant à plusieurs milliers d’euros. Pour ces associations la présence dans les CRA signifie des financements conséquents. L’objectif de cette fermeture temporaire est de préserver leurs salarieEs qui répriment et trient les migrantEs. Ce n’est clairement pas par souci des prisonnierEs qu’iels ont elleux-mêmes enfermé.

Le danger pour les PrisonnierEs est inhérent à l’enfermement.
Ce n’est pas le virus qui doit justifier la fermeture des centres de rétention mais bien l’existence même d’un système qui enferme, torture et déporte les sans-papiériséEs.
Cinq personnes sont mortes entre les murs des CRA en France depuis 2017 dont trois depuis août dernier. Des dizaines y sont actuellement malades. Ces associations assurent, organisent et protègent l’enfermement, les pires conditions de détentions, les violences policières, les vols, les tabassages, les humiliations, les viols, le refus de soin et la mise en danger médicale… tout ce qui structure les CRA.

Le droit à la santé (mentale ou physique) ne pourra jamais être assuré pour des personnes enferméEs, Covid19 ou pas. La violence est inhérente à l’enfermemement. Cette pandémie ajoute une violence supplémentaire pour les prisonnierEs.

Aucune valeur n’est à accorder à cet appel comme à tout appel provenant d’associations qui organisent la répression, le tri, le fichage, la déportation des migrantEs (Forum Réfugiés, Cimade, ASSFAM, France Terre d’Asile, Ordre de Malte…)

Depuis la publication de cet appel, de nombreuses associations sont retournées dans les CRA ou continuent leur répression par télétravail. Actuellement, de nombreuxses personnes continuent d’être enferméEs, dont minimum une trentaine à Lyon.

Personne ne peut se réjouir d’une fermeture provisoire, personne ne doit être enferméE ni sanspapiériséE, les CRA ne doivent tout simplement pas exister.

En tout temps, à bas les prisons et les frontières, et solidarité avec touxtes les prisonnierEs.  »

 


publié initialement sur Crame ton CRA – Lyon

 

Contre la construction d’un nouveau centre de rétention administrative à Lyon, mobilisons nous !

On fait tourner ici un article publié par les copaines de Crame ton CRA – Lyon au sujet de la construction d’un nouveau centre de rétention administrative à Lyon. C’est aussi un appel à se mobiliser !


Le centre de rétention adminisrative (CRA) actuel de Lyon se trouve à Colombier Saugnieu, juste à côté de l’aéroport de Lyon Saint Exupéry. Il a été créé en 1995 dans un ancien hôtel Formule 1. Après un premier aggrandissement en 2019, il est prévu d’en ouvrir encore un autre en 2022…

Les centres de rétention administrative sont des prisons pour étrangèr·es. Bien qu’ils ne soient pas désignés comme tels officiellement, ce sont des lieux d’enfermement où les violences policières, les menaces et les humiliations sont quotidiennes. L’État y enferme les personnes qu’il considère comme en situation irrégulière sur le territoire français. Les prisonnièr·es peuvent y être détenu·es jusqu’à 90 jours, à l’issue desquels iels sont soit déporté·es soit incarcéré·es en maison d’arrêt, soit relâché·es (tout en restant sous la menace constante d’une nouvelle arrestation).

En 2018, plus de 45 000 personnes ont été enfermées dans les 24 centres de rétention de France métropolitaine et outre mer. Cette année-là, 480 nouvelles places ont été créées, en aménageant les CRA existants, mais aussi en les agrandissant comme à Nîmes, Vincennes, Coquelles ou Lyon. En novembre 2019, le gouvernement a annoncé la construction de trois nouveaux CRA à Olivet (proche d’Orléans), Bordeaux et Lyon, avec pour objectif d’augmenter toujours plus les capacités d’enfermement. Ce sont les premières constructions de CRA depuis près de dix ans. L’État s’emploie à enfermer, torturer et expulser toujours plus les étrangèr.es. Et il ne lésine pas dans la guerre qu’il mène contre les personnes qui n’ont pas les « bons » papiers.

Le CRA actuel de Lyon se trouve à Colombier Saugnieu, juste à côté de l’aéroport de Lyon Saint Exupéry. Il a été créé en 1995 dans un ancien hôtel Formule 1. Il a été agrandi en 2019, pour arriver à une capacité de 140 places. Il est « géré » par la Police aux Frontières (PAF) et par Forum Réfugié, association à laquelle l’Etat sous-traite un prétendu « accompagnement juridique », mais dont le rôle réel est de collaborer à la machine à enfermer et à expulser. En 2018, 1 498 adultes et 2 enfants y ont été enfermés, dont 92% d’hommes et 8% de femmes, selon le rapport annuel des associations qui interviennent dans les centres de rétention.
 
Le début des travaux du nouveau CRA est annoncé pour mai 2020. L’ouverture est prévue pour 2022. Il devrait être construit à proximité immédiate du CRA actuel, sur un terrain appartenant à Vinci, comme toute la zone autour de l’aéroport. Le budget estimé est de 12,5 millions d’euros, sa surface de 3200 m2, et sa capacité de 140 places. 
 
Nombre d’entreprises privées collaborent avec l’État et travaillent à maintenir le système des CRA. Entre la réouverture des CRA de Hendaye et de Geispolsheim, l’extension des CRA de Nîmes et de Coquelles, et le lancement des nouvelles constructions, les appels à projets fleurissent sur les plateformes d’annonces de marchés publics, et les promoteurs immobiliers constructeurs de taules partent à la cueillette des contrats juteux. Une poignée d’entreprises se partagent le marché : Eiffage, Thémis – FM [filiale Bouygues], Gepsa [filiale d’Engie], Sodexo, Spie Batignolles. À Lyon, la “réalisation” du nouveau CRA a été attribuée à Eiffage, censée être assisté par l’entreprise ICAMO, qui sur son site internet place la construction d’un CRA dans la rubrique “Sureté”, et qui a déjà géré des chantiers pour la prison de Saint-Quentin Fallavier.
 
À Olivet, près d’Orléans, l’ouverture est prévue pour 2023, et le coût total estimé à treize millions d’euros. Un collectif s’est monté, et une mobilisation a d’ores et déjà commencé. Le 4 avril, une manifestation devait avoir lieu à Orléans. 
 
La pandémie de Covid-19 apporte de nouveaux éléments à la situation. Dans les centres de rétention, les conditions d’enfermement étaient déjà merdiques, elles se sont encore plus dégradées : aberration d’être enfermé·es – en temps normal – mais encore plus alors que les déportations ne peuvent plus avoir lieu (plus d’avions, frontières fermées); parloirs interdits accentuant l’isolement; impossibilité de respecter les « gestes-barrières » quand les cellules sont bondées; impossibilité de « se défendre » correctement face au système judiciaire répressif, audiences au tribunal se déroulant sans les prisonnièr·es; inquiétudes face aux incertitudes et tensions; flics de la PAF qui peuvent entrer/sortir et diffuser le virus…. La machine à expulser ne peut plus fonctionner le système CRA montre donc son vrai visage : celui d’enfermer/torturer les personnes qui n’ont pas les bons papiers, quand bien même l’Etat et la PAF ne peuvent plus les déporter. En clair, Il faut continuer à enfermer, tant pis pour elleux s’iels crèvent.

Dans de nombreux centres, des prisonnièr·es se sont mobilisé·es, parfois en entrant en grève de la faim, pour exiger leur libération immédiate; en faisant sortir leurs paroles à l’extérieur; en bloquant les cours et les promenades. Bien que des détenu·es aient été libéré·es au cas par cas, les arrestations ont continué et de nombreuses personnes ont continué d’être incarcérées.

Le confinement et les politiques répressives et sécuritaires qui l’accompagnent rendent très difficile toute forme de mobilisation collective. De nombreux chantiers sont à l’arrêt, mais d’autres continuent coûte que coûte, au mépris de la protection de le santé des travailleur·euses, et il y a de fortes chances que ce soit le cas pour la construction du nouveau CRA. Il nous faut donc informer au maximum sur la construction qui se prépare, commencer dès maintenant à nous organiser collectivement, et nous tenir prêt·es à nous mobiliser rapidement, dès que ce sera possible, pour que cette nouvelle prison ne voie par le jour.

À bas les cra, à bas les frontières, soutien à tous·tes les prisonnièr·es!

 


publié initialement sur Crame ton CRA – Lyon