Nouveau cas de Covid à Vincennes : témoignages de personnes enfermées en quarantaine

A Vincennes, depuis début Septembre, le centre de rétention avait été réorganisé. Le bâtiment 2A servait de bâtiment d’arrivée, où chaque personne se voyait proposer un test PCR. En fonction des résultats, elles étaient ensuite transférées soit dans le bâtiment 1 pour les personnes négatives, soit le dans le bâtiment 2B, le bâtiment des personnes testées positives à la Covid-19.

Depuis quelques jours, il n’y avait plus de personnes porteuses du virus dans le CRA. Le bâtiment 2B a donc tout naturellement réouvert ses cellules (ça serait bête qu’elles restent vides) pour devenir un nouveau bâtiment d’arrivée, au même titre que le 2A.

Le dernier revirement date d’il y a quatre jours, où un prisonnier a été testé positif au Covid-19 au bâtiment 2A. Ce dernier a été transféré dans un hôtel formule 1, tandis que les autres ont été mis en quarantaine (ce qui, dans cette situation spécifique, signifie aucune nouvelle arrivée, visites interdites…). Le premier témoignage souligne la mise en danger des personnes arrêtées, de la rue jusqu’au centre de rétention, où rien n’est fait pour les protéger du risque de contamination au virus. Il semble également que pour faciliter les procédures, les personnes arrêtées sont encouragées à ne pas prendre d’avocat pour soit-disant accélérer leur remise en liberté. Sans défense adéquate, le copain s’est retrouvé au centre de rétention de Vincennes 24h plus tard.

Il nous ont enchaîné. Il nous ont soit-disant expliqué nos droits : avocat, interprète etc. Il nous a dit que si on prenait un avocat, ça allait allonger notre temps dans le commissariat. C’est une manipulation ! Comme les gens ne savent pas leurs droits. Moi aussi je ne voulais pas rester là-bas, je voulais sortir tout de suite. Alors on a pas pris d’avocats.

« J’étais dans le 10e arrondissement, j’étais avec un pote à moi. On prenait le métro, on prenait des billets. J’ai parlé et il ne m’a pas compris. J’ai enlevé le masque pour lui parler. Et il y avait un monsieur à côté qui m’a dit : « monsieur mettez le masque », je lui ai dit « mais vous êtes qui ? ». Il m’a répondu que c’était la police. Il m’a demandé la carte. Je lui ai dit que je n’en avais pas. Que je circulais sans-papiers, sans titre de séjour. Il m’a ensuite emmené avec lui, dans
le mini-bus. On est restés 20 à 30min dans la bagnole, mais comme on était plusieurs, on arrivait pas à respirer. J’ai dit « monsieur, allumez l’aspirateur, car ça nous permet de prendre l’air », il a dit qu’on allait partir bientôt. Mais on est restés quand même une demi-heure. Et il y avait un gars qui était malade à l’intérieur, il a des problèmes de tension. Il a dû enlever ses vêtements parce qu’il n’était pas bien. Finalement on est partis. On a tourné pas mal, ils semblaient chercher un commissariat vide. Finalement on est arrivés dans le commissariat de Bercy. Il nous ont enchaîné. Il nous ont soit-disant expliqué nos droits : avocat, interprète etc. Il nous a dit que si on prenait un avocat, ça allait allonger notre temps dans le commissariat. C’est une manipulation ! Comme les gens ne savent pas leurs droits. Moi aussi je ne voulais pas rester là-bas, je voulais sortir tout de suite. Alors on a pas pris d’avocats. Après ils nous ont mis dans une cellule de 5m² environ, on était presque 8 ou 9 ! J’ai dit au policier  » Monsieur j’ai le Covid », après il a répété à son collègue « lui, il a le Covid… ». Après il s’est retourné, il est parti. Il nous ont appelé ensuite un par un pour savoir ce qu’on faisait en France, si on avait un travail régulier. Il m’a demandé si je connaissais mes droits, je lui ai dit non. il m’a expliqué que j’allais être obligé de quitter la France. Je lui ai dit que je ne voulais pas quitter la France, que j’étais étudiant, que je faisais un doctorat en philosophie. J’ai un travail régulier, je suis propriétaire, j’ai une maison. Ma mère, mon père et ma sœur, depuis des années habitent en France. Je ne peux pas partir. Il a dit qu’il allait transférer mon dossier à la préfecture. A 20h, certains ont été libérés. On est restés 3 ou 4 personnes dans la même cellule. La cellule était vraiment très sale. On était à l’intérieur sans masque. Personne n’en avait. La nourriture, je l’ai ouverte, mais je ne l’ai pas touchée, c’était dégueulasse, c’était de la nourriture pour les chiens. Le lit et la couette étaient hyper sales. Le lendemain, ils m’ont amené dans le centre, ils m’ont dit que j’allais être renvoyé, mais que je pouvais contester au tribunal administratif.

Quand je suis arrivé dans le centre, ils ne m’ont pas fait de test. Je pensais qu’ils allaient me confiner dans une chambre. Mais pas du tout. Ils m’ont donné la couette, la brosse à dent et je me suis installé dans une chambre. J’ai vu que tout le monde circulait partout dans le centre, certains portent le masque, d’autres pas. Je suis parti à l’accueil, j’ai demandé si j’allais faire le test ce soir. Ils m’ont dit « probablement ». Vers 20h, ils m’ont appelé, je suis parti aller voir l’infirmière, je lui ai demandé si j’allais faire le test. On m’a dit « ce soir on ne peut pas le faire, car on a un cas de Covid ici. » J’ai répondu : « Comment ça ? En fait, comment ça se fait qu’on ne fait pas de test avant de rentrer dans le centre ? En fait, là ça ne sert à rien. Imaginez que j’ai le Covid, et donc je contamine logiquement tout le monde. Qui prend cette responsabilité ? ». La personne qui avait le Covid a dormi dans le centre pendant plusieurs nuits. Elle m’a dit qu’ils allaient tous nous tester dans une semaine, pour voir si on l’avait attrapé. Celui qui a le covid, ils l’ont emmené dans un hôtel. Y’a un autre mec qui est passé au tribunal et ils l’ont laissé sortir sans l’avoir testé. Mais il a été en contact avec l’autre. Imaginez il l’a attrapé, il va contaminer tout le monde ! Mais ils s’en foutent. Pourquoi ils l’ont laissé sortir ? Mais ce n’est plus leur responsabilité car il est déjà parti.

La nourriture ? On se régale tous les jours ! Hahaha ! Le matin, on nous donne un beurre, avec une confiture, avec un café. Le midi, personne ne finit le repas. J’ai parlé avec une personne de l’accueil hier. Je ne peux pas manger, depuis le début j’ai perdu 4kg. Si vous voulez faire le régime, vous venez ici et vous perdez 10kg. Vraiment c’est pas mangeable le repas, je le jette tous les jours. J’achète toujours le chocolat. « C’est qui le responsable là du centre ? », j’ai demandé à la dame. « Je veux parler avec lui, je veux l’inviter à venir manger avec nous le soir! »

Vos dirigeants, vos élus, ils parlent toujours à la télé des droits de l’Homme, de l’égalité, de la fraternité, de la solidarité. Dans un Etat il y a un autre Etat. Y’a un autre règlement, ils ferment tous les yeux. En fait je ne sais pas, peut-être qu’ils ne voient pas. Et la démocratie ? Le meilleurs pays qui protège les droits de l’homme… C’est juste des paroles à mon avis. »

Ils sont treize à avoir passé de quelques jours à quelques heures avec la personne porteuse du virus. Laissés dans l’incertitude de ce qui se passera ensuite, il semble qu’au moins un homme parmi eux fasse partie des personnes à risque.

« Je suis là depuis mardi passé. On est rentré avec un monsieur qui était positif au Corona. Comme on était les deux jours avec lui on était exposés au Corona et maintenant on est bloqués ici. Sans la famille, sans les enfants ni rien. Dans 7 jours ils vont nous faire un nouveau
test. Si quelqu’un est positif, alors on ne sait pas ce qu’il va se passer après. On était avec le monsieur toute la journée, on a fumé avec le même briquet on a touché aux même téléphones, on a parlé avec les mêmes téléphones. Je ne sais pas. On est traités comme des animaux ici vraiment. On est comme inexistants. Normalement tu fais un test, et ensuite tu mélanges les gens. Parmi, nous il y a une personne qui fait de l’hypertension. Vous imaginez si elle est contaminée ? »

 

Témoignage d’un retenu du CRA de Lyon

Ce témoignage, initialement publié sur https://crametoncralyon.noblogs.org/ fait suite au rassemblement devant le CRA de Lyon organisé le vendredi 2 octobre 2020 dans le cadre de la marche des sans-papiers.

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Nous on est ici comme des chiens. Est-ce que tu comprends ce que ça veut dire, comme des chiens ? La vie des chiens elle est plus belle que notre vie. Pourquoi y a tant de gens racistes en France ? C’est la première fois que j’ai vu des gens racistes comme eux, je te jure, oui en France, ça ne se fait pas de faire ça 

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Mesnil-Amelot : grève de la faim et blocage de la promenade !

Depuis mars et le début des annonces de confinement dans pas mal de pays, la volonté marquée des préfectures de garder ouverts les centres de rétentions montre l’importance de ces prisons dans la gestion des frontières et des personnes par l’état français et les autres états européens.

Ces derniers jours des luttes pour la liberté et l’accès au soin ont eu (et ont encore) lieu aux centres de rétention de Rennes et de Vincennes.

Depuis quelques jours à la prison pour sans papier du Mesnil-Amelot des prisonniers (et au moins trois flics) ont été testés positifs au coronavirus. Les quarante prisonniers du CRA3 ont décidé de bloquer la promenade mercredi soir juste après avoir appris la nouvelle et de lancer une grève de la faim à partir du jour suivant. Ils ont été rejoint immédiatement par l’ensemble des prisonnièr.e.s du CRA2. Comme à chaque fois la direction a décidé de ne même pas discuter avec les prisonnier.e.s qui exigeaient leurs libérations immédiates et la fermeture ces prisons, la prise en charge médicale pour les malades. Les préfectures semblent toujours autant déterminer à enfermer quoiqu’il arrive et à expulser dès que c’est possible.

Un prisonnier du CRA2 raconte la situation tendue à Mesnil.

Salut ca va le moral ? Tu crois que tu peux raconter un peu la situation au Mesnil ?

Ici c’est vraiment la merde tu vois. Le bat 11 à la base c’est celui des arrivants mais là il est fermé. Le CRA 3 on est moins nombreux qu’au CRA2. La dans un batiment y a 3 personnes, au 9 et au 10 y a 10 personnes. Donc on est 23 au moins. Aujourd’hui c’est chaud au CRA3 et au CRA2 et au batiment des femmes. Aujourd’hui ils ont annoncé c’est les tests pour tout le monde. Y en a ils ont refusé parce qu’ils prefèrent le faire quand ils seront libre. C’est normal nan ?

Oui faut faire comme vous le sentez de toute façon.

Ouai et on sait pas ce qu’ils vont faire après. Si on est en danger faut nous libérer. Mais là franchement c’est la galère. Ils veulent libérer personne. On a fait la grève de la faim pendant deux jours. Personne est venu nous parler. La cimade est plus là on parle par téléphone, mais ça c’est quand ils répondent..

On nous a dit qu’il y avait plus le droit de visite le temps d’avoir le résultat des tests. Mais au CRA2 ils ont le droit de faire rentrer des gateaux mais que là bas. Chez nous c’est pas possible parce qu’ils disent que c’est pas le même cra genre le CRA2 ce serait la Belgique et ici la France quoi. Mais quand les flics du cra3 ils doivent intervenir au cra2 ils le font sans problème. Tout ça c’est du foutage de gueule.

L’equipe d’aujourd’hui (le 14.08.2020) c’est les moins racistes mais tu rien obtenir. Déjà les flics c’est quelque chose mais alors la PAF c’est vraiment quelque chose…

Par exemple nous on mange à 18h15 le soir mais les flics des fois ils refusent que tu sortes un pain pour te faire un sandwich. Pour la tondeuse tu dois toujours demander plusieurs fois parce qu’ils mentent à chaque fois genre « elle est cassée » ou « on l’a pas ». Ici les flics disent « c’est chacun sa manière de travailler » donc les règles changent tout le temps.. Enfin ils parlent pas de règles ou de lois hein… Une fois on m’ a filé une clé usb en parloir et les flics ont refusé que je l’avais fait rentrer (alors qu’une autre équipe avait déjà accepté) en demandant si y avait pas des appels à la prière dessus. Tu vois c’est toujours comme ça ici.

Au CRA3 y a plus de solidarité. Hier ils ont bloqué la promenade et ils sont tous en grève de la faim.Nous on a fait la grève de la faim deux jours. Mais tu vois là on va dans la promenade pour faire un foot direct les flics interviennent pour vérifier qu’on va pas bloquer. Au bat des femmes aussi elles ont fait grève. La bas c’est chaud, y a au moins deux femmes enceintes.

Nous on veut notre liberté, y a pas de vols rien. Ils nous donnent même pas le minimum. T’es obligé de manger à la gamelle. Même l’ofii (ceux qui vendent des cigarettes dans le CRA) des fois ils sont pas là et t’es pas prévenu donc on se retrouve sans clope. Les machines pour faire de la monnaie ou récupérer du café marchent pas. Ici c’est comme ça. Y a rien. Même avec le covid on est enfermé, y a pas de geste barrière on nous met en danger en fait.

Quand tu rentres dans les zones ou y a les flics, le greffe ou l’ofii là on te donne un masque. Mais des fois c’est le même masque pour toute la journée, pas pour quatre heure.

Tu vois quand ils faisaient chaud y a quelques jours ? Ils nous laissaient galérer dehors 15-20 minutes au soleil jusqu’à ce que tu sois dégouté et que tu repartes.

C’est pour tout ça qu’on a fait la grève de la faim et que ceux du CRA3 ils luttent. Il faut du soutien de dehors et que les journalistes racontent comment ça se passe ici.

C’est grave quand même de continuer à nous enfermer avec le covid, les frontières fermées et tout..

Merci du soutien de dehors !

Soyons solidaires avec les prisonniers-ères,
Liberté et papiers pour toutes et tous !

Appelons les cabines, organisons-nous à l’extérieur
pour faire sortir leurs paroles et casser l’isolement,
et n’oublions pas qui sont les responsables de toute cette merde : les flics, les juges et les prefectures,
les collabos qui font des frics sur l’enfermement
et ceux qui balancent les sans-pap !