Pour Mohammed et tou.te.s les autres

Vendredi 8 novembre, un prisonnier est décédé au centre de rétention de Vincennes. Il avait 19 ans, il était enfermé depuis 28 jours. Au matin, ses co-détenus l’ont découvert entre la vie et la mort dans son lit. Deux jours plus tard, un hommage lui a été rendu avec et par les prisonniers dans la cour du CRA :

« Quand on a su pour le jeune Mohammed, on a voulu lui faire un hommage, un genre une prière avec tout le monde. Au début on a demandé le pardon tout ça comme le veut la tradition islamique, et après on est allés voir tout le monde de toutes les religions et ceux qui n’ont pas de religion.

On a dit : on va faire un hommage symbolique dans la cour et on a vu que tout les prisonniers étaient d’accord, c’était avec plaisir pour eux. On a dit à midi tout le monde va chercher son ticket pour le restaurant et avant qu’il parte au restaurant pour manger il faut qu’il monte vers la cour comme ça il vient pour faire une prière, un hommage symbolique pour lui.

Comme ça fait un message pour les responsables ici, parce que cette histoire elle pourrait arriver à n’importe lequel d’entre nous. On a fait une petite prière debout, il y a un gars qui a lu un peu du coran et après il y a un demandé à un monsieur âgé il a 65 ans, il est d’origine de Russie, il est là, il est chrétien, il a fait un peu de prière avec la bible.

La police ils ont remarqué, ils sont venus ils ont dit « qu’est ce que vous préparez ? qu’est ce que vous préparez ? » ils voyaient qu’on va faire quelque chose de casse mais c’était juste un symbole pour le jeune tunisien et ça s’est passé tranquille après on a repris la normale.»

A l’extérieur aussi, il était important de faire quelque chose. Vendredi, nous étions plusieurs à vouloir nous rendre ensemble derrière le CRA de Vincennes pour faire un parloir sauvage (se rapprocher le plus possible des grilles et se faire entendre des retenus), crier notre solidarité aux personnes à l’intérieur et notre colère contre les CRA et les frontières qui tuent.

Mais les RG avaient visiblement intercepté l’info puisque 3 camions de flics étaient stationnés devant le CRA, et des flics en civil nous attendaient au RER et nous ont empêché de faire le parloir, confisquant au passage notre banderole.

On a donc décidé de remettre ça au dimanche soir : cette fois-ci on a pu se rapprocher du CRA et crier, les gens de l’intérieur nous ont entendu et ont répondu ; deux minutes après 3 camions de flics ont débarqué et nous ont nassé-es pendant quelques minutes, avant de nous raccompagner jusqu’au RER – nous on a crié nos slogans jusque dans le wagon.

Tout cela montre quand même que les flics et la préfecture sont sur les dents en ce moment : ils savent qu’une mort en CRA ne reste pas sans réaction ; ils ont peur des révoltes de prisonnier-es et ils ont peur des liens qui peuvent être faits entre intérieur et extérieur, et accentuent donc la surveillance et la répression des deux côtés.

Mais les camarades qui ont entendu le parloir depuis l’intérieur du CRA appellent à la solidarité et à la mobilisation  : « Il faut faire beaucoup de manifs ! tous les jours si c’est possible ! C’est pas croyable ce qu’il se passe ici ». Nous on est toujours plus déterminé-es : on reviendra!

Pour Mohammed et tou.te.s les autres, ni oubli ni pardon.

Liberté pour tou.te.s!

A bas les CRA!

La grève de la faim à Mesnil Amelot continue : communiqué du troisième jour de lutte

Depuis lundi 18 novembre, les prisonniers de la prison pour étrangers-ères de Mesnil Amelot sont en grève de la faim.
Hier des nouveaux prisonniers renfermés dans plusieurs batiments du CRA ont rejoint la grève.
Après des témoignages relayés lundi, on publie le communiqué et les révendications des prisonniers au troisième jour de lutte.

Solidarité et beaucoup de force à eux !

A bas les CRA !

Pour rappel : l’assemblée contre les CRA en IdF
se réunit chaque mercredi à 18h au Cicp
(21 ter rue Voltaire, métro rue des boulets L9)

Jungle stories | Musée national de l'histoire de l'immigration

Aujourd’hui c’est le troisième jours de grève de la faim au cra2 du Mesnil Amelot, avec des gens qui viennent du batiment 9, 10, 11 et 12. Les flics viennent toujours chez nous le matin, le midi, le soir et ils nous disent  » Pourquoi vous ne venez pas manger » ou « C’est quoi le motif? » Chaqu’un à son motif.

On est contre la différence de traitement entre les deux CRA [au CRA3 ils ont le droit a garder la nourriture après le parloir et l’OFII leurs achète des gateaux]. La bouffe des gamelles est inmangeable, t’ouvres la boite t’as envie de vomir, tu peux manger que des bouts de pains avec de la mayo. La bouffe de l’extérieur des fois ça rentre, des fois pas. Pourquoi? C’est pas normal.

Ils nous traitent comme des animaux, il y a des humiliations tout le temps. Y en a qui sont en grève parce que la viande est pas halal. Quand on est musulman on mange rien a part es yaourt et des haricots. On mange à 18h le soir, donc a 20h on a faim. Aux repas si t’arrives 5 minutes en retards t’as pas de repas. Le matin c’est de 7h a 7h30, t’arrives à 7H30 c’est mort.

Ils te fouillent après chaque repas. Ici tu peux même pas faire passer de bouffes aux parloirs. Depuis le début de la grève ils laissent paser les baguettes et les fromages après les repas. Ils proposent qu’on ramène tous en cellule depuis.

Quand on a mal aux dents, on donne que du dolipranne.
Y en a ils ont déjà été enfermé au CRA plusieurs fois ces dernières
années.
Tu voles tu vas au CRA, tu voles pas tu vas au CRA.
On veut pas être expulsé au bled, certains risquent la prison. Toutes nos affaires, nos familles et nos thunes sont en France.

Hier on était 50 en grève de la faim.

Au CRA2 y a déjà eu des incendites batiments 9, 10 et 11 y a quelques semaines. Y a eu 4 personnes arrêtees et aucun changement pour nous.

Le 8 novembre Mohammed est mort au cra de Vincennes. La vie ici c’est pas possible. Soutien à ces proches et à ses co-detenus.

On veut sortir, on veut la liberté. On va pas faire marche arrière, on va aller jusqu’au bout, jusqu’a ce qu’on tombe par terre.

On a trois revendications :

  • De la nourriture végétarienne
  • Que les proches puissent donner de la nourriture pendant les visites
  • Libertés pour tous le monde

20 novembre 2019

Témoignage de résistance (réussie!) à la déportation

On publie le récit d’un prisonnier d’un CRA francilien qui raconte la manière dont il a résisté, avec succès, à sa tentative de déportation vers le Soudan.

En plus des violences policières qu’il dénonce, son témoignage fournit quelques conseils pour les personnes menacées d’expulsion dans les différentes prisons pour étrangères (par exemple, le fait d’essayer de garder la calme jusqu’à quand on est dans l’avion, et seulement à ce moment-là crier et se faire entendre par les autres passagers-ères, de manière qu’iels s’opposent à la déportation, en se levant debout et en demandant au pilote de ne pas décoller).

Et enfin, une bonne nouvelle : le camarade, après presque 90 jours de rétention et le refus du vol, a été libéré !

A Week of Action Against the Deportation Machine - UK ...

« Monsieur le procureur,

Je voudrais porter à votre connaissance les faits suivants.

Le 30 Octobre la policiers sont venus me chercher dans ma chambre du centre de rétention à 9h. J’étais allé aux toilette, j’ai été interpellé devant les toilettes et ils m’ont demandé d’aller rassembler mes affaires.

J’ai été fouillé, on m’a posé des questions sur l’asile et ma nationalité, et on m’a annoncé qu’on allait m’emmener au Soudan.

Je suis arrivé à l’aéroport et je n’ai pas subi de violences jusqu’à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle. J’ai été reçu par 5 policiers en civil et un avec un policier en uniforme. Ils m’ont proposé de prendre des cachets sans m’expliquer ce dont il s’agissait et m’on proposé une bouteille d’eau pour les boire. J’ai refusé de les avaler.

Ils m’ont escorté vers l’avion.

Trois agents m’ont installé dans l’avion et m’ont menotté et recouvert d’un drap rouge pour me cacher des autres passagers. Il n’y avait encore personne dans l’avion. A ce moment, j’avais un policier à ma gauche, un à ma droite et un devant. Deux autres discutaient avec le capitaine.

Les passagers sont arrivés et je hurlais et je pleurais, les policiers ont alors commencé à me frapper. J’ai reçu des coups de poings et ils m’ont étranglé. J’ai surtout été frappé à la tête.

Ensuite je n’ai pas tout compris et entendu mais j’ai vu le pilote parler avec les officiers, et il a refusé de me laisser prendre l’avion notamment à cause de la violence que j’ai subi devant tout le monde.

Les policiers m’ont fait sortir de l’avion. J’ai continué d’être frappé et j’ai été insulté « suce ma bite » « ferme ta gueule » « fils de pute » dans la voiture qui m’emmenait au poste de police dans l’aéroport. J’ai été frappé à la tête et étranglé pour m’empêcher de crier.

J’ai été emmené dans un poste de police dans l’aéroport pendant deux heures et j’ai été frappé par deux des trois policiers.

Tout au long de ces moments, j’ai protégé mon visage avec mes bras en criant que je respecte la police.

Après j’ai été emmené au centre de rétention.

Je n’ai pas pu voir de médecin à mon retour au centre. Je souhaiterais être emmené au commissariat pour porter plainte. Je souhaite voir un médecin. J’ai conscience que tout propos mensongers est puni par la loi. »