Luttes au CRA de Vincennes ces derniers jours contre volonté de non-libération de l’administation

La prison pour sans papiers de Vincennes est coincée entre une école de police et une école de la cynophile (les chiens dréssés par les keufs), situé au bout du bois de Vincennes. Les étrangers y étaient enfermés dans deux batiments : le CRA1 et le CRA2B (le CRA2A a brûlé début février et est réutilisé depuis quelques jours seulement)
 
Depuis 10 jours, au moment l’annonce de la suspension des parloirs, la police a diffusé des rumeurs de fermeture du CRA, de libération massives qui finalement ne se sont pas réalisées.
Le 16 mars la majorité des prisonniers du CRA1 de Vincennes ont débuté une grève de la faim pour exiger leurs libération immédiate et l’amélioration des conditions d’enfermement.
Depuis le 16, il y a eu une cinquantaine de libérations pendant les premiers jours (sur plus d’une centaine de prisonniers) puis … plus rien (hormis 2 libérations le 25). A l’inverse, de nouvelles personnes continuent d’y être enfermées à leur sortie de prison.
 
Samedi soir, le 21 mars, quasiment tout le CRA1 a décidé de se remettre en grève de la faim avec toujours les mêmes exigences : libérations, amélioration de la bouffe (la nourriture était périmée, les fournisseurs ne ramènent plus de nourriture dans le centre depuis plusieurs jours) et des soins.
Le lendemain ils étaient suivi par une trentaine de prisonniers du CRA2B, en grève de la faim aussi. La PAF (police aux frontières) a déjà commencé à leur mettre la pression.
 
Les prisonniers racontent que les mesures prises pour faire face au virus sont inexistantes. Les conditions de vie sont encore pire qu’auparavant . La cantine est fermée et les prisonniers mangent dans la salle commune malgré l’épidémie. Pour ce qui est des soins les médecins sont presque toujours absents, les infirmiers-ères ne font que donner du Doliprane ou des calmants. L’interdiction des parloirs (depuis le 17 mars) rend les retenus encore plus isolés, sans la possibilité d’avoir des nouvelles sur leurs proches et leurs familles. L’OFII est beaucoup moins accessible, rendant même l’achat des cigarettes extrêmement compliqué.
Les prisonniers sont énervés, ils se demandent pourquoi pleins de retenus ont été libérés jusqu’à samedi dernier et que depuis il n’y a plus de libération, alors même que toute déportation est impossible pour l’instant en raison de la fermeture des frontières.
 

Actuellement tous les retenus du bâtiment 1 (environ 30 personnes) ont été régroupés dans un autre batiment, le 2A, tout juste réouvert après quelques rapides travaux.

Ces derniers jours toujours très peu de libérations (4), certains retenus sont prolongés par les JLD et certains arrivent encore au CRA depuis des taules dans lesquels ils viennent de terminer leur peine.

Voici quelques témoignages de prisonniers de Vincennes :

ici un témoignage du 22 mars

 

Témoignage le 25 mars, Batîment 2 CRA Vincennes

« J’ai 59 ans, ca fait depuis 1979 que je suis arrivé en France. Je suis le plus vieux au CRA de Vincennes. J’ai été arrêté le 7 mars dans la rue et envoyé directement au CRA. C’était un jour après la mort de mon fils. J’avais fait une plaque funéraire pour mon fils, les flics me l’ont prise. Ils ont aussi pris mon appareil dentaire. Depuis je ne sais pas où est enterré mon fils. Aucune personne de ma famille ne sait que je suis au CRA, je ne veux pas leur dire.
J’ai vu la JLD la semaine dernière qui a jugé que je devais rester au CRA jusqu’au 6 avril, date où elle déciderait si je suis libéré ou si je reste.
Je suis atteint de diabète depuis 2001 et de 3 maladies chroniques mais le médecin ne veut pas me voir, il me dit « Eloignez-vous » parce que je crache du sang quand je touche . Ils ne me donnent aucun médicament. Ils nous ont donné un masque mais ca fait 4 jours que je l’ai et ils ne nous ont pas donné de nouveaux.
J’ai fait la grève de la faim pendant 3 jours mais j’ai arrêté parce que je n’en pouvais plus. Je n’ai pas d’argent pour les cigarettes. On est encore une 50 aines au batîment 2 , il n’y a plus de libération depuis 4 jours. On mange très mal, tout le temps des pates et c’est périmé. J’ai essayé de me suicider avec mes draps et depuis les flics m’ont retiré les draps, je dors sans. Les flics sont très durs avec nous, ils nous parlent mal et ne s’approchent plus de nous comme si nous étions des microbes.
Le consulat tunisien ne veut pas me recevoir parce que je crache du sang, je n’ai pas de papier tunisien, je suis arrivé ici à 7 ans. Je ne sais pas ce que je fais là. »

« Après quelques jours, tout le monde est parti et j’étais toute seule ». Témoignage d’une prisonnière de Oissel

La crise sanitaire, trop peu anticipée, dans les lieux de rétention, a isolé plus encore les prisonnier·es des prisons pour étranger·es. Les règles sanitaires ne sont pas appliquées et l’accès au soin est rendu plus difficile encore. Ici, à nouveau, les femmes trinquent particulièrement : saleté, rareté de la bouffe, peur de la police, manque d’informations et impossible accès au droit. G. raconte :

« Je vous parle ce soir des Pays-Bas où j’ai été renvoyée avant-hier.
Quand je suis sortie de détention de la prison de Rennes, la PAF
m’attendait pour me renvoyer aux Pays-Bas parce que j’ai la nationalité ici. Mais sur la route de l’aéroport, il y a eu un problème de radiateur dans la voiture. Et du coup, j’ai perdu mon vol.
On était presque arrivé à l’aéroport. Donc ils m’ont emmené au centre de rétention de Oissel. C’était lundi ou mardi. Je devais aller au tribunal mais avec le virus du Corona c’était plus possible. Mon avocate m’a dit que si j’avais une adresse, je pourrai rester en France, il y avait des gens qui pouvaient m’accueillir à Paris et que je pouvais rester là. Je
connaissais personne ici donc j’avais que ça.
A la prison de Rennes, le coronavirus on en parlait pas. Ils disaient que le virus n’était pas arrivé, donc il n’y avait pas de protection, de mesures d’hygiène, ils disaient que c’était pas grève. On entendait au journal mais rien de plus.
Quand je suis arrivée au CRA de Oissel le 14 mars, il n’y avait rien. Et j’ai entendu à la télévision qu’il y avait la crise à partir du 16 mars et qu’on avait plus le droit d’être dans la rue et tout. Mais au CRA il n’y avait pas de protection.
Là bas les hommes sont plus protégés que les femmes. Il n’y a rien ni masques ni rien. Eux ils n’ont pas le droit de manger à plus de quatre à table. Nous même quand on sort ils nous protègent même pas. Et la police, ils nous touchent sans gants, sans rien, sans masques, ni des choses comme ça.
Quand je suis arrivée, il y avait quelques femmes. Dont une qui venait aussi de la prison. Quand arrive le jour de la libération, ils venaient nous chercher en prison. Une autre femme libérée, elle avait été emmenée à Oissel aussi. On était libérées de Rennes et la PAF nous amenait là.
La PAF c’était que des hommes. Ou quasi.
C’était très sale. Dans les chambres, ils ne passent que le balai et
c’est hyper sale parce qu’ils ne le font pas bien. Et moi, avec une
Espagnole qui était aussi enfermée, je leur ai demandé un balai et ils n’ont pas voulu nous le donner. Le lendemain, personne n’est venu faire le ménage et mon ami a insisté pour qu’ils nous donnent du matériel pour nettoyer. Nous avons nettoyé le petit coin fumeur qui était très très sale. Nous avons déplacé la machine à café et il y avait du café qui était déjà sec. Ils ne nettoient même pas les tables ou les chaises pour que nous puissions nous asseoir. Nous n’avons pas le droit d’avoir du
matériel de nettoyage
On était 7 femmes. Après quelques jours, tout le monde est parti et j’étais toute seule. Je ne sais pas pourquoi je n’étais pas libérée, mais sans doute parce que je viens des Pays-Bas.
Après quelques jours, j’étais toute seule au centre de rétention.
C’était vraiment bizarre. Ça n’allait pas mais je ne savais pas quoifaire. Et les associations n’étaient plus là. Il y a une femme qui m’aappelé une et deux fois. Et on a essayé de les appeler. Parfois la PAFvenait me voir, savoir comment j’allais, jouer avec moi. Ils faisaientdes commentaires.
Les derniers jours, ils m’ont donné des boîtes de conserves pour le repas.J’avais peur le soir. Il n’y avait que des hommes. Ils jouent beaucoup,
ils faisaient des commentaires pas propres. J’avais peur des policiers. La nuit, j’avais très peur, je me disais que j’étais toute seule et que les hommes pouvaient me faire ce qu’ils voulaient, me violer ou quoi.
Au moins en prison, il y avait des activités, du travail, des gens qui étaient là depuis longtemps et qui ont l’habitude. Là au centre de rétention, il n’y a rien, tu dois juste attendre. Attendre et rien faire.
Je connaissais pas mes droits. J’ai eu une avocate, ils m’ont donné un nom. J’ai vu une juge sur visioconférence à cause du coronavirus.
Un jour j’étais endormie et ils m’ont réveillé pour me dire « tu pars maintenant, tu as un vol ». J’y croyais pas, j’ai pas vu de juge, et là je dois partir là comme dans cinq minutes. Ils ne m’ont pas prévenue à l’avance. Je leur demande pourquoi ils ne m’ont pas dit avant. Ils m’ont dit qu’il n’y avait pas le droit. »

 

Les prisonniers de la section homme de Oissel ont sortit un communiqué sur la situation au CRA le 26 mars.

Un résumé de la situation dans les centres de rétentions qui date du 22 mars est disponible pour celles et ceux qui voudraient plus d’informations.

En ce moment encore plus que d’habitude, vous pouvez appeler les cabines des CRA pour témoigner de votre solidarité. Si vous ne l’avez jamais fait et que vous vous demandez quoi dire, voilà quelques idées.

Nouveaux témoignages de prisonniers de Plaisir et Vincennes

Les voix à l’intérieur des CRA continuent de crier, faisons les sortir !
Vous pouvez communiquer à l’intérieur des CRA, et envoyer vos messages sur ce site. Ne laissons pas les personnes détenues seules !

Nous relayons ici deux témoignages reçu sur notre mail:

22 mars 2020, Paris Vincennes CRA 1 :

On parle avec vous tout les jours, il se passe rien, personne parle de nous. On vient comme des animaux. Tout le monde s’en fou

Y’a des gens qui sont malades, ils vivent avec nous.

Y’a des pigeons mort ici, ils nous ramènent le virus.

Ça fait 3 jours y’en a qui mangent plus, la bouffe elle est périmé. Ils mettent un autre ticket sur les vieux ticket, on enlève le ticket la bouffe est périmé depuis 3 jours. Bizarement pendant 3,4 jours on nous serre la même bouffe. Ils veulent nous tuer.

Tout les jours ils libèrent 10,15 personnes. Nous on est encore 28.

J’ai 58 ans je suis diabétique, je suis malade et ils laissent pas passer l’ambulance.

Ici ont a rien, on ramasse les mégots, ont se transmet les microbes.

On passe la nuit à pleurer ici, y a plus d’avion on fait quoi ici ?

Tout le monde souffre on pleure en larme.

Je connaît même pas mon pays on a la rage.

Il nous manque beaucoup de soutien, voila comment on vit.

22 mars 2020, CRA de Plaisir

On est vraiment dans la merde, on est 3

Ils nous laissent enfermés comme des chiens.

Les policiers ils nous disent faut patienter faut patienter

On est dans la merde, on va se suicider, ils s’en battent les couilles.

Nous ils nous ont pas libéré, on sait même pas pourquoi.

On pète les plombs

On a pas de medecin rien du tout

Je vous jure on va se suicider