« Tous les jours ils décident de changer les règles. Et nous on doit s’adapter. » Témoignage de CRA de Lille

La situation exceptionnelle de l’état d’urgence sanitaire ne fait qu’exacerber les violences systémiques et quotidiennes qui constituent le système d’enfermement pour étranger.e.s,  notamment pour ce qui concerne la santé et le soin. Pire encore lorsqu’il s’agit de la santé psychologique.
A Lille aujourd’hui plus de 50 personnes sont toujours enfermées.  Des grèves de la faim et des formes de lutte individuelles et collectives continuent à avoir lieu.

Hier je suis passé au juge mais ils m’ont refusé. J’ai été à l’hopital, je me suis coupé parce que j’étais trop enervé. Ils m’ont ramené à l’hopital psychatrique. J’ai vu la psy. Le psy m’a donné 15 trucs de médicaments mais moi j’ai pas besoin de médicaments. Et après ils m’ont ramené au CRA.

Ca fait 6 jours qu’on mange mais eux ils s’en foutent. On est trois batiment de musulmans qui font le ramadan et maintenant ils lavent plus qu’une fois par semaine le vendredi.

On est presque 16 maintenant, avec les gens arrivées de Paris et les nouvelles entrées. Et dans tous le centre presque 50. Tous les jours ils ramènent des gens.

Dans le batiment on a fait la grève à 11 pendant 6 jours. Mais ils répondent pas.

Comme y a pas de parloirs on peut pas faire rentrer à manger, et la famille quand elle vient ils ont le droit de rien ramener.

Moi perso ils peuvent pas m’expulser, ils restent encore 30 jours. Je vais repasser devant le juge. Maintenant c’est comme la prison depuis que c’est 90 jours. Ici ils donnent plein de médicaments à tout le monde c’est vraiment la galère.

Ils nous ont dit : «Vous inquietez pas le mardi et le jeudi on pourra ramener à manger ». Mais ils laissent rentrer que des petits gateaux alors on a décidé de refuser de manger et tout. Parce que nos familles elles viennent de Lille, Paris ou Marseille.

Tous les jours ils décident de changer les règles. Et nous on doit s’adapter.

Eux ce qu’ils veulent c’est qu’on tape un flic ou qu’on brule une cellule qu’ils puissent nous envoyer en prison. C’est ça qu’ils veulent.

Pour le moment c’est tout le batiment F qui est en grève de la faim. Mais on a appelé les autres batiments à faire comme nous et à arrêter de manger.

Cette semaine ils ont expulsés des personnes vers la Roumanie. Mais nous on peut pas nous expulser parce que la frontière elle est fermée. Je comprends plus rien. Si je deviens fou c’est à cause d’eux. Après tu me ramènes à l’hôpital et tu dis que je suis fou ! Mais en fait c’est normal que je devienne fou, un juge me dit « Ramène tel papier, tu seras libre » Je le ramène et on me dit  « Ah il faut ramener un autre papier ». Depuis que je suis ici j’ai depensé tout mon argent en tabac, parce que quand t’achète du tabac il faut partager.