Témoignages depuis deux centres de rétention en IDF

Comme d’habitude et encore plus en période de pandémie de Covid19, l’accès au soin en CRA est inexistant, et nous publions ici deux témoignages de prisonniers qui le montrent bien : initialement enfermés tous les deux au CRA du Mesnil Amelot, l’un a été transféré à Plaisir, le « CRA Covid » où sont envoyés tous les testés positifs ; l’autre raconte la mobilisation collective mise en place pour tenter de faire venir les pompiers pour une personne gravement malade. Le test Covid sert visiblement uniquement d’outil de répression : quand des prisonniers refusent de le faire pour échapper à la déportation vers des pays exigeant un test négatif, ils sont envoyés en GAV et prennent parfois du ferme ; par contre quand ils demandent des tests pour des raisons de santé, suite à l’exposition à des cas positifs, on ne leur en donne pas.

Témoignage de V, prisonnier au Mesnil Amelot, en date du 24 novembre :
« Deux personnes ont le corona dans le bâtiment 7 et bâtiment 8, du coup on est tous cas contact ici, on a tous fumé ensemble. Maintenant ces personnes ne sont plus là. Je crois qu’ils les ont changées de centre. Une des 2 personnes était en isolement mais on ne l’a pas revu, peut être qu’ils sont à l’hôpital.
Hier on a appelé l’ambulance pour une autre personne qui toussait beaucoup, il avait des symptômes de covid ; les pompiers ont demandé à ce qu’on leur passe les policiers. Les policiers ont refusé de leur parler, ils ont même pas voulu leur parler. Ils sont venus voir la personne malade, ils l’ont regardé, ils lui dit « est ce que t’as fumé de la drogue ? c’est pour ça que t’es pas bien » ; lui il fume même pas, ils trouvent toujours des excuses pour rien. Du coup les pompiers sont pas venus.
Les conditions ici c’est n’importe quoi, ils refusent de donner des médicaments, la plupart des gens ici sont malades et n’ont pas de médicament. Il y a une personne son pied est tout gonflé, et ils s’en foutent. La plupart des gens sont cas contact et ils nous ont même pas donné de test. On aimerait bien se faire tester mais eux ils veulent pas, on a demandé ils nous ont juste dit « patientez ».
Ils donnent de la bouffe périmée et ils changent l’étiquette pour pas qu’on voie que c’est périmé. »
Témoignage de I, prisonnier au Mesnil Amelot puis à Plaisir, en date du 30 novembre :
Quand tu es souffrant, la santé c’est plus important que tout.
Je suis arrivé le 30 septembre à Mesnil-Amelot. Quand je suis arrivé je leur ai dis j’ai les verres (lunettes) et un traitement, j’avais l’ordonnance qu’on m’avait prescrit avant qu’on me mette là. Je leur ai dit c’est un médicament pour mes yeux. Est-ce que vous pouvez laisser ma femme m’apporter ce médicament, ils m’ont dit non, c’est à nous de donner les médicaments sur place. Je n’ai jamais vu les médicaments. Et pourtant j’ai une ordonnance que je leur ai présenté. On me l’a jamais commandé, jusqu’à j’arrive ici à Plaisir, où le médecin a expliqué à la police qui a permis qu’on me donne ce médicament et les verres. J’ai tellement eu mal aux yeux. Je ne pouvais pas voir la lumière, quand je baissais la tête j’avais extrêmement mal. Je suis resté pendant 1 mois et 7 jours sans traitement, sans mes lunettes et pourtant j’avais mal. J’ai souffert vraiment.
J’ai fait trois malaises à Mesnil-Amelot. La première fois j’avais très mal à la côte, parce qu’avant d’arriver j’avais passé la nuit sur le banc du commissariat, et je respirais à peine, j’ai commencé à baver, donc l’ambulance est venue me chercher. Je suis resté à l’hôpital au moins 6 heures, menotté, et on m’a ramené.
La deuxième fois, les infirmiers ont dit qu’il fallait qu’on me ramène à l’hôpital. J’avais l’abcès donc je n’avalais pas, et c’était tellement enflé on a proposé qu’on m’amène. Je suis resté 4heures, menotté. 
Le troisième malaise, j’avais une angine interne. Il fallait qu’on me fasse l’échographie. Encore menotté, je suis parti à l’hôpital de Meaux, le médecin m’a dit on ne peut pas faire l’échographie si je n’ai pas fait le test du covid. Nous sommes rentrés, j’ai fait le test du covid vendredi 20 novembre, et là on a vu que j’étais positif, on m’a emmené à Plaisir, sans passer par l’hôpital ou un médecin. Je n’ai pas d’odeur, pas de gout, j’ai de la fièvre des courbatures; on me donne du paracétamol. 
J’ai une infection au cou, je n’ai toujours pas d’oreiller pour me soulager. Je sais pas combien je vais attendre pour faire l’échographie, si au moins j’avais l’oreiller pour me soutenir le cou, mais il n’y a pas d’oreiller. Pour tourner le cou, il faut que je tourne tout mon corps, j’ai mal de la gorge jusqu’à l’oreille. J’ai demandé un oreiller, ils m’ont dit que bon ils vont voir mais jusqu’à présent je n’ai pas. Donner un oreiller à quelqu’un qui est malade ça ne coûte rien! Quand on est dans un coin comme ça, il y a toujours des tortures morales. »