« C’est simple on demande la liberté » / témoignages de prisonniers en grève de la faim au CRA de Vincennes – batiment 1

La grève de la faim, débutée par les retenus samedi soir (21 mars), continue au batiment 1 du CRA de Vincennes. Encore beaucoup de prisonniers n’ont pas mangé hier soir les repas avec comme revendication principale, la liberté.

Beaucoup de prisonniers ont des problèmes de santé et l’équipe médicale ne fait rien à part donner des cachets. Un prisonnier a des graves problèmes respiratoires, il a appelé les pompiers à plusieurs reprises mais les flics ne les laissent pas entrer dans le CRA.

Voici ici deux témoignages de retenus, du batiment 1, en grève de la faim.

« Du coté de l’hygiène il y a plus rien, plus de nettoyage, rien. Les pigeons sont morts dans la cour c’est flippant. Les draps sont dégueulasses et pas changés, les toilettes collectives beaucoup sont fermées, il reste que 3 ou 4 toilettes et on est encore, quoi ? une vingtaine de personnes.. Parfois pendant plusieurs jours il y a plus l’Offi donc on peut rien acheter. Aussi la machine à clope elle accepte que les pièces. Certains ils ont des billets de dix mais ils peuvent pas acheter de cigarettes. Et puis depuis pas mal de jours déjà plus de visite ça c’est pas normal non? c’est la déprime un peu quand même..

La bouffe c’est de la merde c’est le même repas chaque jours à chaque repas… On a aussi un petit morceau de pain de genre 5cm c’est pas assez… Et il y en a qui mangent pas de porc mais la police ils veulent rien changer. Jusqu’à il y a encore 5 à 6 jours il y en a qui ont été emmené à l’aéroport. De retour au CRA ils ont été libéré. C’est arrivé à une dizaine de personnes à peu près. Mais depuis plusieurs jours il y a plus de libération on sait pas pourquoi. Par contre ils nous ont donné des dates de jugements : 28 mars, 30 mars, jusqu’au 7 avril pour certain, c’est pas possible !

A part deux ou trois, on est toujours en grève de la faim c’est simple on demande la liberté. »


« Ca fait trois jours que j’ai rien mangé, le policier m’a dit : ça n’a rien à voir avec la libération, tu vas à l’hôpital et tu reviens ici. J’ai dit tant pis… ça fais quatre jours que je mange pas, que de l’eau, de l’eau de l’eau. J’ai perdu 8 ou 10 kilo depuis le début, je suis très très maigre…

La police aussi a peur du virus, ils font rien pour nous. Ils sont pas des chefs, sont des stagiaires. Même la police ne se sent pas en sécurité, ils ont rien, ni masque ni rien. Même les infirmiers ont pas de masque, juste un médecin qui m’a donné un masque, avant hier.

À infirmerie, ils nous donnent que du Diazepam et du Valium. Que de ça. Moi je prends que du diazepam et de l’eau, je suis devenu très très maigre, je suis déshydraté…

Le ménage, de temps en temps. Le mec il a pas de masque, tout le monde qui travaille depuis l’extérieur n’a pas de masques ni de gants.
On a peur, c’est un virus mortel on le sait. Et on voit les pigeons qui meurent dans la cour. Même eux ils sont malades.

Pendant deux jours, tout le monde a rien mangé. Mais pas tout le monde a continué, ils ont peur de mourir. Il n’y a que trois ou quatre personnes qui ne mangent pas depuis quatre jours.

La bouffe, c’est de la bouffe périmée…

Il n’y a pas de vol, tout le monde ne peut pas rentrer… donc moi, je ne suis pas pourquoi je suis là. La date de l’avion est passée…

Il y a pas de visite, et s’il y a pas de visite, il n’y a pas d’argent et je peux pas payer le crédit pour parler avec ma famille. Je sais rien de ce qui se passe avec ma famille, avec ma femme et mon enfant, s’ils sont malades ou pas malades…

Avec les policiers, comment ça se passe ? Ils sont toujours agressifs avec vous ?

Pas tout le monde est agressif, mais si un est agressif, les autres suivent. Ils suivent les ordres…

Aucune personne parle de nous.
Ça fait une semaine, dix jours que les gens mangent le même… juste ils changent l’étiquette.

Une meuf, une policière m’a dit : si tu parles avec moi, tu dois respecter un mètre de distance, c’est la norme. Mais nous, entre nous les prisonniers, y a pas un mètre ! On fait comment ?

L’autre soir [pendant la grève de la faim], ils nous ont réveillé à trois heures du mat, pour nous casser les couilles, aucune raison a été donnée, juste comme ça.

Avant j’étais dans une chambre pour deux personnes, avec les toilettes et les douches. Maintenant ils m’ont changé d’étage, dans une chambre avec quatre personnes ! Les douches sont fermées, les chiottes bouchées… Les portes sont cassées, il fait froid et les pigeons peuvent rentrer jusque dans la chambre. »

À bas les CRA !
À bas l’enfermement !
Liberté pour tou.t.es !

Au CRA de Vincennes, les prisonniers sont encore plus isolés et encore moins en sécurité

Meme si plusieurs dizaines de prisonniers ont été libérés depuis lundi pour éviter l’explosion de l’épidemie dans le centre, au moins 60 personnes sont encore enfermées dans le CRA de Vincennes. Les conditions d’hygiène et de soin restent dégueulasses et dangereuses pour les prisonniers, et en plus ils sont complètement isolés de leurs proches et de leurs familles.

Les problèmes de santé et de soin à Vincennes ne naissent pas avec le coronavirus, mais avec le CRA meme. Le refus de soin, des prisonniers malades ou blessés qui sont laissés dans leur cellule ou mis en isolement, la pratique courante de cachetonner les prisonniers pour les shooter et tenter de pacifier la situation… les violences policières et médicales sont quotidiennes dans les CRA, et les infirmiers-ères et les médecins collaborent activement avec les keufs pour le maintien de l’ordre dans la prison pour sans-papiers, pour que les prisonniers ne se révoltent pas.

Peu importe si un.e prisonnier-ère est malade, blessé, s’il/elle a de la souffrance psy, s’il/elle a été tabassé par les keufs : il/elle reste enfermé et risque toujours la déportation. Bien avant le coronavirus, etre enfermé dans le CRA signifie risquer de crever. Le risque devient souvent réalité, comme pour Mohamed, mort à Vincennes en novembre 2019.

Aujourd’hui, après la lutte menée par les prisonniers entre dimanche et lundi, la situation reste horrible. Des prisonniers de Vincennes nous ont fait parvenir une liste de problèmes que la préfecture et les keufs refusent de résoudre, qui augmentent le risque pour les détenus et rendent leur enfermement encore plus insupportable.

1 /On n’a pas de masque/

2 /Il faut du savon et des désinfectants./

3 /Les contacts entre personnes ne sont pas respectés : il n’y a pas un mètre entre les personnes./

4 /On a aucune consigne des responsables du centre./

5 /Il y a encore eu des arrivées de nouveaux hier. /

6 /Il y a des personnes qui sont malades dans le centre : il n’y a pas l’infirmier, il vient seulement à 9h et à 15h. Normalement il doit être là 24h/24H et il n’y a plus de médecin, c’est seulement s’il y a quelque
chose de très grave./

7 /Les personnels d’entreprise privée ne rentrent plus sur le site : plus d’alimentation, plus de boissons, les distributeurs ne fonctionnent plus.

8 /Les visites sont arrêtées. Il n’y a plus de possibilité de recevoir de colis de famille, ni de vêtements. /

9 /Les personnes ne sont plus présentées au tribunal, qui est fermé.

10 /Il y a de la viande périmée, des repas périmés car le camion qui ramène la nourriture ne vient pas, on mange juste ce qui restait au congélateur et c’est périmé. /

11 /les gens n’ont plus de visite donc plus d’argent donc plus de possibilité d’acheter des cartes pour les appeler : on ne sait pas si nos familles sont mortes ou vivantes, si elles vont bien. /

12 /Il y a des personnes qui ont des problèmes psy ici. Certains ici sont infectés : une personne ici par exemple a une hépatite B chronique avec un traitement, un autre à un problème de cœur. Rien n’est fait. /


Certains CRA sont en train de se vider : c’est bien. Mais ils ne se vident pas complètement, et pour les prisonniers qui sont à l’intérieur, c’est encore plus la merde : il est important de rester solidaires depuis l’extérieur, de continuer à relayer leurs paroles et leurs communiqués, de soutenir les luttes qui ne cessent pas dans les prisons pour sans-papiers.

Jusqu’à quand du dernier CRA il ne restera qu’un tas de ruines.

Grève de la faim et foutage de gueule : paroles de l’intérieur du CRA de Vincennes

Pendant que les prisonniers-ères d’autres CRA se mobilisaient pour dénoncer les conditions de merde dans lesquelles ils et elles sont enfermé.e.s, contre les mesures liées au coronavirus, et pour obtenir la libération immédiate de tout le monde, au CRA de Vincennes aussi une grève de la faim très suivie a été lancée dans le batiment 1 hier lundi 16 mars.

Les tensions avec les flics ne sont pas manquées. Pour calmer les gens, les keufs ont commencé à raconter que tout le monde allait etre libéré hier soir. Après qu’une quinzaine de personnes ont été effectivement libérées, les autres se retrouvent toujours bloqués là-bas. Très peu de gens sortent actuellement, surtout ceux et celles qui passent devant un tribunal (mais pas tout le temps) ou qui ont un.e avocat.e. T’es pas seulement sans-pap, mais aussi trop pauvre pour payer un.e avocat.e ? Virus ou pas virus, tu dois rester dans cette prison.

La colère monte partout dans les CRA, qui dévoilent leur visage : ce sont tout simplement des taules pour sans-papiers. Meme si l’Etat ne peut pas les expulser (à cause du virus, ou bien pour les résistances individuelles et collectives), les personnes qui n’ont pas les bons papiers doivent rester enfermés, et tant pis s’ils crèvent de ça.

Les CRA tuent !

Libération immédiate de tou.te.s les prisonniers-ères !

« Aujourd’hui (16 mars) ils ont libéré plusieurs dizaines de personnes, les autres ils nous traitent comme des animaux, on a mangé de la purée avec du fromage. Il y a certains parmi nous, ils ont fait six ans, dix ans ici, ils ont des enfants, ils ont des femmes. On peut pas rester ici, on respecte les lois. Là on veut pas ramener ça chez nous. On a envie d’essayer de comprendre ce qui se passe. Là je vais te passer mon collègue il va te raconter.»

« Aujourd’hui on a fait grève de la faim. On a envoyé un rapport qui dit avant de 20h vous devez nous répondre. On a fait toute la journée sans manger. Tout le bâtiment. La police ils respectent pas les mesures. Il y a une association dans le cra, eux ils sont pas venus dans le centre depuis ce matin. Ils ont fermé. L’infirmerie aussi on les a pas vu toute la journée. Il y des cas ici, il y a une crise, nous on peut pas rester ici. Il y a certaines ici qui tombent malades, ils vont rien faire. Ils ont pas de masques, rien. Nous on peut pas rester ici, on peut pas. Attends, je vais te passer quelqu’un.

« Oui bonjour, ça va ? Monsieur, on est en train de peter un plomb. Les gens craquent, on veut se manifester pacifiquement, on veut pas de problèmes, on sait qu’on est dans une école de police, il y a la police à côté, on veut pas se manifester avec eux, on veut pas s’embrouiller, on peut rien faire contre eux. Ils veulent pas nous ramener des gens qui tiennent pour parler avec eux, on comprend rien du tout, ce qu’on nous dit c’est injuste, parce qu’ils prennent les décisions, c’est injuste, et puis les aéroports ils sont fermés, ils peuvent pas nous libérer, on peut pas rentrer dans notre pays, notre pays est fermé. Pourquoi on est là ? On est là pour être expulsés. Si on va pas être expulsés pourquoi ils nous lâchent pas ? On comprend pas là. Cet après midi et le matin on a pas mangé à la cantine, rien, et là on a attendu la réponse de 20h, on voulait attendre le discours de Macron, et là qu’est-ce qu’il a dit, il a dit que c’est bon, il y a personne qui va sortir de l’Europe. Je sais pas, maintenant pourquoi ils libèrent pas ? On sait qu’il y a des centres où ils ont libérés. Merci de votre soutien. Moi ça fait 15 ans que je suis en France, on a nos attaches ici, on a des enfants, on a de la famille. »