récit des révoltes aux CRA Rennes et Rouen au printemps 2019

Au centre de Oissel y a plus d’un mois une grève de la faim réprimé se transforme en révolte : résultat 8 cellule sur 12 rendue inutilisable. Cette révolte est passée sous silence partout.. sauf dans le CRA de Rennes où une dizaine de prisonniers de Oissel ont été transféré suite à la révolte.

Suite à un vol caché violent des prisonniers du cra de Rennes se révolte et y foutent le feu.. La répression ne se fait pas attendre, déjà 4 d’entre eux ont pris du ferme.

Là au centre (de Oissel près de Rouen) il doit y avoir 4 chambres. En tout y en avait douze. Mais j’crois y a deux trois mois ici ils ont fait une grève de la faim, ils ont démonté les chambres ils ont démoli tous les lits. Là il reste 4 chambres. Chaque chambre c’est 6 ou 8 personnes. Donc là on est ptet 30 ouai… On est quatre chambres, y a deux chambres où la douche elle marche pas.

Bah en fait depuis ça (les grèves de la faim), moi j’étais au centre de rétention de Rennes, je suis rentré le 26 là bas. Et y ‘avait des mecs ils étaient ici à Rouen, ils avaient fait la grève de la faim et tout ça. Yen avait 10 ils les ont tous transférés. Ya 10 personnes ils les ont transférées à Rennes. Et c’est là bas j’ai appris ils avaient fait la grève de la faim et tout ça.

Et moi quand ils m’ont transféré de là bas (Rennes), c’est parce qu’il y a eu un incendie. Et ils ont scotché un mec. Tu sais comment ils font. Ils rentrent dans ta chambre. Ils viennent le soir hein. Ils voient si tout le monde est là. Ils font l’effectif à minuit et ils repassent à deux heures voir si t’es bien dans ta chambre.

A quatre heure du matin ils sont rentrés et à ce qu’il parait ils m’ont dit, moi je sais pas j’étais pas dans le même bâtiment, à ce qu’il parait ils s’apprêtaient à faire la prière. Ils sont venus sur lui, ils se sont jetés sur lui. Une éponge dans la bouche pour qu’il se morde pas la langue, un casque de boxeur sur la tête, pour qu’il se tape pas la tête sur les murs, et menottés par derrière, et scotché menotté les pieds, le mec il touchait pas le sol.

Moi j’ai entendu les cris et tout ça j’étais pas dans le même bâtiment. Il touchait pas par terre le mec. Son vol il a commencé là où il était en fait.

Et les mecs qui étaient avec lui, ses binômes, ceux qui dorment avec lui, ses co, ba ils étaient enragés je crois. Ils ont foutu le feu, devant les caméras.

J’étais en contact avec un tunisien là bas et il m’a dit ils ont pris deux ans deux ans et un an. En plus le Tunisien avec qui je parlais hier il a pris l’avion. Il a dit franchement moi je rentre.

Les mecs ils ont mis le feu, ils ont brûlé les matelas tout ça. Parce que les mecs ils ont brûlé le feu, c’était à l’extérieur. C’est pour dire. A l’extérieur…

Alors les mecs ils ont commencé à foutre le feu dehors, devant les caméras. Je te dis ça parce que vraiment les gens qui prennent deux piges deux piges une pige c’est compliqué tu vois. Ils ont pris deux piges pour ça. Pour avoir brûlé des matelas dehors. Ca veut dire y a rien qui brûle.

Les keufs t’as vu ils sont arrivés, ils ont sorti l’armurerie. Les matraques, les gaz. Ils ont mis les personnes accroupies dans un coin là bas et puis ils les ont dispatchés dans les autres bâtiments. Et la nuit les gens ils ont pas dormi. Parce que les autres bâtiment y a dix personnes ils sont blindés. Ils ont passé une nuit blanche dans la salle télé.

Communiqué des prisonniers du CRA de Oissel (Rouen) en lutte du 8 juin 2019!

Alors que leur centre de rétention est en travaux suite à des révoltes qui l’ont mis partiellement hors d’usage il y a deux mois, les prisonniers du CRA de Oissel, près de Rouen, sont en lutte depuis plusieurs jours. Ils ont écrit jeudi 6 juin 2019 un communiqué pour raconter les raisons de leur colère et de leur mobilisation.

Nous on fait grève par rapport à la nourriture qui est pas bonne. Le centre de rétention est sale. Les douches sont bouchées. Les lavabos sont bouchés.

Y a un terrain de foot où personne peut faire du sport. C’est les policiers qui font du sport à notre place. Y a pas d’activité ici.

Le CRA est en travaux. Hier on s’est embrouillé avec eux, ce matin ils ont reveillé tot le matin tout le monde pour prendre des gens et les ramener en Espagne.

Toute la journée y a du bruit parce que le centre est en travaux. Il est en travaux parce qu’il a brulé recemment. On devrait être sorti pendant les travaux. Il devrait pas y avoir de prisonniers ici.

Hier ils ont mis un gars qui avait 16 ans a l’hôpital pour lui faire le test osseux et depuis pas de nouvelles des résultats. Il est toujours
là.

Ici les flics ont conseillé à la femme d’un prisonnier de divorcer de son mari si elle veut avoir un jours les papiers.

Y a des gars qui devrait être a l’hôpital. Y a un gars qui doit se faire opérer, il ne peut pas respirer par le nez. Y a un mec ici qu’a l’hépatite B et un autre l’hépatite C. Ils devraient être à l’hôpital.

On sait qu’a Rennes depuis l’incendie du CRA de la bas c’est plus pareil. Ils ont plus de sport, les visite c’est plus compliqué. Les policiers écoutent tout et laissent les porte ouverte.

Face à tous ça, on appelle les prisonniers de Rennes et de tous les autres centre à nous rejoindre dans la lutte !

Des prisonniers du CRA de Oissel.

 

note : il y a quelques semaines, pour protester contre une  expulsion violence, des prisonniers du CRA de Rennes ont mis le feu à des matelas et endommagé les bâtiments. Quatre d’entre eux ont déjà été jugés et condamnés à des peines de prisons ferme allant de sept mois à deux ans.

CRA de Lyon Saint-Exupéry, 3 mois de prison ferme pour un matelas

Le vendredi 16 août dernier, la PAF a une fois de plus tabassé des prisonniers du Centre de Rétention Administratif de Lyon-St-Exupéry. Des personnes se sont retrouvées à terre, gravement blessées, pendant que d’autres appelaient à l’aide. Les keuf.es les ont parquées pendant plusieurs heures, et bien évidemment, iels n’ont fait venir aucune assistance médicale malgré les appels. Pour se faire entendre, T., emprisonné au CRA, met le feu à un matelas. Il a été jugé le lundi 19 août en comparution immédiate, et a été condamné à 3 mois de prison avec maintien en détention. Résumé de l’audience.

La juge procède à l’habituel épluchage de l’identité du prévenu et son ton suspicieux quant à la présence de l’interprète présage déjà de l’issue de l’audience… T. comparait « pour avoir à Colombier-Saugnieu le 15 août dernier détruit volontairement un bien, en l’espèce en mettant le feu à un matelas appartenant a priori au centre de rétention administrative, et ce en état de récidive légale ».

Le prévenu a reconnu les faits. Mais la juge ne peut s’empêcher d’y aller de sa propre interprétation scénique pour rendre l’histoire encore plus croustillante… Elle raconte donc qu’en plus il a été filmé, qu’on le voit très clairement sur la vidéo surveillance, qu’on voit très bien le déroulé, etc. (en même temps, avec près de 100 caméras dans tout le CRA, c’est difficile de les éviter, enfin sauf quand ça arrange les keuf.es bien sûr…). Elle conclut finalement : « Heureusement il n’y a pas eu de décès ». Cependant, madame semble étonnée par ce qu’elle considère comme le « contexte assez particulier » (mais en vrai tout à fait habituel) de cette soirée-là au sein du CRA… En fait, au moment de regagner leurs cellules, les détenus ont refusé et les flics les ont matraqués ; ce qu’elle traduira par « Au moment où chacun devait regagner sa chambre entre guillemets, il y a eu une opposition, un refus de la part des retenus, ça s’est un peu agité, il y a eu des violences, ce qui a donné lieu à cette réaction ».

T. a expliqué dans sa déclaration les raisons de son geste : des violences ayant été commises par les policier.es sur d’autres retenus, une personne est blessée et perd du sang. Il signale la blessure mais personne n’intervient. Pour alerter l’attention, il met le feu au matelas. « Y a d’autres manières moins dangereuses pour attirer l’attention », rétorque-t-elle toujours aussi sarcastique… T. explique que pendant le temps de prière, les policier.es s’amusaient à allumer-éteindre-allumer la lumière. La juge se réfère au PV des flics et joue les étonnées : « Y avait pas une panne d’électricité ? » …

Pour continuer dans la mauvaise foi elle cherche d’autres arguments pour pouvoir le coincer… Elle se lance donc dans le décryptage psychologique de l’attitude de T. sur les vidéos ; et au cas où ce ne serait pas suffisant, elle invoque également ses antécédents judiciaires et finit, conquérante, par le coup de la culpabilisation : « Tout justifie donc que vous employiez des moyens aussi dangereux qui peuvent avoir des répercussions et des conséquences terribles ? ».

C’est au tour du procureur d’entrer en scène : lui aussi s’attarde sur les éléments de personnalité, mais il manie surtout l’art de l’emphase : « C’est à trois reprises qu’il va s’en prendre à ce matelas »… Concernant la personne blessée, il commente « nous n’avons pas d’élément qui vient corroborer ». Il ressort lui aussi le coup de l’élec et parle d’un « incident technique ». Il conclut : « Rien ne peut justifier de tels troubles », « Ce genre de comportement perturbe le fonctionnement du centre de rétention ». Il demande 3 mois fermes avec maintien en détention.

L’avocate de T. explique que compte-tenu de ses antécédents, il savait ce qu’il risquait en mettant le feu, mais qu’il s’agit-là d’un « acte désespéré ».

La juge donne la parole à T. :

  • T. : « La personne qui était par terre saignait, elle était en danger de mort »
  • Juge : « Merci, la décision sera rendue à la prochaine suspension. »

Voilà, merci, au revoir.
Verdict : 3 mois de prison avec maintien en détention.
Un énième procès, une énième mascarade, une énième peine de prison. Les audiences défilent, mêmes scénarios, mêmes acteur-ices. On ne change pas une équipe qui gagne…

Mais gagner jusqu’à quand ?

Partout et tous les jours, dans les CRA de France et d’ailleurs, les prisonnier-es se révoltent, luttent et se défendent (grèves de la faim, refus de rentrer en cellules, communiqués…). Mais la résistance a un prix, c’est un énième prétexte à la surenchère dans la répression qu’iels subissent déjà au quotidien dans le système CRA. Car non, les « pannes d’électricité » n’existent pas dans les prisons de l’Etat, pas plus que n’existe la justice qui l’accompagne…

A bas les CRA, à bas les frontières et soutien à tous.tes les prisonnier.es !