Témoignages de prisonniers à Vincennes

Alors même que dans les prisons pour sans-papiers de Vincennes et de Mesnil des tentatives d’évasion ont eu lieu ce weekend (malheureusement les détenus ont été attrapés), on transcrit ici deux témoignages de prisonniers renfermés dans le CRA de Vincennes, sur les conditions de vie à l’intérieur, les juges, les flics, et le refus de soin.

Solidarité avec les detenus, à bas les CRA!

 

 

J., prisonnier à Vincennes depuis 3 jours.

« Ici c’est le stress quotidien, y a plus de droit, ici tout fonctionne à la force, y a des vols clandestins, c’est vraiment difficile à vivre mais bon c’est le système français. Moi ça fait 5 fois que je suis en entre de rétention, depuis 2017, peu importe les démarche administratives que tu fais, ça change rien. Moi j’ai des enfants ici, j’ai été marié, j’ai fait mes études … Quand on essaye d’aller à la CEDH, il se passe rien, ils ont aussi leurs réseaux à l’intérieur, c’est un réseau fermé ..

Ouais c’est vrai ici on est logé, nourri mais c’est tout y a pas de respect. Je vous parle en connaissance de cause, c’est un vrai réseau, de toute façon ils ont des quotas, jugements ou pas si ils doivent vous expulser ils vous expulserons, ils forcent. Les juges et les avocats ils se connaissent, des fois il te forcent à prendre un avocat, c’est pour faire fonctionner une économie.

Y a 8 mois j’étais au CRA de Plaisir, ils ont compris que je captais ce qu’il se passait alors ils m’ont transféré. La je sais qu’ils vont me garder, c’est pas la première fois. Et pour les recours, ça sert à rien l’avocat il mange leur argent, si tu sais qu’ils vont te renvoyer à la fin.

Mais les agents ici, ils font juste leur taff, les ordres c’est en haut, c’est
les juges, les avocats et la préfecture .. eux ils font juste leur taff, ils ferment leur gueule, ils sont même plus humains, ça fait partie de leur quotidien …

Ici dès que t’es noir ou arabe, tu te fais contrôler, c’est une pratique discriminatoire, ceux qui sont sans papiers ils payent leur tickets et tout et ils sont controlés, et on leur dit que les policiers ont le droit de faire ça.

Ici, il y a des gens qui tombent, ce matin il y a un messieurs il est tombé, il s’est ouvert la tête, il angoisse tellement, il a des ses enfants en France, il a sa femme, après les enfants qui va les nourrir, ils brisent des familles, après les enfants ils volent … franchement ici, il y a une seule voie, il faut vraiment être chanceux pour sortir, tout ce qu’ils veulent c’est te ramener dans ton pays.

Je vais te dire un truc, à la fin c’est toujours la préfecture qui gagne »

 

I., là depuis plus de 2 mois :

« Moi personnellement j’ai un problème par rapport à ma santé, j’ai l’hépatite B, on ne peut pas me soigner chez moi. Ils sont censés me prendre en charge, mais du coup on m’a envoyé dans le centre, ils m’ont dit les médecins qu’ils allaient me traiter. Ca fait 2 mois et demi que quand je vais chez lui il me donne des dolipranes, il m’a dit ça alors que j’ai un problème de foie et je suis pas censé prendre ça, les policiers ils respectent rien, ils te parlent comme ils veulent

C’est difficile, c’est des conditions difficiles après c’est la loi, nous on est pas au dessus de la loi .. Comme on dit toujours en France t’as un enfant, si tu t’occupes de l’enfant même si t’as pas le titre de séjour t’as des droits quand même, sur le territoire, moi j’ai un enfant qui est né à Paris dans le 12 eme, je travaille; je l’ai reconnu, j’ai tous les documents avec moi.

Je me suis fait contrôlé à gare de l’est, un problème de ticket alors que j’ai jamais eu de problème avec la police depuis que je suis en France et là on ramène tous les documents de ma fille, justificatif de domicile mais bon tout ce qu’ils veulent c’est me ramener au bled alors que j’ai ma fille. Après nous on est déjà ici, on a plus rien , mais du coup j’ai reconnu ma fille, je l’ai accompagné à l’hôpital parce que sa mère elle travaille, on est deux à s’occuper de l’enfant, après on m’a arrêté. Même sa mère elle a écrit au juge, il veut rien comprendre, en plus ils m’ont pris avec mon passeport …

Ils m’ont fait signé un document qui dit que je peux pas aller en Cote d’ivoire parce que par rapport à ma maladie c’était pas prudent, les médicaments sont pas disponibles chez moi  c’est pas soigné moi, me ramener chez moi c’est comme si on met ma vie en danger. Le juge il a dit que le médecin de l’Ofii a dit que je peux voyager avec ma maladie, le médecin qui a écrit les papiers il a demandé pourquoi vous mettez sa vie en danger, mais le juge veut rien savoir.

Quelqu’un qui est malade il est pas traité pendant deux mois dans le centre, tout le problème c’est lui chercher un avion pour qu’il rentre … même si tu dis t’as mal au pied , mal jambe, c’est le même médicament … je leur ai dit que j’avais du mal à respirer ils m’ont jamais amené à l’hôpital… on nous laisse pas rentrer avec des téléphones avec caméra parce que après ils savent qu’on va filmer des trucs pour ramener dehors

Moi on m’a déjà frappé deux fois la police tout ça… j’ai porté plainte et eux ils m’ont dit comme quoi j’ai un avion pour que je ne puisse pas aller au jugement avec eux ils ont affiché un avion direct. Aujourd’hui la police des polices sont venu me poser des questions, ils ont fait des papiers, ils m’ont dit j’ai un avion pour toi … c’est mon troisième vol, si j’y vais pas ils vont me forcer …

Is ont tellement organisé le truc, moi mon avocat j’ai payé 1000 balle, on est 3 il a pris 3000 balle, il a rien fait, et après on me dit tu vas
faire un recours, et le recours c’est mardi mais j’ai un avion lundi … Une fois j’ai vu un truc, un mec ils l’ont attaché, il lui ont mis un capuchon sur la tête, ils l’ont soulevé comme un sac de riz, ça m’a fait tellement pitié que j’avais les larmes aux yeux, tout ça pour toi, le mec … je croyais la France c’était un pays de droit mais la c’est trop. »

Lettre d’un prisonnier de Vincennes

Les violences policières sont quotidiennes dans les prisons pour sans-papiers. On a déjà beaucoup relayé ici des plaintes contre la police, des témoignages racontant ces mêmes violences.

On relaye ici une lettre du vendredi 04 octobre écrite par un prisonnier du CRA 1 de Vincennes !

Je viens de me faire insulter pour la 8e fois en une semaine, ce qui est fréquent au CRA 1 du centre de rétention de Vincennes. Mais cette fois-ci, le 3 octobre, en montant les escaliers 4 policiers me croisent, 3 femmes et 1 homme grand de taille (1m90 environ, métisse). L’une d’entre elles me croise du regard et dit « il a quoi ? » puis me dit en se retournant « vas-y monte grosse merde ». Par la suite j’ai voulu en savoir plus en me rapprochant, c’est là où le policier m’a pris brusquement et m’a fait tomber des escaliers, quelques témoins sont venus s’interposer pour éviter le pire. J’ai pu me relever et le policier m’a étranglé en me poussant contre le mur qui mène de la salle du réfectoire à la salle de l’accueil, puis m’a fauché et c’est là où il y a eu plusieurs policiers sur les lieux. J’ai reçu des coups sur le bassin et surtout sur la tête, après ça j’ai perdu du sang et je voyais flou mais je n’avais pas perdu conscience au départ. Une fois en isolement, j’ai demandé des soins, le policier qui m’avait frappé disait « je m’en bas les couilles » comme au début (aux escaliers). Ce n’est qu’après et une fois que les autres policiers sont arrivés que l’on m’a conduit à l’infirmerie, on m’a fait les premiers soins puis on m’a suggéré d’aller à l’hôpital, j’ai dit que je voulais rejoindre ma chambre. Une fois dans ma chambre j’ai perdu connaissance après 20 ou 25 minutes, c’est là où j’ai demandé à aller à l’hôpital, j’espère que vous prendrez en considération cet écrit pour que ce genre d’injustice ne se reproduise plus, car les policiers sont sensés représenter la loi et non user de l’autorité policière par rapport à des humeurs personnelles. Veuillez recevoir mes salutations. 

 

 

Pour rappel en IDF des personnes s’organisent contre les centres de rétentions: RDV tous les mercredi a 18h au CICP (21 ter rue Voltaire, métro ligne 9).

Solidarité avec tou.tes les prisonnièr.e.s !