Bloquer les remontée de piste du Montgenèvre, en quelques sortes proposer aux touristes de faire l’expérience, ne serait-ce que pour quelques minutes de ce que c’est que de se trouver la route barrée, sans possibilité d’avancer.
Une action vouée à perturber quelque peu le petit théâtre qui se repète jour après jour, nuit après nuit, sur les pistes de cette station de ski. Les personnes blanches fusent joyeusement d’un côté puis de l’autre de la frontière sur leurs ski. Les personnes noires galèrent de nuit, finissent parfois
en chaussettes dans la neige, ne vont évidemment pas plus vite que les motoneiges avec lesquelles les flics les pourchassent.
Si cette dichotomie admet bien évidemment quelques exceptions, liées à la possession des bons papiers et d’argent, elle décrit assez bien ce que de nombreuses personnes vivent et constatent dans cette zone de frontière, depuis quelques années.
On nous a suggéré que peut-être, le moment choisi n’était pas le bon.C’est vrai quoi, le week end de Pâques, pour certain·e·s, la seule possibilité de venir profiter un peu de la bonne neige artificielle que les canons du Montgenèvre déversent généreusement, à la nuit tombée.
Et puis ptêt aussi qu’on aurait du penser un peu à la demi-journée qui allait sauter pour les pacifiques monos de ski.
Nous sommes sûrement allé·e·s un peu loins dans la mise en scène en barrant le passage. Les skieureuse n’ont pas voulu jouer le jeu, ont vite arraché la banderole tendue devant l’entrée du télésiège.
La banderole où nous rappelions que cette frontière et son dispositifont provoqué la mort de quatre personnes, en moins d’un an.
Ces quatre personnes s’appelaient Blessing, Taminou, Mamadou et l’une
d’elle est restée inconnue. Toutes quatres sont mortes la nuit. Toutes quatres avaient choisi ce moment pour tenter la traversée, en espérant qu’ainsi elles échapperaient aux contrôles policiers.
De nuit, pour échapper aux délateurs, qui lorsqu’ils voient un noir marcher dans la montagne ou sur la route pour Briançon, apellent la police. Comme certainEs travailleureuses de la station de Montegenèvre. Ou certainEs touristes, qui s’illes se limitent souvent à la simple indifférence, parfois s’appliquent à la délation.
Bref, on nous a répondu à coup de ski, d’insultes et d’injonctions à aller travailler.
« Qui meurt ici ? Je dois manger moi !»
La deuxième partie de la phrase nous semble bien légitime: tout le monde doit manger.
La première en revanche, nous laisse songeureuses… Qui sont donc ces personnes, qui semblent méconnaître autant le territoire sur lequel elles évoluent pendant toute une saison ?
Leur juxtaposition illustre ce que nous dénonçons : l’invisibilisation
de la violence que tant de personnes subissent dans ces montagnes,qui permet de normaliser le racisme, la discrimination et l’exploitation. Accepter
aveuglément ce qui se passe tout les jours sous nos yeux sans se poser de questions, c’est jouer le jeu de ceux qui prefèrent que nous ignorions tout cela…
Il y à eu d’autres perles:
« Moi j’ai le droit de passer la frontière, parce que j’ai les bonspapiers, et mon père travaille lui, c’est pas un dealer ! »
Nous aurions beaucoup à dire, mais peut-être que celle-ci se passe de commentaires.
Finalement, les keufs nous ont accusé·e·s d’avoir été trop
« virulent·e·s », quand nous avons lu devant eux les témoignages recueillis auprès des personnes exilées ayant subi les violences de la PAF. En effet, pour empêcher le blocage, ils se sont rangés devant l’entrée du télésiège, nous relayant sommes toute.
Des témoignages dans ce goût là, nous en avons recueilli beaucoup, et nous en aurions eu beaucoup d’autre à partager. C’est probablement le fait d’être en contact permanent avec cette violence là qui alimente notre virulence.
S’est ensuivie une rixe, entre un nombre certain de policiers et un certain nombre de manifestant·e·s. C’est à dire qu’ils ont cru opportun de procéder à l’interpellation de l’une d’entre nous.
Sans trop exagérer, au hasard la seule personne racisée du groupe. On peut citer le chef de l’opération, qui a lancé un élégant « Virez les tous, et choppez la black ».
Peut-être est-ce de mauvais goût que de s’attarder sur ce détail? Peut-être que les millions de personnes non-blanches vivant en France, en Italie ou essayant de passer les frontières de l’Europe auraient-elles plus de choses à dire, sur cette étrange réalité qu’est le contrôle au faciès…
Cette personne est a été placée en garde à vue à la PAF à 13h, et en est sortie vers 21h30.
Une dernière précision, pour agrémenter le tableau : pour une quarantaine de manifestant·e·s, sept camionnettes de gendarmerie mobile ont été mobilisées. L’intention était d’empêcher la contestation, et comme partout la répression guette, il semblerait que déranger l’ordre des choses, ou bien la bonne marche de notre système économique, soit devenu intolérable, immanquablement violent, trop quoi.
Si nous avons commis une erreur, c’est peut-être encore celle d’être prisonnieREs de nos rêves.La rage froide qui nous habite, celle provoquée par la violence, l’indifférence et l’injustice d’un système que nous tenons à dénoncer sous TOUS ses
aspects, fait qu’on va continuer à déranger, communiquer, bloquer.
Ptêt juste qu’on fera preuve de plus d’imagination la prochaine fois.
Montgenèvre – Compte rendu de la manifestation du 20 Avril à la frontière italo/française