Témoignages depuis deux centres de rétention en IDF

Comme d’habitude et encore plus en période de pandémie de Covid19, l’accès au soin en CRA est inexistant, et nous publions ici deux témoignages de prisonniers qui le montrent bien : initialement enfermés tous les deux au CRA du Mesnil Amelot, l’un a été transféré à Plaisir, le « CRA Covid » où sont envoyés tous les testés positifs ; l’autre raconte la mobilisation collective mise en place pour tenter de faire venir les pompiers pour une personne gravement malade. Le test Covid sert visiblement uniquement d’outil de répression : quand des prisonniers refusent de le faire pour échapper à la déportation vers des pays exigeant un test négatif, ils sont envoyés en GAV et prennent parfois du ferme ; par contre quand ils demandent des tests pour des raisons de santé, suite à l’exposition à des cas positifs, on ne leur en donne pas.

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Fouille et répression : témoignage d’une proche d’un prisonnier du CRA du Mesnil-Amelot

On retranscrit ici le témoignage récent d’une proche d’un prisonnier enfermé au CRA du Mesnil-Amelot, qui raconte une fouille violente [TW agression] et la répression par les amendes pour empêcher les parloirs.

« P : Donc ouais, moi j’ai été voir mon conjoint plusieurs fois pendant le confinement… donc ils me disent que si je rentre dans le centre de rétention c’est 135 euros d’amende la première fois, 1200 la deuxième fois et trois mois de prison la troisième fois.

E : C’est les flics de la PAF, les matons du CRA, qui te disent ça?

P : Ouais, c’est ceux qui travaillent à l’intérieur. Je suis rentrée parce que j’avais envie de voir mon conjoint. Ils ont pris mon nom, prénom et adresse, et ils m’ont dit que c’était 135 euros d’amende. Après j’ai fait ma visite normal. Et après j’y suis retournée, parce que moi j’y vais tous les 2-3 jours.

Et là c’était pas le même discours. La police me dit : « C’est pas notre boulot de mettre des amendes ». Donc y’en a qui mettent, y’en a qui mettent pas. Ça c’était dimanche dernier. La visite s’est très mal passée aussi ; il y avait d’autres visiteurs, mais non ils sont plus sur nous, plus acharnés sur nous. J’sais pas, ça devient du harcèlement en fait. Ils sont 5 d’un côté, 5 de l’autre pour surveiller une visite. Ils acceptent des trucs pour certains visiteurs mais pas pour nous.

A la base on a le droit à 4  paquets de gâteaux, à des boissons. Mais nous non. Mon conjoint il est à part, lui. Ça devient très très grave.

J’y suis retournée hier. Là c’était pire. J’ai sonné, et avant de m’ouvrir la porte on m’a dit que si je pénétrais on me remettait une amende de 135 euros. 

Ils ont écrasé tous les gâteaux, tout ouvert, c’était vraiment comme si on était des chiens.

Ils me demandent si j’ai des produits illicites. Je leurs dis « Bah non, mon conjoint fume pas, il fume que 4 cigarettes par jours. » On continue : donc je rentre dans le centre et là je vois 2 dames de la police ou de la PAF. Y’avait les deux je crois. Après y’en a d’autres qui arrivent, j’avais l’impression d’avoir commis un… je sais pas moi. J’avais l’impression d’avoir tiré sur quelqu’un.

E : Alors que t’allais juste voir ton conjoint en parloir…

P : Alors qu’il y avait d’autres dames pour qui ça s’est très bien passé, mais moi non. Je ramène les gâteaux : il les met dans un sac pour les fouiller, il les écrase tout ça. On aurait vraiment dit la gamelle d’un chien.

Là, ils me fouillent mon manteau normal et ils me disent : « Retournez-vous, les bras en l’air, sortez vos fesses euh… » Ils m’ont mis les mains dans les fesses, devant et tout. Alors que même en prison, ils font pas ça ! Je vais juste voir mon conjoint. Ils m’accusent d’avoir ramené des produits illicites et de l’avoir déjà fait alors que c’est faux. Ils me disent que si, j’ai déjà essayé, donc là ils me fouillent de partout, les cheveux, partout. Je suis choquée. Je suis traumatisée, j’ai même plus envie d’aller voir mon conjoint en parloir.

Dans la salle c’est parti… Bah voilà, on s’est tous engueulés. Mon conjoint, forcément, il était très énervé. Il a déjà des problèmes de santé : il est asthmatique, il a des problèmes d’obésité morbide, il a une infection à la jambe qui est bleue blanche. Il a déjà eu des accidents, et ils veulent pas le changer de chambre. C’est vraiment catastrophique là. Mais on doit se taire. Mais je suis désolée c’est des humains comme nous, hein. J’ai été faire mon parloir avec mon conjoint mais avec une dizaine de flics de chaque côté. Dans ce cas là, c’est pas la peine si on peut pas… qu’ils fassent leur boulot oui, mais il y avait d’autres visites à côté, pourquoi que nous ?

Ça devient du harcèlement c’est pas possible. Moi franchement j’ai même plus envie d’y aller.

E : Tu sais si les amendes, ça concerne d’autres proches ?

Oui oui, parce qu’il y avait au moins une autre dame, quand je venais, à qui la police a dit : »Si vous rentrez en parloir ce sera une amende ». Ils disent qu’ils « sont pas en danger de mort, pas en précarité » et qu’ils ont pas besoin de visite.
L’équipe dont je parle c’est vraiment des racistes ou je sais pas. On doit se taire.

J’avais contacté la Cimade mais ils étaient fermés. J’ai envoyé un mail où j’ai raconté et j’attend une réponse.

(Depuis 10 jours la proche n’a pas eu de nouvelles de la Cimade).

RE-CONFINEMENT, BLINDAGE DE CRA, CLUSTER ET GRÈVE DE LA FAIM : L’EXEMPLE DU CRA DE VINCENNES

Si on retourne un peu en arrière, on se souvient que les centres de rétention en France s’étaient presque tous progressivement désemplis pendant le premier confinement. Certains étaient même complètement vides (sans pour autant avoir fermé définitivement, ça aurait été trop beau). C‘était le cas notamment des CRA de Plaisir, Palaiseau, Bordeaux, Guadeloupe, Hendaye, Nice, Rennes et Strasbourg.
Alors que cette nouvelle vague de pandémie est encore plus violente et meurtrière que la première, les CRA se sont soudainement remplis au maximum juste avant le second confinement. Plusieurs témoignages nous sont parvenus des personnes enfermées pour nous expliquer la recrudescence des rafles mercredi 28 et jeudi 29 octobre et pendant les jours qui ont suivi :
« C’est comme sils savaient que ça serait plus dur de nous arrêter pendant le confinement, comme il y aurait moins de gens dans les rues. C’est comme sils faisaient le plein.« , nous a dit un retenu.
Les conditions sanitaires sont toujours désastreuses, et les clusters se multiplient. Ce n’est pas étonnant, vu que les CRA sont blindés. Les flics et les jugent continuent à jouer avec la vie des gens : les personnes qui sont testées positives sont parfois mises à l’isolement total et privées de soins, parfois enfermées avec des prisonnier.e.s non malades qui risquent donc de choper le virus. Les vols cachés continuent à destination de certains pays (surtout enEurope mais pas seulement), tandis que d’autres exigent que les personnes expulsées soient testées négatives. Mais si les prisonnier.e.s refusent le test pour résister à la déportation, ils.elles font généralement face à la garde à vue et à des peines de prison ferme – comme on le disait dans l’article précédent, https://abaslescra.noblogs.org/contre-le-confinement-et-lenfermement-appelons-les-cabines-des-cra/
Au CRA de Vincennes les autorités tentaient, jusqu‘à fin octobre, de mettre en place un semblant de protocole face au Covid-19. Les bâtiments 2A et 2B servaient de « bâtiments d’arrivée » où étaient placés les nouveaux arrivants qui faisaient immédiatement un test Covid. Sils étaient négatifs, ils étaient placés dans le bâtiment 1. Sils étaient positifs, ils étaient placés soit en hôtel, soit dans l’un des deux autres bâtiments qui servaient pour enfermer les personnes testées positives et/ou pour mettre en septaine les personnes ayant été en contact avec une personne porteuse du virus.
Cette organisation de façade a complètement été abandonnée depuis le reconfinement. Le bâtiment 1, déjà presque plein, est aujourd’hui plus que plein. Les personnes retenues nous informent que les chambres ne pouvant accueillir pas plus de quatre personnes sont dorénavant occupées par cinq à six personnes. Enfin, les bâtiments 2A et 2B se sont eux aussi remplis rapidement. Les tests d’arrivée ont été abandonnés. Résultat : 7 personnes ont été testées positives au Covid-19 la semaine dernière dans le bâtiment 2A (suite à la déclaration de symptômes chez plusieurs d’entre eux). Les personnes testées négatives ont été transférées dans le bâtiment 2B. Deux jours plus tard, dans ce même bâtiment 2B, on amenait une personne présentant de graves symptômes (les flics sont venus la récupérer 3 heures plus tard, on espère qu’elle est allée à l’hôpital). Le bâtiment est lui aussi en quarantaine, en attendant les résultats des tests. Actuellement, 138 personnes sont enfermées dans ce CRA !
On se fout de la santé des personnes sans-papiers, on se fout de mettre leur vie en danger. Aujourd’hui comme tous les jours, la seule solution c’est la destruction de tous les centres de rétention ! A bas les CRA et les frontières !

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