Nous relayons le témoignage d’une femme enfermée CRA du Mesnil Amelot, qui livre le quotidien dans le centre et les résistances qu’elle et ses co-détenues ont mises en place. C’est une lutte de tous les jours pour faire respecter ses droits : avoir accès aux produits d’hygiène, pouvoir garder la nourriture amenée par des proches au parloir, pouvoir se maquiller à la fouille. C’est créer le rapport de force nécessaire pour bousculer les petits abus de pouvoir des flics, gueuler quand on te refuse même les besoins les plus basiques. Et puis c’est pouvoir garder un contrôle sur son corps, dans cet endroit degueu pas épargné par le patriarcat que sont les centres de rétention administrative.
Étiquette : femmes
Grève de la faim, tabassage et expulsions au bâtiment femmes du CRA de Mesnil
Samedi dernier 17/04, une copine retenue au CRA du Mesnil a été mise sur un vol vers la Colombie, sans test PCR ni préavis, sous menace d’expulsion musclée -scotch, menottes, casque- si elle s’y serait opposée. Elle et deux autres retenues, une femme chilienne et une femme colombienne, avaient entamé une grève de la faim (qui dure toujours) le 06/04. Le 21/04 deux flics sont venus frapper une de ces deux femmes, la tirer au sol et l’insulter, après avoir pris soin d’éteindre les caméras auparavant. Nous relayons leurs témoignages ici.
« Maintenant ça nous enferme et nous isole nous les femmes » : témoignages de prisonnières du CRA de Mesnil Amelot
Dans un article paru sur ce blog, on avait écrit à propos d’une aggression sexuelle qui avait eu lieu en mars 2020 dans le CRA de Mesnil Amelot :
L’hétéropatriarcat et le racisme sont liés et se renforcent mutuellement. Dans les politiques migratoires des États occidentaux, leur violence prend la forme du contrôle des corps des femmes migrantes par des lois racistes et sexistes. Ces lois d’une part les criminalisent (les femmes exilées et racisées sont plus souvent accusées de vol, de mensonge etc) et d’autre part les reduisent au silence en les obligeant à prouver les situations de violence extrême qu’elles ont subi (à la pref, aux instances de l’asile, devant les juges etc). Cette violence est toujours jugée par le regard d’un pouvoir occidental et patriarcal, sans tenir compte des formes particulieres qu’elle peut prendre.
Un an et demi plus tard, l’administration du CRA décide de construire des nouvelles clôtures, encore plus hautes et difficiles à escalader, entre les différents batiments du CRA.
Ces barrières visent à empecher les prisonniers-ères de passer d’un batiment à l’autre, ce qui est plutot courant quand les retenu-e-s veulent se rencontrer, passer du temps ensemble, se filer des affaires ou des infos, mais aussi quand iels décident de lutter collectivement. C’est par exemple le cas de l’incendie de janvier, quand les prisonniers de différents batiment arrivent à se réunir dans la meme promenade pour résister aux flics.
Visiblement, les efforts des keufs pour garder les gens séparés n’ont pas empeché aux retenu-e-s de se révolter, et ni d’escalader les barrières pour gagner la liberté, comme c’était le cas la semaine dernière quand une évasion collective a eu lieu.
Mais les flics de la PAF justifient aussi l’installation des nouvelles clotures, et notamment celle entre le batiment de femmes et les batiments des hommes, en la présentant comme une mésure pour « protéger » les prisonnières des aggressions des mecs. En réalité, il s’agit de les isoler encore plus, comme l’expliquent les meufs enfermées dans les témoignages ci-dessous :
// Retenue 1 :
» Avec ces plaques en métal à la place du grillage on ne voit plus rien, on s’ennuie, on rentre dans la dépression
avant on pouvait les voir ((les hommes)), les regarder jouer, se disputer, se battre, ça fait une ambiance, on s’ennuie pas, le temps passe plus vite, on voit les hommes rigoler, ils peuvent donner des cigarettes aux femmes, on peut s’aider les uns avec les autres pas comme entre femmes, comme on est moins nombreuses et y a des langues différentes c est plus difficile de communiquer parfois avec le grillage, les femmes peuvent parler avec les hommes qui parlent la même langue et les hommes savent si une nouvelle fille arrive, ils peuvent lui expliquer ce qu’elle doit faire ou pas faire moi parfois j explique aux femmes qui parlent francais mais sinon c’est difficile «
» l’autre jour y’a un flic qui est venu vers moi pour me demander si ça allait, je lui ai dit « non ça va pas » – c’est ce que je réponds à chaque fois, comment ça peut aller ? on n’a pas notre liberté – et alors je lui ai posé la question pour le grillage – juste parce qu’il est venu me parler lui, autrement je lui aurais pas parlé moi – je lui ai demandé pourquoi ils avaient installé ces plaques, maintenant je me sentais comme dans une prison, avant ça donnait l’impression d’etre ouvert, maintenant ça nous enferme et nous isole nous les femmes, il m’a dit que c’était à cause de ce que ça faisait aux hommes de voir les femmes, que ça les mettait dans des .. états … qu’ils parlaient de sexe, il voulait dire qu’ils s excitaient à regarder les femmes »
» avant le grillage il faisait peut etre 1m80 2m de haut,
là les plaques elles sont encore plus hautes »
// Retenue 2 :
« ça isole complètement les femmes, elle par exemple ça se voit qu’elle est en dépression, son visage fait mal, ne rit jamais »
« avec le grillage les hommes peuvent communiquer avec les femmes, ils savent comment ça se passe plus que nous si on a la même langue, la même origine, on peut parler, acheter un café, aider c est un homme qui m a dit pour le papier à remplir pour [démarche], il m’ a dit « [prénom] demande le papier, va au greffe » et la fille [origine], elle elle voulait dire ok pour le test et les hommes lui ont donné l info de pas faire le test, et elle a refusé les hommes passent les infos aux femmes, ils savent comment ça fonctionne les hommes sont nombreux, nous les femmes pas nombreuses, on est
isolées, c est pour faire des femmes des bêtes »
« maintenant on peut se croiser que quand on va chercher un café ou qu’on va à l infirmerie ou à la fouille, c est le même couloir »
« c’est faux y’a pas eu d’agression ((d’un homme sur une femme, qui semblait justifier l installation des plaques occultantes)), moi [je viens d arriver] donc je sais pas, mais elle elle est là depuis [période] et elle dit que c’est pas vrai »
Pour lire d'autres témoignages de meufs enfermées au Mesnil, voici une brochure sortie en 2020.
liberte pour toutes
les prisonnieres
a bas les cra !