Communiqué des prisonniers du CRA de Oissel (Rouen) en lutte du 8 juin 2019!

Alors que leur centre de rétention est en travaux suite à des révoltes qui l’ont mis partiellement hors d’usage il y a deux mois, les prisonniers du CRA de Oissel, près de Rouen, sont en lutte depuis plusieurs jours. Ils ont écrit jeudi 6 juin 2019 un communiqué pour raconter les raisons de leur colère et de leur mobilisation.

Nous on fait grève par rapport à la nourriture qui est pas bonne. Le centre de rétention est sale. Les douches sont bouchées. Les lavabos sont bouchés.

Y a un terrain de foot où personne peut faire du sport. C’est les policiers qui font du sport à notre place. Y a pas d’activité ici.

Le CRA est en travaux. Hier on s’est embrouillé avec eux, ce matin ils ont reveillé tot le matin tout le monde pour prendre des gens et les ramener en Espagne.

Toute la journée y a du bruit parce que le centre est en travaux. Il est en travaux parce qu’il a brulé recemment. On devrait être sorti pendant les travaux. Il devrait pas y avoir de prisonniers ici.

Hier ils ont mis un gars qui avait 16 ans a l’hôpital pour lui faire le test osseux et depuis pas de nouvelles des résultats. Il est toujours
là.

Ici les flics ont conseillé à la femme d’un prisonnier de divorcer de son mari si elle veut avoir un jours les papiers.

Y a des gars qui devrait être a l’hôpital. Y a un gars qui doit se faire opérer, il ne peut pas respirer par le nez. Y a un mec ici qu’a l’hépatite B et un autre l’hépatite C. Ils devraient être à l’hôpital.

On sait qu’a Rennes depuis l’incendie du CRA de la bas c’est plus pareil. Ils ont plus de sport, les visite c’est plus compliqué. Les policiers écoutent tout et laissent les porte ouverte.

Face à tous ça, on appelle les prisonniers de Rennes et de tous les autres centre à nous rejoindre dans la lutte !

Des prisonniers du CRA de Oissel.

 

note : il y a quelques semaines, pour protester contre une  expulsion violence, des prisonniers du CRA de Rennes ont mis le feu à des matelas et endommagé les bâtiments. Quatre d’entre eux ont déjà été jugés et condamnés à des peines de prisons ferme allant de sept mois à deux ans.

CRA de Lyon Saint-Exupéry, 3 mois de prison ferme pour un matelas

Le vendredi 16 août dernier, la PAF a une fois de plus tabassé des prisonniers du Centre de Rétention Administratif de Lyon-St-Exupéry. Des personnes se sont retrouvées à terre, gravement blessées, pendant que d’autres appelaient à l’aide. Les keuf.es les ont parquées pendant plusieurs heures, et bien évidemment, iels n’ont fait venir aucune assistance médicale malgré les appels. Pour se faire entendre, T., emprisonné au CRA, met le feu à un matelas. Il a été jugé le lundi 19 août en comparution immédiate, et a été condamné à 3 mois de prison avec maintien en détention. Résumé de l’audience.

La juge procède à l’habituel épluchage de l’identité du prévenu et son ton suspicieux quant à la présence de l’interprète présage déjà de l’issue de l’audience… T. comparait « pour avoir à Colombier-Saugnieu le 15 août dernier détruit volontairement un bien, en l’espèce en mettant le feu à un matelas appartenant a priori au centre de rétention administrative, et ce en état de récidive légale ».

Le prévenu a reconnu les faits. Mais la juge ne peut s’empêcher d’y aller de sa propre interprétation scénique pour rendre l’histoire encore plus croustillante… Elle raconte donc qu’en plus il a été filmé, qu’on le voit très clairement sur la vidéo surveillance, qu’on voit très bien le déroulé, etc. (en même temps, avec près de 100 caméras dans tout le CRA, c’est difficile de les éviter, enfin sauf quand ça arrange les keuf.es bien sûr…). Elle conclut finalement : « Heureusement il n’y a pas eu de décès ». Cependant, madame semble étonnée par ce qu’elle considère comme le « contexte assez particulier » (mais en vrai tout à fait habituel) de cette soirée-là au sein du CRA… En fait, au moment de regagner leurs cellules, les détenus ont refusé et les flics les ont matraqués ; ce qu’elle traduira par « Au moment où chacun devait regagner sa chambre entre guillemets, il y a eu une opposition, un refus de la part des retenus, ça s’est un peu agité, il y a eu des violences, ce qui a donné lieu à cette réaction ».

T. a expliqué dans sa déclaration les raisons de son geste : des violences ayant été commises par les policier.es sur d’autres retenus, une personne est blessée et perd du sang. Il signale la blessure mais personne n’intervient. Pour alerter l’attention, il met le feu au matelas. « Y a d’autres manières moins dangereuses pour attirer l’attention », rétorque-t-elle toujours aussi sarcastique… T. explique que pendant le temps de prière, les policier.es s’amusaient à allumer-éteindre-allumer la lumière. La juge se réfère au PV des flics et joue les étonnées : « Y avait pas une panne d’électricité ? » …

Pour continuer dans la mauvaise foi elle cherche d’autres arguments pour pouvoir le coincer… Elle se lance donc dans le décryptage psychologique de l’attitude de T. sur les vidéos ; et au cas où ce ne serait pas suffisant, elle invoque également ses antécédents judiciaires et finit, conquérante, par le coup de la culpabilisation : « Tout justifie donc que vous employiez des moyens aussi dangereux qui peuvent avoir des répercussions et des conséquences terribles ? ».

C’est au tour du procureur d’entrer en scène : lui aussi s’attarde sur les éléments de personnalité, mais il manie surtout l’art de l’emphase : « C’est à trois reprises qu’il va s’en prendre à ce matelas »… Concernant la personne blessée, il commente « nous n’avons pas d’élément qui vient corroborer ». Il ressort lui aussi le coup de l’élec et parle d’un « incident technique ». Il conclut : « Rien ne peut justifier de tels troubles », « Ce genre de comportement perturbe le fonctionnement du centre de rétention ». Il demande 3 mois fermes avec maintien en détention.

L’avocate de T. explique que compte-tenu de ses antécédents, il savait ce qu’il risquait en mettant le feu, mais qu’il s’agit-là d’un « acte désespéré ».

La juge donne la parole à T. :

  • T. : « La personne qui était par terre saignait, elle était en danger de mort »
  • Juge : « Merci, la décision sera rendue à la prochaine suspension. »

Voilà, merci, au revoir.
Verdict : 3 mois de prison avec maintien en détention.
Un énième procès, une énième mascarade, une énième peine de prison. Les audiences défilent, mêmes scénarios, mêmes acteur-ices. On ne change pas une équipe qui gagne…

Mais gagner jusqu’à quand ?

Partout et tous les jours, dans les CRA de France et d’ailleurs, les prisonnier-es se révoltent, luttent et se défendent (grèves de la faim, refus de rentrer en cellules, communiqués…). Mais la résistance a un prix, c’est un énième prétexte à la surenchère dans la répression qu’iels subissent déjà au quotidien dans le système CRA. Car non, les « pannes d’électricité » n’existent pas dans les prisons de l’Etat, pas plus que n’existe la justice qui l’accompagne…

A bas les CRA, à bas les frontières et soutien à tous.tes les prisonnier.es !

Crever dans un CRA n’est jamais un accident

Lundi 19 août, un prisonnier est retrouvé décédé dans la cellule où il était enfermé, dans le Centre de rétention administrative de Vincennes. Un jeune homme de nationalité roumaine, rentré depuis quelques jours dans cette prison pour étrangers. Les journalistes ne perdent pas de temps pour répéter qu’il s’agit d’un accident individuel finalement inévitable, que les matons et les autres collabos qui travaillent dans le CRA, n’y sont pour rien : « les premiers éléments d’enquête, notamment médico-légaux, conduisent à écarter l’intervention d’un tiers ».

Selon les journaux, la cause de la mort serait liée à des médicaments. Mais d’où il se serait procuré ces médicaments ? A l’entrée du CRA, tout est saisi et mis au coffre, c’est l’infirmerie du centre qui file les médocs aux prisonniers (bien sûr, surtout des somnifères pour que la situation reste tranquille dans la prison mais aussi des calmants). Certains prisonniers du bâtiment 1 de Vincennes parlent d’overdose de méthadone : dans ce cas aussi, difficile d’imaginer que les keufs ne soient pas au courant. D’autres prisonniers sont plus sceptiques, y voient des responsabilités directes de l’administration et des matons.

En tout cas, les personnes avec qui on a pu parler n’ont pas beaucoup d’infos car dès que son décès a été annoncé, tous les prisonniers de l’aile de sa cellule ont été sortis des bâtiments pendant plusieurs heures, de manière à ce que personne ne sache vraiment ce qui s’est passé. Tout doit être caché, dissimulé, effacé, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une mort. Les morts qu’on dit accidentelles dans les CRA, sont loin d’être rares, en France comme ailleurs.

Le 7 juillet : un détenu du CPR (CRA) de Torino meurt faute de soins. Dans les jours qui suivent, une révolte secoue le CPR. Une tentative d’incendie, des affrontements avec la police, des prisonniers blessés.

L’enfermement pousse à bout et tous les jours dans les CRA en France des personnes se mutilent ou tentent de se tuer en avalant des lames, en s’ouvrant les veines, en essayant de se pendre ou en se gavant de médicaments. Comme Karim qui est mort en 2018 au CRA de Toulouse-Cornebarrieu où il était prisonnier.

Mais crever dans une prison n’est jamais un accident : que ce soit à cause de la violence des keufs, du manque de soins, de l’enfermement, c’est le CRA même qui produit ces morts.

Quelques jours après la mort de ce prisonnier au CRA de Vincennes, dans le même bâtiment, un prisonnier très âgé a eu une crise cardiaque. Les flics ont attendu avant d’appeler les secours, ils vont jusqu’à se moquent de lui alors qu’il est au sol souffrant. Un autre prisonnier réagit, insulte les flics. Résultat : il est placé au mitard. Encore un exemple de comment les keufs pensent pouvoir jouer avec la vie des prisonnier.e.s dans les CRA, un exemple quotidien de résistance et de répression au sein de ces machines à expulser qui sont aussi, bien souvent, des machines à tuer.