Paroles d’enfermés : témoignages de prisonniers du CRA de Sète

On relaie cette brochure qui rassemble des témoignage de personnes enfermées au CRA de Sète et réalisé par un collectif de soutien local.

Paroles d’enfermées-conv

Paroles d’enfermés au CRA de Sète

d’après les entretiens menés par le Collectif toutes et tous étrangers au parloir du Centre de Rétention Administrative de Sète au cours de l’année 2018

Mon patron attend depuis six mois que la préfecture renou-
velle mes papiers. Mon patron est un Français en plus, et je suis en CDI – je suis menuisier et j’aime aller à la pêche à la ligne. Tu sais ce qu’on dit, un pêcheur, c’est un tranquille. Je veux vivre en France pour être normal, travailler, j’ai du boulot ici, personne ne m’attend en Tunisie, ma mère est morte, mon père aussi, je sais pas où je vais aller là-bas, ça m’empêche de dormir. Je prends des cachets. Trois jours que je suis là, je comprends pas pourquoi. Deux heures et demi par jour je m’entraîne – tu veux voir mon badge de salle de sport, combien de fois j’y suis allé ? Ce qui me fait le plus mal, c’est qu’ils m’ont pris devant mon copain et que j’ai même pas vu la mariée. J’étais jamais rentré dans un commissariat avant la garde à vue.

Quand je travaillais pas, j’appelais cent dix fois par semaine la préfecture, ça fait des milliers de fois depuis des semaines, comment faut faire ? J’ai payé 4000 euros l’avocat pour qu’il m’accompagne à la préfecture. J’ai pas besoin de beaucoup d’argent pour vivre, je vais à la pêche et à la salle de sport c’est tout, je sors pas. Même l’autre jour, quand les collègues sont allés voir Marseille au stade, j’ai dit d’accord mais d’abord je vais à la salle de sport,120 kg développé couché, surtout pour le haut, si tu fais trop les jambes aussi, après ça fait moche dans le pantalon – tu veux voir mon badge ?
J’ai arrêté de fumer. J’apprends le français avec ma petite cousine. J’en ai neuf à Nice. Je lui achète des glaces, elle se moque de moi mais j’apprends bien avec elle – suis pas un criminel. J’ai le droit au chômage, je le prends pas. Suis pas là pour profiter, mes cousins me donnent un salaire. Je voudrais être un chat pour toujours, dormir au chaud, pas comme un chien qui dort dehors. Un chat, un poisson ou un oiseau même. J’ai un canard, un chien et j’aimerais bien un serpent. Mon rêve, c’est travailler avec les animaux. Où j’vais dormir en Tunisie ? J’ai plus personne là-bas.

Ça me coupe le sommeil, je prends des cachets. Ma copine est enceinte de neuf mois. Je paie mes impôts, mon dentiste. Suis venu pour vivre tranquille, honnête. J’ai neuf tatouages, tu vois, je suis différent. On m’a pris pour un Français quand je suis arrivé ici.

Avec ma femme, on s’était marié en règle. On s’est marié et tout, mais après les attentats à Nice, son père corse, il a plus voulu, et elle a plus voulu de moi. J’insiste pas, alors j’ai demandé le divorce à l’amiable. Les menottes, la prison, j’ai pas l’habitude. Jamais été chez la police. Le pire, c’est qu’ils m’ont arrêté devant mon copain le jour de son mariage.

Mets-toi à ma place, c’est comme si on te laisse en Espagne, tu vas aller voir chez les gens pour dormir chez eux ? Je peux plus dormir. Où je vais aller là-bas. Ouais, j’aime bien le beau ciel et toutes les musiques. Moi, les poissons, je les relâche parce que j’en mange pas, c’est juste pour le plaisir de les attraper et d’être tranquille là. Je sais pas comment dire ce que je sens, c’est comme une grosse boule dans mon cœur, j’ai fait de mal à personne, j’ai même arrêté la cigarette mais là, y a tout qui s’effondre, tout – qu’est-ce que ça veut dire, pourquoi moi ?

[Mesnil Amelot] Des nouvelles des prisonnières – 26/03/19

Des prisonnières du centre de Mesnil Amelot racontent les conditions d’enfermement et leur quotidien.

Par où commencer : les toilettes sont sales. Il y a des fuites d’eau dans la salle de bain. La chasse d’eau ne fonctionne pas. Le réfectoir est sale. La nourriture est inmangeable. Les portent ne se ferment pas. Les lits font trop de bruit, du coup les filles dorment par terre pour pas déranger les autres. ça sent pas bon et les couloirs sentent les égouts. Une mort douce j’appelle ça. lls ne laissent pas les visiteurs faire entrer de la nourriture chaude.
Il y a tellement de choses à dire et à changer : maltraitance, mauvaise nutrition.
Ils ont prolongé le délai de la rétention de 45 à 90 jours.
Une communauté musulmane, ils cuisinent avec du porc et de la viande. Les retenues malades et qui ont une santé fragile ne sont pas bien prises en charge.
J’ai écrit ça étant sous attarax comprimé calmant.

Autre autre prisonnières poursuit :

Vraiment c’est avec le coeur serré que je parle de ces différentes conditions, c’est vraiment gênant de la part de la France.
– On nous traite comme des chiens et chiennes sans respect, pas de nourriture, les sanitaires sont tellement insalubres qu’on risque de piquer des infections incurrables, les policiers nous traitent comme des moins que rien alors que le sang qui circule dans leurs veines est le même sang que nous.
– On ne mange pas bien, des femmes avec leur bébés et des nourrissons sont enfermées.
– Quand on demande des papiers-toilettes les personnes nous refusent c’est à dire c’est un calvaire total. Hier j’ai été à l’infirmerie pour prendre mon traitement. Il y a une infirmière raciste qui se permet de me dire que je faisais semblant de me faire mourir alors que tout le monde savait que j’avais fait une crise 3 fois depuis le début de cette histoire. Si je pouvais faire une plainte contre cette infirmière je le ferais. j’ai tellement à raconter, donc je préfère le tête à tête avec vous, j’ai vu des choses qui m’ont épatées vraiment.
Je vous remercie.

Baston générale et grosse répression au CRA de Mesnil – Amelot 12/03

Quelques coups de fil de Mesnil

Depuis deux jours ça part en couilles, tout le monde est enfermé!

Les copains de Mesnil – Amelot  pètent des câbles et les embrouilles et bagarres s’enchaînent. Mardi 12, une bagarre générale a eu lie au CRA sous la pression de l’enfermement et de la violence des keufs.

« Il y avait tout le monde, c’était bagarre générale! »

Beaucoup de personnes sont blessées et envoyées à l’hopital. Au total, il y a eu 7 personnes sorties du CRA. 3 ont été envoyées en prison et les autres ont été transférées dans d’autres CRA hors de l’ile-de-france. Les keufs ont gazé tout le monde pendant la bagarre et un keuf a été blessé à la bouche avec une lame. Des prisonniers aussi ont été blessés par des lames de rasoir.

« Les policiers ils savent très bien ce qui se passe, tout ça c’est à cause d’eux. »

Le copain raconte les violences des keufs, la pression constante du centre. Il explique que les flics savent pourquoi ça pète, qu’ils le font exprès en faisant monter en pression les gens enfermés. L’enfermement, le fait de tourner en rond à attendre le tribunal, la visite avec la Cimade ça fait péter des câbles. La seule réponse des centres de rétention c’est une répression encore plus forte. La double peine est imposée en envoyant des personnes en garde à vue et en prison.

Dans le but de bien rappeler qu’au moindre mouvement ils et elles peuvent te degomer, surtout que le CRA et la justice font ce qu’iels veulent.

Depuis mardi dans le centre, les flics ont séparé les deux groupes qui s’étaient battus. Ils ne mangent plus ensemble et n’ont plus accès à la grande cour commune. Comme le racontent les copains au téléphone, c’est bien les keufs qui jouent des gens les uns contre les autres. Comme en taules avec les matons, ils proposent à certains de pouvoir régler leurs comptes hors caméra. Ils encouragent le regroupement des gens par nationalités et désignent certains groupes comme « problématiques ».