Des lettres de prisonniers enfermés au cra de Vincennes en IDF

On relaye ici trois lettre de prisonniers enfermés au CRA de Vincennes.

19/09/2019

Je m’appelle D.H. Je suis au centre depuis le 15 août 2019, je suis venu avec une bonne santé et maintenant je suis pas bien du tout.
Je prends des médicaments que mon corps support pas.
J’ai eu quelques mauvais comportements par certains agents du centre.
J’ai eu une hospitalisation ce mercredi pour une maladie grave, pour l’instant je n’ai eu ni de vol ni de liberté, je suis très fatigué physiquement et moralement, tellement y a beaucoup de stress je souffre et je pense trop.
Même la nourriture n’est pas bonne du tout, les conditions d’hygiène du sanitaire (toilettes, douches) très dégueulasses.
Par contre j’ai eu une longue garde à vue sans traducteur, ni médecin, la police m’a arrêté pour rien du tout, je marchais normalement sans aucune erreur ou bêtise.
Dans ce centre c’est la galère, c’est la souffrance, c’est la misère, les conditions de vie sont insupportables et invivables.
Je suis venu dans le bateau jusqu’en Italie, j’ai vu des morts dans le voyage en mer.

20/09/2019

Je suis au centre de rétention depuis mi juillet 2019, je m’appelle B.B., j’ai eu des problèmes dans le centre, j’ai fait des réclamations pour de raisons de comportement.
Je suis pas libre dans ce centre, il y a du bruit dans le centre, j’ai une grande manque de soleil.
Logiquement je devrai retourner en Hollande (là où ses empreintes ont été prises) mais le juge veux m’envoyer en Algérie.
Concernant la nourriture, je mange pas bien, c’est une nourriture qui n’a pas de goût. Il manque les moyens de recréation.
J’ai fait une évasion, j’ai pas pu récupérer mon argent et mes vêtements (quand il a été chopé et remis en rétention).
Pas de consignes d’hygiène (toilettes, douches). L’eau est pleine de calcaire.
Je veux quitter le centre avec tous les moyens mais sans violence.
Je veux de l’aide de votre part, il y a la galère dans le centre, je veux du soutien.

18/09/2019

Je suis au centre depuis environ 2 mois. J’ai passé cinq jugements. Je ne suis ni libre, ni proposition de vol. J’ai eu des difficultés dans le centre avec quelques agents.
Je travaille, avec des fiches de paie, mais malheureusement la préfecture de police refuse ma demande au séjour.
J’ai pensé aux évasions parce que les conditions de vie sont dures. On trouve dans le centre des malades, la nourriture est médiocre, que des produits en plastique.
On est menotté pour des visites et pour le coffre.
J’ai pas de problème en France, c’était juste pour une vérification de papiers d’identité en partant au travail. Je travaille dans le domaine du bâtiment depuis presque 2 ans, je veux être libre pour retourner à mon travail.
Parfois le distributeur de monnaie ne fonctionne pas.
Merci pour votre attention et pour ce que vous pouvez faire pour nous.
Je suis arrivé au centre début septembre.

Solidarité avec les prisonniers de Vincennes et partout ailleurs

récit des révoltes aux CRA Rennes et Rouen au printemps 2019

Au centre de Oissel y a plus d’un mois une grève de la faim réprimé se transforme en révolte : résultat 8 cellule sur 12 rendue inutilisable. Cette révolte est passée sous silence partout.. sauf dans le CRA de Rennes où une dizaine de prisonniers de Oissel ont été transféré suite à la révolte.

Suite à un vol caché violent des prisonniers du cra de Rennes se révolte et y foutent le feu.. La répression ne se fait pas attendre, déjà 4 d’entre eux ont pris du ferme.

Là au centre (de Oissel près de Rouen) il doit y avoir 4 chambres. En tout y en avait douze. Mais j’crois y a deux trois mois ici ils ont fait une grève de la faim, ils ont démonté les chambres ils ont démoli tous les lits. Là il reste 4 chambres. Chaque chambre c’est 6 ou 8 personnes. Donc là on est ptet 30 ouai… On est quatre chambres, y a deux chambres où la douche elle marche pas.

Bah en fait depuis ça (les grèves de la faim), moi j’étais au centre de rétention de Rennes, je suis rentré le 26 là bas. Et y ‘avait des mecs ils étaient ici à Rouen, ils avaient fait la grève de la faim et tout ça. Yen avait 10 ils les ont tous transférés. Ya 10 personnes ils les ont transférées à Rennes. Et c’est là bas j’ai appris ils avaient fait la grève de la faim et tout ça.

Et moi quand ils m’ont transféré de là bas (Rennes), c’est parce qu’il y a eu un incendie. Et ils ont scotché un mec. Tu sais comment ils font. Ils rentrent dans ta chambre. Ils viennent le soir hein. Ils voient si tout le monde est là. Ils font l’effectif à minuit et ils repassent à deux heures voir si t’es bien dans ta chambre.

A quatre heure du matin ils sont rentrés et à ce qu’il parait ils m’ont dit, moi je sais pas j’étais pas dans le même bâtiment, à ce qu’il parait ils s’apprêtaient à faire la prière. Ils sont venus sur lui, ils se sont jetés sur lui. Une éponge dans la bouche pour qu’il se morde pas la langue, un casque de boxeur sur la tête, pour qu’il se tape pas la tête sur les murs, et menottés par derrière, et scotché menotté les pieds, le mec il touchait pas le sol.

Moi j’ai entendu les cris et tout ça j’étais pas dans le même bâtiment. Il touchait pas par terre le mec. Son vol il a commencé là où il était en fait.

Et les mecs qui étaient avec lui, ses binômes, ceux qui dorment avec lui, ses co, ba ils étaient enragés je crois. Ils ont foutu le feu, devant les caméras.

J’étais en contact avec un tunisien là bas et il m’a dit ils ont pris deux ans deux ans et un an. En plus le Tunisien avec qui je parlais hier il a pris l’avion. Il a dit franchement moi je rentre.

Les mecs ils ont mis le feu, ils ont brûlé les matelas tout ça. Parce que les mecs ils ont brûlé le feu, c’était à l’extérieur. C’est pour dire. A l’extérieur…

Alors les mecs ils ont commencé à foutre le feu dehors, devant les caméras. Je te dis ça parce que vraiment les gens qui prennent deux piges deux piges une pige c’est compliqué tu vois. Ils ont pris deux piges pour ça. Pour avoir brûlé des matelas dehors. Ca veut dire y a rien qui brûle.

Les keufs t’as vu ils sont arrivés, ils ont sorti l’armurerie. Les matraques, les gaz. Ils ont mis les personnes accroupies dans un coin là bas et puis ils les ont dispatchés dans les autres bâtiments. Et la nuit les gens ils ont pas dormi. Parce que les autres bâtiment y a dix personnes ils sont blindés. Ils ont passé une nuit blanche dans la salle télé.

Crever dans un CRA n’est jamais un accident

Lundi 19 août, un prisonnier est retrouvé décédé dans la cellule où il était enfermé, dans le Centre de rétention administrative de Vincennes. Un jeune homme de nationalité roumaine, rentré depuis quelques jours dans cette prison pour étrangers. Les journalistes ne perdent pas de temps pour répéter qu’il s’agit d’un accident individuel finalement inévitable, que les matons et les autres collabos qui travaillent dans le CRA, n’y sont pour rien : « les premiers éléments d’enquête, notamment médico-légaux, conduisent à écarter l’intervention d’un tiers ».

Selon les journaux, la cause de la mort serait liée à des médicaments. Mais d’où il se serait procuré ces médicaments ? A l’entrée du CRA, tout est saisi et mis au coffre, c’est l’infirmerie du centre qui file les médocs aux prisonniers (bien sûr, surtout des somnifères pour que la situation reste tranquille dans la prison mais aussi des calmants). Certains prisonniers du bâtiment 1 de Vincennes parlent d’overdose de méthadone : dans ce cas aussi, difficile d’imaginer que les keufs ne soient pas au courant. D’autres prisonniers sont plus sceptiques, y voient des responsabilités directes de l’administration et des matons.

En tout cas, les personnes avec qui on a pu parler n’ont pas beaucoup d’infos car dès que son décès a été annoncé, tous les prisonniers de l’aile de sa cellule ont été sortis des bâtiments pendant plusieurs heures, de manière à ce que personne ne sache vraiment ce qui s’est passé. Tout doit être caché, dissimulé, effacé, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une mort. Les morts qu’on dit accidentelles dans les CRA, sont loin d’être rares, en France comme ailleurs.

Le 7 juillet : un détenu du CPR (CRA) de Torino meurt faute de soins. Dans les jours qui suivent, une révolte secoue le CPR. Une tentative d’incendie, des affrontements avec la police, des prisonniers blessés.

L’enfermement pousse à bout et tous les jours dans les CRA en France des personnes se mutilent ou tentent de se tuer en avalant des lames, en s’ouvrant les veines, en essayant de se pendre ou en se gavant de médicaments. Comme Karim qui est mort en 2018 au CRA de Toulouse-Cornebarrieu où il était prisonnier.

Mais crever dans une prison n’est jamais un accident : que ce soit à cause de la violence des keufs, du manque de soins, de l’enfermement, c’est le CRA même qui produit ces morts.

Quelques jours après la mort de ce prisonnier au CRA de Vincennes, dans le même bâtiment, un prisonnier très âgé a eu une crise cardiaque. Les flics ont attendu avant d’appeler les secours, ils vont jusqu’à se moquent de lui alors qu’il est au sol souffrant. Un autre prisonnier réagit, insulte les flics. Résultat : il est placé au mitard. Encore un exemple de comment les keufs pensent pouvoir jouer avec la vie des prisonnier.e.s dans les CRA, un exemple quotidien de résistance et de répression au sein de ces machines à expulser qui sont aussi, bien souvent, des machines à tuer.