S’opposer aux déportations : résistances quotidiennes au CRA de Vincennes

On le répète souvent : les résistances dans les prisons pour sans-papiers sont quotidiennes, tout comme les violences des keufs et la repression. Un copain du CRA de Vincennes a appelé pendant l’émission de l’Envolée du 19 décembre pour raconter quelques épisodes qui ont eu lieu il y a trois semaines : un séjour en garde-à-vous à cause du refus de voir un consul (c’est le consul qui signe les laissez-passer grace auxquels les prisonniers-ères sont expulsé.e.s) ; une « nuit blanche » où des prisonniers solidaires ont tenté d’empecher des expulsions ; un groupe de prisonniers qui déchire sa carte du CRA en signe de protestation…

Voici la retranscription de la discussion durant l’émission qui est disponible plus bas :

-Bonjour. (intervenant)

-Salut. (animatrice)

-Je suis au CRA de Vincennes, à Paris. J’ai parlé avec des gens m’ont proposés de parler avec vous.  Seulement pour raconter un peu de mon histoire et tout ce que j’ai remarqué dès le moment où j’étais prisonnier dans ce centre-là. (intervenant)

-Çà fait trente jours que tu es dans le CRA ?  (animateur)

-Oui c’est ça monsieur, ça fait un mois que je suis là.  (intervenant)

-Et dernièrement ils ont voulus te faire voir le consul,  peut-être que tu voulais raconter d’autres trucs avant ? (animateur)

-Voilà, c’était la première fois que l’on m’a appelé pour voir le consul. J’ai accepté mais la police s’est trompée et ils ne m’ont pas ramenés à l’ambassade de mon pays d’origine. Voilà, j’ai accepté de passer à l’ambassade de mon pays d’origine. Avec la police pas de problème jusqu’à ce qu’on soient entrés dans l’ambassade de mon pays d’origine. J’étais devant le consul, qui m’a montré le dossier que la préfecture lui avait transmis. Il m’a montré tout le dossier et à l’intérieur il y a quelque chose qui m’a choqué.
Après ça j’ai décidé de refuser tout les rendez-vous (consulaires) que l’on pourrait me proposer après. Pourquoi ? Je vais te dire pourquoi. J’ai remarqué que dans ce dossier il était écrit que j’avais déposé une
demande d’asile (en France). Depuis ma demande d’asile ça fait presque deux ans que je vis en France.
Au bout de deux ans on a refusé ma demande. J’ai déposé un recours pour ma demande mais je n’ai pas reçus de convocation avant D’être arrêté à Paris. J’ai été placé en garde-à-vue au commissariat. Dans le
commissariat on me dit : « vous avez une OQTF  monsieur ». Je leur ait répondu que non je n’avais pas d’OQTF. Après j’ai été transféré au centre, ça va, la nourriture n’est pas bonne mais c’est pas grave. Au
vingt-huitième jour on m’a programmé une visite à l’ambassade. Mais je savais que nous les demandeurs d’asile avons le droit, même si l’État refuse notre demande d’asile ici en France, qu’au moins il ne révèle pas à notre pays d’origine que l’on a demandés l’asile. Ca risquerai de créer des problèmes si jamais on retourne chez nous.

Si on rentre chez nous automatiquement il y aura un contrôle à l’aéroport de notre pays d’origine et on nous demandera pourquoi on a déposé une demande  d’asile, pourquoi on est pas bien dans notre pays. Vous imaginez comment ça se passe dans les pays en Afrique en général.

C’est pas comme en Europe. Vous le savez et tout le monde sait ça. On va vous dire que vous êtes contre votre État, que vous êtes contre votre gouvernement, on va te créer des problèmes si toi tu n’as participé à rien. Quand votre état d’origine sait que vous êtes un
demandeur d’asile dans un État étranger ça va vous créer beaucoup de problèmes. (intervenant)

-Et là tu as vu qu’en fait cette demande d’asile dans le  dossier du consulat ? (animateur)

-Oui tout à fait mon ami. La troisième fois j’ai refusé d’aller au consulat, alors ils m’ont placés en garde-à-vue. Je suis passé devant un tribunal pour cette affaire là, ils m’ont fait lire un papier comme quoi
je risquai trois ans de prison parce que j’ai refusé de d’aller à l’ambassade. Ça n’est pas normal de faire trois ans de prison parce que tu as refusé de voir le consul. J’ai trouvé que c’était bizarre. Ils ont d’autres manières de connaître mon identité, ils n’ont pas besoin de m’amener à l’ambassade. (intervenant)

-Parce qu’en fait ce qu’il faut rappeler c’est que quand l’état français décide d’expulser des gens il faut qu’il y ait un accord de la part du pays dans lequel les personnes sont renvoyées. C’est pour ça qu’il y a
besoin de faire toutes ces démarches auprès du consulat. (animateur)

-Dès le moment ou je suis au commissariat, automatiquement ils ont mes papiers, mes empruntes, ils ont toutes les preuves (de mon identité). Ils ont mon adresse, mon dossier de demande d’asile. Ils ont beaucoup de preuves et n’ont pas besoin de passer par l’ambassade. Même s’ils ont le droit de m’amener à l’ambassade, au moins qu’ils ne mettent pas dans le dossier comme quoi je suis un demandeur d’asile. Et comme ils ont refusé ma demande ils n’ont pas à prévenir mon pays d’origine. Au moins. On est venus en France parce qu’on est déjà en danger. Peut importe quel danger, mais en plus ils vont nous causer de gros problèmes. Au moins qu’ils ne nous mettent pas en danger en disant : « ce monsieur il n’a pas de papiers, il n’a pas le droit de rester, c’est pour ça qu’il faut qu’il quitte la France ». Ça va, on peut rentrer tranquillement selon eux mais on ne peut pas imaginer les problèmes qu’on va rencontrer en rentrant. (intervenant)

-Ça ne justifie pas que l’on renvoi qui que ce soit mais bien sur c’est encore pire de renvoyer quelqu’un dans ces conditions. Alors que tu te protégeais en allant pas au consulat, les keuf te foutent en garde à vue ! (animatrice)

-Après la garde à vue ils m’ont amenés au tribunal de Clichy et après devant le juge. Il m’a dit : « pourquoi vous avez refusé d’aller au consulat ? Vous ne voulez pas partir ? ». J’ai répondu que non je ne voulais pas partir. J’ai des problèmes et en même temps la  préfecture de police de Paris va encore me rajouter des problème. J’ai dit que le jour où j’ai demandé l’asile à l’OFPRA, la préfecture m’a donné une brochure avec mes devoirs et mes droits. Dans mes droits il y est écrit que si ma demande est rejetée mon état d’origine ne saura aucun détail. La demande reste secrète. C’est entre moi et l’état français, mon état d’origine ne doit pas le savoir. Le juge m’a relaxé, il a reconnu que j’avais des raisons sérieuses de ne pas vouloir me rendre au consulat. (intervenant)

-Ça ne va pas solutionner le problème parce que tu es toujours en CRA. (animatrice)

-Je suis retourné au CRA mais je vous dirai une chose aussi. Ils font des trucs bizarres avec nous. Le jour ou je devais passer devant le juge des libertés c’était le quatre décembre. C’est à dire le jour où ils m’ont placés en garde-à-vue. C’est comme ça que j’ai perdu mon droit à passer devant le juge des libertés. (intervenant)

-Et comme ça tu es obligé de refaire trente jours.  (animatrice)

-Je suis obligé de passer encore trente jours là avant  de voir le juge et pendant ce temps là il peut se passer  beaucoup de choses. Ils ont volés mon droit à passer  devant le juge et avec un peu de chance être libéré, je  ne sais pas mais il faut laisser leur chance aux gens.  C’est un droit.
Le soir ou je suis rentré du tribunal j’ai trouvé un jugement comme quoi j’avais trente jours de plus pour absence. Le juge m’a condamné parce que j’étais  absent puisque à ce moment là j’étais en garde-à-vue.(intervenant)

-Tu ne peux pas faire appel sur ça ? (animateur)

-J’ai fait appel mais ils ont refusés. (intervenant)

-Ils ont refusés alors que tu n’as pas pu te défendre et te justifier. (animateur)

-C’est écœurant de voir ça. (animatrice)

-Et ça n’est pas seulement mon histoire. Il y a plusieurs histoires de ce genre là. Les détails changent mais comment dire, a gauche à droite on entends es gens qui ne connaissent pas bien leurs droits et ils (la police et la préfecture) en profitent pour jouer comme ils le veulent. Ils te font perdre ton temps, ils rejettent tes appels, il y a trop de qui n’est pas prise en compte. (intervenant)

-En plus à Vincennes en ce moment il y a  particulièrement d’actions. Il y a eu des tentatives d’évasion non ? (animateur)

-Oui plusieurs fois. Depuis que je suis dans le CRA, plus de quatre fois. Il y a des gens qui ont cassés le plafond pour sortir. Qui ont cassés des fenêtres pour sortir, les toilettes aussi. Ils ont enlevés les toilettes pour descendre en bas. Mais chaque fois ils se font
arrêtés et ils n’arrivent pas à sortir. (intervenant)

-Il y a eu de la répression après ? (animateur)

-Oui de la garde-à-vue, des garde-à-vue de 48H directe. (intervenant)

-Ils sont jugés directement après ? (animateur)

-Non, non, ils sont transférés dans un autre CRA mais on reste en contact avec eux. Ils restent simplement en garde-à-vue 48H sans rien ajouter à leur casier. Souvent ils font leur garde-à-vue dans une chambre, seuls, à l’intérieur du centre. (intervenant)

-Mais non ?! Ca n’est pas du tout légal. Normalement les locaux de garde-à-vue c’est des locaux bien  spécifiques déterminés par la loi. C’est pas possible. Putain c’est de la folie. (animateur)

-Mais dans le centre de rétention ?! (animatrice)

-C’est pas un problème pour eux monsieur, ils savent qu’on a pas de preuves. Ils cachent tout. Il y a des endroits où il n’y a pas de caméras. Mon ami qui est à coté me dit que c’est pire que la police de chez nous. (intervenant)

-On a de la souffrance ici, on a de la souffrance, camarades. (deuxième intervenant)

-On imagine. On m’a dit que collectivement vous aviez faits des actions pour éviter la déportation d’un de vos potes. (animateur)

-Oui oui on a fait une nuit blanche, on étaient d’accords. Presque une centaine de personnes ici. On était rassemblés dans la cour du centre. Personne ne devait dormir. On a discutés. Après ils ont fait rentrés plus de policiers. Ils ont ramenés 20 policiers, ils ont menacés de nous ont gazés pour nous ont renvoyer dans nos chambres. On a pas bougés. (intervenant)

-Quand vous avez refusés de bouger, qu’est-ce qui c’est passé ? (animateur)

-On a parlés au commandant, il a essayé de nous calmer mais nous on voulaient pas dormir. On reste ici debout. On ne veut pas dormir c’est notre droit. Il a dit : « quand je vais chercher quelqu’un je vais le chercher, je m’en fous de vous. J’ai l’expérience de ça, je peux prendre qui je veux, vous ne pouvez pas m’empêcher de prendre l’un d’entre vous ». Ils ont essayés de nous faire peur mais on a pas bougés. D’abord ils ont seulement sortis leurs gazeuses pour nous effrayer. On est restés solides jusqu’à six heures du matin.  Malheureusement ça n’a pas marché, ils auraient pu êtres plus violents. (intervenant)

-J’ai entendu que d’autres avaient déchirés leurs cartes. (animateur)

-Oui c’est au même moment. La même nuit ou l’on a fait la nuit blanche. Plusieurs personnes ont déchirés leur carte, ils ont dit : « on est déjà sans-papiers alors ça ne change rien ». (intervenant)

-Vous avez raison. Franchement c’est hyper classe toute la solidarité que vous venez de faire avec votre pote. Ça n’a pas marché parce que de toute façon ils sont plus forts mais c’est important de résister de cette manière. (animateur)

-Ce qui est sur c’est que ce problème là , ça ne va jamais se finir. Les gens, même si on les renvois dans leur pays d’origine, au bout d’un moi, deux mois ils vont retourner en France. Le problème c’est que lorsqu’ils reviennent de cette façon là, après ils ne reviennent pas avec de l’amour pour la France. Même s’ils avaient essayés de mener une vie sérieuse, ça change le caractère avec le stress. On quitte notre pays, on imagine que la France c’est un pays bien, un pays de droit, de sécurité, c’est ça qu’on imagine. Mais quand on vient ici, à la fin c’est le contraire. (intervenant)

-Est-ce que ton poto à coté veut parler ? (animateur)

-Je veux remercier pour votre aide à retransmettre  notre parole, ça nous donne du courage, je vous passe mon ami. (intervenant)

-Bonsoir. (deuxième intervenant)

-Bonsoir. (animateur)-Salut. (animatrice)

-Je suis en France depuis onze ans. J’ai fait mes études ici, je suis quelqu’un de bien, j’ai un casier judiciaire vierge. (deuxième intervenant )

-Après on sans fout, même avec un casier tu devrais avoir le droit de vivre ici. (animateur)

-J’ai trouvé beaucoup de problèmes ici. On nous traite comme des groupes de voyous, vraiment dans notre France. Nous sommes ici pour construire notre vie. Je suis avec des voleur ici, avec la police, j’ai pas compris. (deuxième intervenant)

-Oui ben moi aussi je vole, j’ai volé mais ne t’inquiètes pas c’est pas contagieux. (animatrice)

-Ce qui est sur c’est que la promiscuité dans les CRA ça ne simplifie rien. Tu te retrouves à vivre avec des gens que tu n’as pas choisis mais ça ne veut pas dire que c’est parce-qu’ils sont voleurs que tu ne
t’entends pas bien avec eux. (animateur)

-Ici on ne peut pas dormir plus de deux heures trois heures. On ne peut pas fermer la porte et chaque nuit ils nous contrôlent. Chaque fois, chaque fois, chaque fois. (deuxième intervenant)

-Ils utilisent des pratiques qui vous fatiguent moralement, physiquement pour le jour J de l’expulsion. (animatrice)

-Oui c’est pour ça. Et quand tu passes devant le juge  des libertés ta demande est déjà rejetée avant que tu ne sois arrivé. (deuxième intervenant)

-On va devoir passer à autre chose mais continuez à rester solidaires comme vous le faites à l’intérieur. Ne vous opposez pas entre vous soi-disant entre les gentils et les méchants, les voleurs, les pas
voleurs. (animateur)

-C’est ce qu’ils cherchent au final quand même les keufs, à vous diviser. (animatrice)

-Le mieux c’est que vous restiez solidaires entre vous et que vous vous battiez. Plein de force, plein de courage, n’hésitez pas si vous voulez rappeler la semaine prochaine. (animateur)

-Merci vous êtes très gentils. Au-revoir ! (deuxième intervenant)

Voici son témoignage à écouter (à partir de la minute 38) :

EMISSION DU 6 DECEMBRE 2019

A bas les médecins et les infirmiers collabos !

Le CRA est un des maillons le plus brutal du système de l’expulsion : isolement, harcèlement et menaces, sous-nutrition, attente et ennui, expulsion à tout moment.

Les médecins et les infirmiers collaborent activement au fonctionnement de ces prisons : ils refusent de filer les medocs aux prisonniers-ères qui en ont besoin, ils filent des calmants et similaires aux autres pour shooter les gens et pour essayer de pacifier la situation. On relaie ici le témoignage d’un prisonnier d’un CRA francilien, qui parle de tout ça.

Voilà pourquoi ce n’est jamais un accident si quelqu’un.e crève dans ces taules, comme c’était le cas de Mohamed, mort au CRA de Vincennes le 8 novembre. Le CRA, c’est une boucherie, une machine à tuer.

« Même moi j’ai fait la grève deux jours quand je suis arrivé, mais les policiers ils s’en foutent, et ya 2 mois ils ont fait la grève, les policiers ils les ont menacés de carrément plus donner les repas. Franchement j’ai tout fait pour sortir au jld (juge des libertés et de la détention), je sais pas ce que je fous là, j’ai toute ma famille ici.

Mais je suis allé à l’infirmerie, je leur ai demandé de me donner quelque chose parce que je fume et je voulais me calmer un peu et ils m’ont donné des choses super fortes, j’ai pris leurs cachets je me suis senti hyper mal… et des fois, je fais des crises, parce que j’ai des petits traumatismes de quand j’étais jeune, et l’infirmière, elle me dit que je fais semblant de faire des crises. Et maintenant je suis obligé de prendre ces cachets.

Hier j’ai arrêté de prendre les médicaments, j’étais trop mal, ils ont dit au médecin de descendre, il m’a même pas vu au final. L’autre fois, je suis même tombé sur la tête, ils ont du me ramener à l’hôpital. Des fois, je pète les plombs, on nous trop parle mal, parce que j’en peux plus, ils me ramènent l’infirmière, elle me menace, elle me dit on va te mettre en hôpital psychiatrique, on va te piquer. L’autre fois ils me ramènent au juge, ils m’avaient attaché les pieds, franchement, je vais en finir.

Les policiers ils boivent après ils nous poussent, ils nous insultent, jte jure ça empeste l’alcool. Moi je pète des plombs et après ils envoient des rapports à la préfecture. Pour ça, personne ne parle ils ont peur. »

Tout est fait pour désarmer les personnes qui se retrouvent à l’intérieur… détruites pour être plus facilement expulsable. A l’intérieur, il ne reste plus que le rapport de force direct pour tenter de ne pas complètement se faire bouffer. A l’extérieur, nous devons créer et renforcer la solidarité réelle, qui parte de la parole et des luttes des prisonniers-ères pour entraver et détruire, avec tous les moyens, la machine à expulser.

Pour ça, une assemblée contre les CRA se réunit chaque mercredi à 18h, au CICP (21ter rue Voltaire).

Contre le refus de soin, un prisonnier en grève de la faim depuis 7 jours

Voici le témoignage d’un prisonnier au CRA de Vincennes, en grève de la faim depuis 7 jours (5 au moment du témoignage) pour dénoncer l’enfermement et le refus de soin qu’il subit. Assez de violences policières et médicales ! Organisons le soutien à l’extérieur !
 
Comment ça se passe à l’intérieur ?

Hier soir y a un policier qui traite comme des chiens les gens ici. Quand tu demandes un truc, Assfam ou quelque chose, il te frappe, il te cogne contre la porte.
La bouffe est immangeable, j’ai un problème dans l’estomac, mon estomac est déchiré, j’ai une ulcère et je peux pas manger comme ça. Normalement je me soigne normalement, je me soigne et tout, mais ici ils ne te donnent pas les médicaments mais de calmants. Et ça ne soigne pas, ça devient encore pire et après c’est mort.

C’est pour ça que t’en en grève de la faim ?

Moi je suis en grève parce qu’ils m’ont ramené ici et ils ont dit On va t’expulser en Algérie. Moi j’ai dit d’accord, je suis pas contre, vous allez m’expulser. Mais le juge a dit qu’on me laisse un mois ici. Et moi j’ai dit : Pourquoi ? Il m’a dit tu restes un mois ici. Moi j’ai dit, dans mon dossier y a rien du tout, ni procès ni rien, je vis depuis 5 ans avec une femme… mais sans les papiers. J’ai ramené les preuves des factures etc, les preuves de 5 ans de vie en France. Mais rien, le juge a dit tu restes un mois. Et après un mois, ils te donnent un autre mois. Pourquoi ? Je suis malade et j’ai accepté de partir, pourquoi vous voulez me laisser ici 90 jours ? Pourquoi je perds mon temps ici. Je ne suis pas hors la loi, je travaille tranquillement, je n’ai pas eu de problème avec la police ni rien, juste un problème avec mon passeport, l’ambassade de l’Algérie ne veut pas donner mon passeport.

Et après si tu demandes de t’acheter quelque chose (à l’Ofii) ils te donnent que des cigarettes, t’as pas droit de faire rentrer la bouffe, ils te donnent que du poison. La dernière fois y a un ami qui a ramené de la bouffe et les flics m’ont dit Tu manges ici (en parloir), ça ne peut pas rentrer. Mais moi je peux manger seulement des trucs cuits à la vapeur, ni de viande ni le reste, pourquoi ça ? L’autre fois y a un mec qui avait mal aux dents mais ils lui ont rien filé. Pour ça, je préfère ne pas manger, je préfère mourir tranquillement. Soit vous me renvoyez dans mon pays, soit je sors, vous me libérez.

Ça fait combien de jours que tu manges pas ?

ça fait 5 jours que je ne mange pas. Je demande qu’ils m’achètent de la bouffe mais ils refusent, que des cigarettes, que du poison, et le paquet ça coûte 10 euros. Que des trucs immangeables.

Les médicins sont passés ?

Les médicins, ou infirmiers je sais pas, ils te donnent que le poison, que des cachets de poison.
Ils te donnent que des cachets pour dormir, pour te droguer, tu deviens comme un fou, comme un toxique, comme les accros qui traînent dans le métro. Ils te donnent des trucs qu’après ça se termine comme pour le tunisien qui est mort ici. Moi j’ai dit, je veux descendre (rentrer au bled), dès le premier jour j’ai dit ça, mais vous me laissez pas ici. Ils te disent Non tu restes ici, pour te voir souffrir. C’est ça le problème.

Et tu parlais des flics tout à l’heure…

Hier ils sont rentrés, les flics, et un il provoque tout le temps, hier il en a frappé deux, deux ! Il te prend pour provoquer, dès que tu réponds il te frappe. Hier il a frappé deux qui ont rien fait. Un s’est ouvert dans sa tête, il a des pincements, un avait déjà fait une opération avant et il avait une barre dans sa main et après qu’il a été frappé la barre a bougé et maintenant il peut plus bouger sa main.

Et entre vous, vous arrivez à rester soudés ?

Entre nous, nous on est tranquille. Par exemple, on a pas droit de prendre du café, la machine de café ne marche pas depuis un an, même le Nescafé tu peux pas l’acheter, que de cigarettes et un téléphone. Si tu veux boire un café et t’as pas de visites, tu fais comment ? Du coup par exemple, si une personne me demande de boire du café moi je donne le mien, on fait comme ça, on partage.

Quand quelqu’un est malade, moi je ne demande même pas qu’ils me soignent avec leur argent, mais avec le mien. Quand tu prends quelqu’un qui est un ouvrier, qui travaille, qui n’est pas hors la loi. Quand le juge te laisse dédains encore un mois, qu’est-ce que ce ça signifie ? Ça veut dire quoi ? c’est quoi la loi ? Ça dépend du juge avec qui tu tombes. C’est pas la loi ça, c’est injuste.
C’est à cause de ça que je mange pas.