« Papiers ou sans papiers, je dois vivre. » Témoignage d’un prisonnier du CRA du Mesnil Amelot

Nous retranscrivons ici le témoignage d’un prisonnier du Mesnil Amelot :

La première fois c’était en 2013, à Paris au Mesnil Amelot. J’ai été libéré après 2 jours, 48 heures, quand je suis passé devant le jld j’ai donné toute mes preuves, une adresse fixe et mes démarches d’asile, qui n’a pas abouti. En 2014 je suis fini à Metz, j’ai 45 jours là bas, après pour la déportation j’ai été transféré à Plaisir et puis à l’aéroport. Ils te mettent dans des boxes… Ils m’ont scotché et ramené dans l’avion, les passagers disaient « on peut partir avec lui » mais les flics les ont menacés, ils m’ont torturé. J’ai été renvoyé chez moi au Cameroun. Je suis revenu en 2017 en situation irrégulière. En octobre 2018 j’ai été contrôlé et j’ai été amené en CRA malgré le fait que j’étais pacsé. J’ai été un des derniers à « profiter » de 45 jours, en décembre j’ai été libéré. En décembre 2019 à nouveau un contrôle, on m’a amené au CRA de Palaiseau et j’ai été libéré au bout de deux jours, j’étais marié. Mais en janvier dernier, après un contrôle on me remet une convocation soi-disant pour vérifier mon titre de séjour, parce qu’il y avait pas assez de pièces… Là ils m’ont retenu et amené au CRA, ici à Mesnil. Au bout d’un mois et 8 jours ils m’ont programmé un vol, bien que je sois marié avec une française. Ils disent que c’est à cause du fait que mon passeport est périmé, alors que ma carte d’identité est valide. J’ai un récépissé des démarches de renouvèlement de mon passeport, mais le consul a quand même donné un laissez-passer. J’ai fait appel deux fois, j’ai un vol programmé le 28 février. Je suis fatigué, je veux rentrer au bled et trouver une solution, revenir. Ma femme me soutient mais c’est dur, depuis 2014 comme ça…

J’ai eu une interdiction du territoire e un OQTF. L’avocat a fait retirer l’interdiction mais je dois respecter l’OQTF. Chez moi ça va être dur le retour, les ambassades sont dures au bled, mais je préfère avoir ma liberté dans mon pays que rester enfermé dans des conditions si mauvaises. Au tribunal il y avait la grève des avocats, deux fois j’ai pas eu d’avocat j’ai dû me défendre tout seul. Au premier tribunal, au deuxième prolongement, à la cour d’appel, jamais il y a eu d’avocat. Tu sais, y a des juges qui sont pas cléments, ils regardent pas la réalité, ils essaient même pas de faire leur travail, ils essaient juste de te faire condamner.
Normalement j’ai tout, j’ai tout ce qu’il faut, après l’état doit faire ce qu’il a à faire. Papiers ou sans papiers, je dois vivre. Tu peux pas vivre en France sans que la police te contrôle. Tu te dis « essaie, essaie, même s’il faut rentrer chez toi ». Je suis trop épuisé. Parfois tu penses que ça sert à rien, pour moi ça fait dix ans, onze ans même, depuis 2009 j’ai quitté mon pays. En dix ans t’as pas de visa, pas de titre de séjour, pose toi des questions, au bout de onze ans tu te dis faut faire le plus difficile. La préfecture ils doivent faire les choses dans la logique, regarder les dossiers de gens, voir les démarches qu’ils ont fait. Ils nous rendent fous, tu vois c’est pour ça dans les foyers y a des gens qui finissent en psychiatrie, on les traite comme des fous. J’ai la patience moi, je sais que ça va aller.

Ici ils nous provoquent. A la fouille par exemple, tu vois elle est programmée, je devais envoyer un mail, j’ai demandé aux flics et ils ont récupéré mon téléphone, on peut pas avoir de smartphones ici. J’ai filmé le document pour l’envoyer, le réseau a déconné, il déconne souvent ici, ça partait pas. Le flic m’a dit « c’est fini » alors que ça faisait même pas dix minutes. Directe il a mis ses gants pour me brutaliser, je lui ai dit « pourquoi, ça sert à rien, je t’ai pas cherché », l’autre collègue il est venu me calmer, je lui ai dit qu’il allait me brutaliser. Y a d’autres ils sont humains, y a d’autres ils nous traitent comme de la merde, ils veulent pas savoir. Je cherche pas d’ennui, ça sert à rien. Mais bon, c’est la vie. Toi tu vas avoir le dernier mot et je sais ça. Il y a des gars qui se bagarrent, mais je comprends tu vois, tu pètes un cable. C’est trop. En 2018 j’ai dit c’est la dernière fois, mais comme le statut n’a pas changé, je suis à nouveau ici.

A bas les CRA !

Une nouvelle évasion à Oissel ce week-end !

Encore une nouvelle évasion hier matin à Oissel: vers 11h un prisonnier à réussi à passer par la promenade et à se tirer ! C’est la troisième en une semaine: un prisonnier avait profité d’un feu de cellule pour se barrer le week end dernier, puis un autre a réussi à se casser de l’hôpital. Beaucoup de force à lui (et eux) on espère qu’il est déjà loin !
Juste après les keufs foutent la pression aux prisonniers et refusent de servir direct le repas. Tout ça se rajoute aux tensions déjà présente ces dernières semaines: depuis le 22 janvier des prisonniers luttent face aux violences policières et la collaboration de France terre d’asile (l’asso présente dans le CRA). On relaye ici un témoignage d’un prisonnier qui raconte l’ambiance juste après l’évasion.
Pour rappel pour appeler directement les prisonniers, comme dans la majorité des CRA y a des cabines où ils peuvent répondre directement. Pour Oissel côté homme:  02 35 68 61 56 / 77 09
 
 
 
En ce moment tout le monde est entrain de se gratter parce qu’y a un gars qui est rentré avec la gale. J’ai demandé le médecin pour qu’on ait des médicaments on m’ a dit y a pas.
Y en a un autre qui s’est évadé ce matin vers 11h-11h30 et ils nous ont pas donné à manger jusqu’à 14h. Ca fait trois jours qu’ils font pas de ménage, quand on a demandé au policier ils nous disent que c’est par rapport au coronavirus. Ils ont pas peur d’eux, mais il s’en foutent de nous clairement.
C’est pas notre problème si le gars s’est évadé. C’est leurs problèmes.
Y a des gens qui vont se suicider, y a un mec ca fait quatre jours il a pas mangé. Y en a qui avalent des trucs en métals, d’autres du shampoing. C’est chaud.
Y a pas de droit de l’homme ici a l’intérieur, y a pas. 
Des que tu demandes un truc on te repond demain demain. On se fout de toi quoi.
Le truc pour allumer la cigarette il marche pas, donc quand on tape sur la porte pour avoir un briquet ils nous font galerer pendant 20 minutes. Alors qu’à la caméra ils voient bien qu’on galère et qu’on tape.
Y a des insultes et des provocations tout le temps ici.
C’est un truc de ouf ce qui se passe ici. Déjà dans une cellule y a pas la porte des toilettes donc c’est pas possible d’être ici. Vous voyez  qu’y a pas de droit de l’homme y a rien du tout. »
 
Solidarité avec tou.tes les prisonniè.re.s !
Pour rappel pour s’organiser en IDF, assemblée contre les cra: Rdv tous les mercredi à 18h au 21 ter rue voltaire (CICP), métro rue des boulets (l9).

Vincennes, Oissel, Mesnil Amelot : une nouvelle année de luttes contre les CRA a commencé !

Depuis deux mois, les luttes des prisonniers-ères sans-papiers dans les centres de rétention administrative (CRA) sont intenses et déterminées. La répression ne se fait pas attendre : on ne peut pas regarder sans réagir !

A l’extérieur des CRA, les rafles, les contrôles au faciès, les expulsions des campements continuent sans cesse et permettent de renfermer et de déporter de plus en plus d’étrangers-ères (27.000 expulsions depuis Mayotte en 2019, 18 906 expulsions depuis la France hexagonale en 2019 contre 15 677 en 2018). A l’intérieur des ces prisons, les personnes enfermées qui n’ont pas les « bons papiers » s’organisent et se révoltent, contre les violences policières, contre des conditions d’enfermement vraiment pourries, mais aussi pour obtenir la liberté et pour que ces lieux disparaissent.

Ils et elles nous montrent que ce ne sont pas les pétitions, les articles journalistiques, les visites des élu.e.s ou l’indignation citoyenne à pouvoir ralentir et enrayer cette machine d’enfermement et d’expulsions, mais les luttes des prisonniers-ères. C’est pour soutenir ces luttes qu’il est urgent et nécessaire, à l’extérieur, de construire une solidarité active.


          • Oissel : en lutte contre les violences des flics et contre celleux qui les couvrent

Les copains qui sont passés dans le CRA de Oissel disent tous la même chose : passages à tabac systématiques, humiliations quotidiennes, racisme, la cellule d’isolement (mitard) où les prisonniers, menottés et casqués, sont frappés violemment… Fin janvier, après que les keufs aient tabassé un prisonnier qui protestait contre la mise au mitard d’un autre prisonnier, les prisonniers du CRA de Oissel ont lancé une lutte qui continue jusqu’à aujourd’hui.

Des grèves de la faim et des résistances collectives se sont organisées, un collectif de prisonniers a fait sortir plusieurs communiqués, où il dénonce les violences subies, les conditions d’enfermement et la collaboration entre France Terre d’Asile (FTDA) et les condés. Leurs paroles et leur rage sont sorties des murs de la prison, malgré les tentative des keufs, des journalistes et de FTDA de les faire taire et de les isoler encore plus.

Les flics ont intimidé tout le monde, déporté et transféré certains prisonniers vers d’autres CRA, tabassé d’autres. Dans les journaux les prisonniers sont décrits comme des individus « manipulés » par l’extérieur. La seule parole relayée par la presse est celle des flics, qui justifient les violences et qui décrivent Oissel comme un hôtel à 5 étoiles. France Terre d’Asile, l’association qui est payée par l’État pour fournir un suivi juridique aux prisonniers-ères de Oissel, montre une fois de plus son vrai visage, en soutenant la version des keufs et niant celle des prisonniers.

Malgré la répression et les mensonges de FTDA et des flics les prisonniers restent déters, et ils continuent à rappeler à l’administration du CRA qu’ils n’ont besoin d’aucune manipulation de l’extérieur pour se révolter contre leurs conditions d’enfermement. À l’extérieur un groupe de personnes solidaires et ennemies de toutes les prisons a montré sa complicité à la lutte de Oissel en rappelant à Pierre Henry, le directeur général de FTDA, quelle est la place de ceux qui font du profit sur l’enfermement des gens. Lundi dernier lors d’une discussion publique où il était censé présenter sa liste aux élections municipales du 10e arrondissement il a été contesté et empêché de parler. Pas de place pour les collabos !

Des assos de Rouen ont appelé à un rassemblement devant le CRA le 15 février dernier en solidarité avec les prisonnièr.e.s enfermées.

On rappelle que dans cette prison y a aussi un batiment pour enfermer les femmes étrangèr.e.s. Elles sont très peu nombreuses (7 à 8 prisonnières ces dernières semaines) et donc particulièrement sous pression des keufs, insultées, menacées de déportation tout le temps.

Entre temps, les résistances et les luttes dans le CRA n’ont pas arrêté : samedi dernier, une cellule a pris le feu, et un prisonnier est arrivé à s’échapper de la prison pour sans-papiers. Bonne cavale à lui, et courage à toustes les autres ! Hier aussi, lundi 24 février, un prisonnier est arrivé à s’échapper…


            • Vincennes : le CRA en feu !

Le premier février les prisonniers du bâtiment 2A du CRA de Vincennes lancent une grève de la faim, qui tient trois jours mais elle est violemment réprimée. Pendant 3 jours, ils ont refusé de manger à la cantine, ils sont restés soudés et solidaires, mais ont dû faire face à la répression violente de la part des keufs.

Les flics ont tout fait pour faire craquer les gens et casser la lutte : samedi soir, au début de la grève de la faim, les prisonniers sont renfermés dans le bâtiment et ils sont fouillés dans toutes les cellules; dimanche, un prisonnier est tabassé par les keufs, qui refusent aussi l’accès à l’infirmerie pour les prisonniers malades; lundi, les prisonniers se font réveiller par des douches anti-incendie, d’autres tabassages ont lieu, les keufs viennent avec les chiens; mardi, l’eau du bâtiment est coupée, pas de douches ni rien.

Le mardi 4 février, un gros incendie touche le bâtiment 2A et une partie du bâtiment 2B. Le 2A est fortement endommagé, il reste fermé jusqu’à aujourd’hui. Après une nuit dans la cour, sous la pluie, encerclés et menacés par les flics et les maîtres-chiens, une trentaine de prisonniers du CRA 2A ont été emmenés passer la nuit de l’incendie dans un comico, vu que les chambres étaient inutilisables. Le lendemain, certains ont été transférés au CRA 1 où ils sont maintenant encore plus nombreux par chambre ; d’autres au CRA 2B où certains ont été obligés de dormir sur des matelas brûlés ; et encore d’autres au CRA de Palaiseau ou du Mesnil-Amelot.

Suite à l’incendie du batiment 2A du CRA de Vincennes, jeudi 6 février matin les flics sont venus au petit matin chercher plusieurs prisonniers. Plusieurs d’entre ont été amenés en garde à vue, et après 36 heures retransférés dans le CRA. La préfecture à annoncée l’ouverture d’une enquête. Depuis, les déportations, les passages à tabac, les menaces et les humiliations n’ont pas arrêté.

La vengeance des keufs continuent et ils ont pas mal visé des prisonniers qui étaient du 2A ces dernières semaines semaine. Un prisonnier a été accusé de parler à des journalistes (et en général à l’extérieur) au moment où une dizaine de keufs le tabassait avant de le mettre au mitard.. puis de l’expulser par un vol caché quelques heures plus tard.

Encore ce soir mardi 25, les keufs sont rentrés dans des chambres du batiment 1 en provoquant et en tabassant les prisonniers, deux ont été ramené au mitard, où ils se trouvent actuellement.

La révolte a quand-même payé : le bâtiment 2a du CRA, rendu inutilisable par l’incendie, reste fermé. Dans les jours suivants, il y a eu des libérations, apparemment au moins 14 ! Et en tout cas, un bâtiment fermé ça veut dire environ 60 places de moins où enfermer et torturer pour tenter d’expulser les sans-papiers !

À l’extérieur on continue de soutenir les prisonniers et de diffuser leur parole. Un parloir sauvage a eu lieu la nuit après l’incendie, pour donner force et courage et montrer solidarité à ceux qui se révoltent. Un rassemblement en soutien aux révoltés de Vincennes a également eu lieu le dimanche 9 février à Barbès, avec prises de parole de l’intérieur.


            • Mesnil Amelot

Au Mesnil-Amelot y a deux CRA qui n’ont pas les mêmes règles / manières de fonctionner : le CRA2 (où y a aussi un batiment pour enfermer les prisonnières) & le CRA3.

Depuis l’incendie du bâtiment 2A à la prison pour sans papiers de Vincennes, le mardi 4 février, il n’est plus possible de faire rentrer de la bouffe au CRA3. Pour s’opposer à cette nouvelle interdiction des keufs, une trentaine de prisonniers ont refusé les repas le lundi 10 février à midi. Une pétition a été signée par pas mal de prisonniers de plusieurs bâtiments et filée à la direction du CRA. Le lendemain de la bouffe passait en parloir (mais c’était pas les mêmes keufs ni les mêmes gradés)

Les prisonniers ont fait sortir des témoignages de la situation au Mesnil depuis le début de l’année : violences policières, racisme, conditions de détention pourries et manque de soins. Voici le lien aux témoignages des copains enfermés


Pour rappel: Rendez vous tous les mercredi à 18h au CICP pour l’assemblée d’IDF contre les centres de rétention ! C’est au 21ter rue Voltaire, métro rue des boulets sur la ligne 9.

A BAS LES CRA !

SOLIDARITE AVEC LES REVOLTE.E.S !

LIBERTE POUR TOU.TE.S !