Témoignage du CRA de Bordeaux sur la grève de la faim en cours

On relaie un témoignage du CRA de Bordeaux sur les conditions d’enfermement et la grève de la faim en cours. Soutien à tou.te.s les prisonnier.ère.s, liberté pour tou.te.s!

Au CRA de Bordeaux on se fait traiter comme des chiens. Déjà on est 22 au maximum, 6 chambres de 3 et une chambre de 4… bon en ce moment on est 11.

Mais on est au sous-sol ! On a 1m2 de ciel dans la promenade, avec des grillages et tout autour les grands bâtiments de la police, pas de fenêtre rien. On s’ennuie on fait rien, on stresse alors on boit des cafés et on fume des clopes, ça nous stresse encore plus…avec des allers-retours entre la chambre et la salle télé.

En ce moment les toilettes sont cassées, ça fuit c’est mouillé. Puis même imagine, une seule toilette pour 20 personnes, le matin c’est dégueulasse et faut faire la queue, c’est trempé par terre, faut nettoyer avant d’y aller… y’a des travaux en plus en ce moment donc on a même pas d’eau chaude. On est vraiment traités comme des chiens c’est dégueulasse.

En ce moment y’a des algériens, des chinois, des libanais, des guinéens, on est tous dans la même merde. Y’a eu une tentative de pendaison, c’est nous qui l’avons sauvé on l’a soulevé et tout.

Les gens deviennent fous, si t’étais pas toxico avant… tu deviens toxico dedans avec les cachets du médecin. Ils prennent des Valium, des Diazépal, c’est censé nous calmer mais ça rend les gens fous, tout le monde essaye de se suicider, de se couper de partout ou de se tuer, tous les soirs c’est la même chose. Je les comprends ceux qui prennent des cachets, c’est l’horreur ce stress on devient fous, c’est dur de tenir.

La bouffe ici, même les chiens ils la mangeraient pas. Déjà il faut jamais toucher la viande. C’est de la nourriture en plastique, ça se voit que c’est vieux. C’est de la nourriture de garde-à-vue pendant 90 jours. Personnellement je prie Dieu pour qu’ils me mettent en prison, c’était mieux la prison ! 90 jours ici c’est pas possible.

Ici y’a 4 vols par semaine, par Air Algérie ou des compagnies  comme Aigle Azur. Les flics ils préviennent pas, ils viennent la nuit ils te réveillent, ils te font une clé pour t’immobiliser et après tu te fais scotcher ; on te met le casque direct. T’as pas le temps de résister ou de crier, t’es scotché comme en centre psychiatrique. Si tu résistes, ou si tu veux te révolter ou te battre pour aider quelqu’un à résister à son vol, les policiers ils parlent pas ils envoient direct du gaz et ils s’en vont ils te laissent dans le gaz.

Ici on a pas le droit aux briquets dans les chambres, y’a un briquet dans la promenade, et les draps ils sont dans une matière spéciale pour nous empêcher de tout brûler. Y’a 2 portes électroniques on peut pas s’échapper.

Moi j’en veux aussi beaucoup aux consuls et aux commandantes de bords, c’est des corrompus ils travaillent avec la police, c’est des collabos. J’ai envie de taper les consuls. La dernière fois quelqu’un du consulat algérien est venu au CRA, il nous parlait en arabe pour nous amadouer et si on répondait en arabe il disait « ah c’est bon c’est un algérien » aux policiers, pour donner le laisser-passer. Tout le monde lui a craché dessus. !

Faut être malin faut pas répondre, faut parler en français faut pas parler en arabe, eux ils ont des techniques pour te manipuler. Les consuls c’est des vendus, c’est les mêmes qu’en Algérie, ils croient nous acheter en parlant la langue du pays ! Les gens du consul ils harcèlent et draguent nos femmes et nos filles, ils proposent de coucher avec elles pour nous libérer ces chiens ! Ou alors ils veulent de l’argent… C’est des corrompus.. Tous les consulats c’est des collabo et des corrompus, faut les dénoncer. Et les commandants de bord pareil. Au Mali les consuls ils se sont fait brûler leur maison à cause de leur collaboration avec la France, bientôt faudra faire pareil !

C’est la même chose qu’en Algérie en ce moment avec ce qu’il se passe les manifs et tout… les gens ils sont pas contents !Les jeunes ils traversent la mer depuis l’Algérie, à cause de la corruption, du gouvernement, de la police… y’a pas de travail alors les jeunes, même pas que les jeunes ! Les enfants et les femmes aussi maintenant ! Dans le bateau ça passe ou ça casse, même en pleine mer agitée, on a un dicton, on dit « je préfère me faire manger par les poissons que par les fourmis ». Nous, c’est la même chose qu’en Algérie, c’est pour ça qu’on est partis en France !

Donc on est en grève de la faim, on boit de l’eau on mange du sucre. Il faudrait que tout le monde arrête de prendre les cachets aussi, mais certains en prennent pour oublier qu’ils ont mal au ventre.

Quand je suis arrivé au CRA y’a un mois, on avait fait grève de la faim pour avoir du café et un distributeur d’eau et de boissons, et aussi pour qu’ils réparent les toilettes, ils ont accepté finalement pour être tranquilles. Donc faut continuer parce que ça marche, même si c’est très dur.

Nous on veut être tous libérés.

Mais aussi : on demande le respect c’est simple !

De la bonne nourriture, une meilleure promenade, on veut voir le ciel un peu !

Ça fait 1 mois que j’ai pas vu le ciel moi.
On va tenir jusqu’au bout.

Témoignage de M., prisonnier au CRA de Bordeaux. 05/03/19.

Un dimanche contre les centres de rétention

Récit écrit par quelques personnes venues le dimanche 3 mars devant la gare du Nord pour participer à la manifestation contre les centres de rétention.
A 14h nous sommes près d’une centaine de personnes rassemblées devant la gare du Nord. Neuf camions de flics nous attendent au niveau du boulevard Magenta et sept autres vers la rue du Faubourg-Saint-Denis, prêts à nous barrer la route vers Barbès et La Chapelle où nous voulions passer.
On décolle finalement vers 14h30 à 150 en direction de Magenta derrière une banderole disant « Solidarité avec les révolté.e.s dans les centres de rétention » et traduite en arabe. Alors qu’on a à peine fait 20 mètres un flic s’approche et nous annonce pour la forme : « votre manif n’est pas déclarée. Vous serez bloqué.e.s. ». On fait quelques dizaines de mètres supplémentaires puis on est nassé.e.s. Dans un premier temps la nasse est plutôt lâche, plein de gens y entrent et en sortent (certain.e.s pour aller differ au rassemblement à République en soutien aux révoltes actuelles en Algérie) tandis qu’environ 150 personnes restent et entonnent des slogans (« Pierres par pierres, murs par murs, nous détruirons les centres de rétention ! », « Liberté pour tou.te.s ! Avec ou sans papiers ! », « Ni police, ni charité, vive la lutte des sans-papiers ! », « Liberté, Houriya, Freedom », etc…). Sur le parvis, en face de l’entrée principale de la gare, beaucoup de gens s’arrêtent, curieux. Certain.e.s leur donnent des tracts avec le texte d’appel en français et en arabe. Pendant au moins une heure, plusieurs slogans sont entonnés avec énergie.
Le temps passe et les gens se lassent, discutent mais ne gueulent plus. Après plus de deux heures les flics commencent à laisser les gens quitter la nasse de nouveau, mais par petits groupes et escortés jusqu’au métro. Une centaine de personne reste, exigeant de quitter la nasse tous.te.s ensemble, pour rester solidaires face aux éventuels contrôles d’identité. Les flics finissent par former une haie d’honneur entre la nasse et la bouche de métro. Tout le monde l’emprunte. Ils poussent les dernières personnes dans le couloir de la station puis, alors qu’un flic, seul, tente d’empêcher l’accès à la gare, plusieurs personnes le dépassent facilement suivies du reste du cortège qui s’élance à nouveau en reprenant les slogans. Ça résonne fort dans le grand hall de la gare ! On est une centaine à gueuler en avançant parmi la foule. Les flics, qui n’avaient pas prévu le coup, sont une petite dizaine à nous suivre sans nous bloquer. On décide de prendre le RER pour aller devant le CRA de Vincennes. Un rdv à 18h à la station Joinville-le-Pont avait circulé de bouche à oreille pour aller faire entendre notre solidarité avec les retenus par-delà les murs. Arrivé.e.s aux portiques on se les maintient ouverts pour que tout le monde passe.
On est encore une bonne soixantaine de personnes lorsqu’on arrive au RER de Joinville-le-Pont vers 17h45, soit un quart d’heure en avance sur l’horaire annoncé. Ne voyant pas de keufs sur notre chemin on décide de partir sans attendre en direction de l’arrière du CRA, d’où on est plus proches des retenus. Le cortège toujours bruyant prend la route banderole en tête, perturbant ainsi la circulation, et arrive sans encombre à proximité des bâtiments. Aucun flic à l’horizon. On fait le maximum de bruit en criant et en sifflant, certain.e.s en montant sur la butée alors que celleux resté.e.s sur la chaussée guettent l’arrivée des bleus. On marque une pause pour écouter s’il y a du répondant de l’autre côté des murs puis, entendant des cris, on recule vers l’A4 pour s’en rapprocher. Des bâches ont été posées sur les grilles intérieures pour empêcher les retenus de voir vers l’extérieur, sauf à certains endroits ! On a pu voir quelques personnes à travers une fenêtre qui n’avait pas été condamnée. Ils sautent à l’intérieur, nous sautons à l’extérieur. Il nous entendent et gueulent avec joie. Idem de notre côté. Après un quart d’heure d’échange, une dizaine de camions de flics arrive mais nous avons le temps de nous regrouper. Ils nous nassent pendant 10 minutes puis nous escortent jusqu’au quai du RER. On repasse devant un terrain de foot où des joueurs, nous ayant vu un peu plus tôt marcher en sens inverse, nous relancent en scandant « Liberté pour tou.te.s ! ».
Contre l’enfermement, à bas les frontières !
N.B : Le même jour, un rassemblement contre les CRA  avait lieu à Toulouse.

Emission Radio Actu des Luttes : Démonter les Centres de Rétention

Les Centres de Rétention Administrative sont au cœur des politiques d’expulsion des personnes non françaises. Ils matérialisent un type de répression raciste banalisée par plus de quarante ans de construction d’un « problème » migratoire par des politiques sécuritaires et des discours xénophobes.

Dans l’émission de ce jour , nous entendrons les interventions qui se tenaient le 8 février 2019 à l’ EHESS- école des hautes études en sciences sociales

DÉMONTER LES CENTRES DE RÉTENTION !