Plainte et récit contre les violences policières à Vincennes

on relaie ici la plainte d’un copain enfermé à Vincennes, victime de violences policières, et expulsé par un vol caché quelques jours plus tard …

Monsieur le Procureur,

Je voudrais porter à votre connaissance les faits suivants.

Je suis descendu au coffre vendredi 1er février vers 15h30-16h. Un policier m’a demandé ce que je voulais. Je lui ai dit que je voulais prendre des affaires dans le coffre. Il m’a dit « le coffre il est là ». Je lui ai dit « non je veux descendre au coffre d’en bas ». Dans le coffre d’en bas il y a mes vêtements, je voulais prendre des affaires pour me changer.

Le policier m’a dit qu’il n’y a pas de coffre en bas, le coffre est à côté.

Je lui ai dit « vous avez compris ce que je veux, vous jouez aux jeux de mots avec moi ».

Le policier a dit  » tu as du répondant toi. Si c’est comme ça tu ne vas pas y aller au coffre ».

Je lui ai dit « bah comme vous voulez ».

Le policier a pris ma carte et est reparti vers la policière qui est au bureau. Le policier lui a remis la carte et lui a dit « il est interdit de coffre ».

J’attendais sur le banc pour qu’ils me remontent. Ils m’ont laissé sur le banc environ 20 minutes.

La policière est passée devant moi. J’ai demandé d’accéder au coffre ou alors qu’on me remonte.

La policière a dit « vous me cassez les couilles ».

Je lui ai dit « vous aussi vous me cassez les couilles si c’est comme ça ».

La policière s’est retournée et m’a crié dessus.

Le policier a vu la policière en train de me crier dessus et est venu vers moi et m’a attaqué. Il m’a attrapé, il m’a secoué. Il m’a dit vous me cassez les couilles.

Il m’a mis hors caméra et m’a tapé la tête contre le mur 3 ou 4 fois. Je commençais à perdre connaissance.

Il m’a jeté par terre. Il m’a donné des coups de poing sur la figure, ils étaient 4 policiers et une policière.

Le policier a une marque sur la main gauche tellement il m’a frappé.

Je n’arrivais pas à bouger. Ils m’ont insulté. Ils m’ont dit « sale arabe vous croyez que vous êtes chez vous ici ou quoi ».

Ils m’ont donné des coups de pieds dans la gueule.

J’ai pris au moins trois coups de pieds dans la gueule. J’ai des bosses dans la tête et j’ai mal à la mâchoire. Je n’arrive pas à mâcher. J’ai l’oreille bleue et gonflée. J’ai l’œil bleu et j’ai le cou bloqué.

Dans la brigade, il y a des policiers qui ont dit aux policiers d’arrêter et ils ont dit « là vous êtes partis trop loin ».

Les policiers ont arrêté et ils m’ont ramassés et ils m’ont mis sur le banc.

J’ai demandé à remonter au centre et à voir un médecin. Quand ils ont entendu ça ils sont partis voir leur chef.

J’ai ensuite attendu environ 30 minutes sur le banc. Ils m’ont ensuite conduit au commissariat du 18e.

Les policiers du CRA ont parlé avec les policiers du 18e dans un bureau fermé du commissariat.

Quand les policiers sont sortis, je suis rentré dans le bureau. Le policier du commissariat a dit aux policiers du CRA « quand même vous l’avez massacré ».

Les policiers du CRA ont répondu « vous dîtes qu’il est tombé sur le banc ».

J’ai dit à la policière du commissariat du 18e que ce n’était pas vrai. Elle m’a répondu « ferme ta gueule, je ne t’ai pas donné la parole ».

Je lui ai dit « je connais mes droits ».

Elle m’a répondu « ferme ta gueule, tu es en situation irrégulière, tu n’as aucun droit ici en France ».

Je lui ai dit que je voulais porter plainte. Elle m’a dit « non tu ne peux pas porter plainte, c’est les policiers qui portent plainte ».

Le policier est grand, il a une barbe, il est châtain foncé. Le policier est en civil.

La policière a les cheveux teints en rouge.

Je n’ai pas eu accès à un avocat. Ils ne m’ont pas expliqué mes droits lorsque j’étais au commissariat. Ils ne m’ont pas proposé d’avocat et ils ne m’ont pas autorisé à appeler ma femme.

Je l’ai dit à l’officier qui a fait le procès verbal.

 

Je souhaiterais être emmené au commissariat pour porter plainte

J’ai conscience que tout propos mensonger est puni par la loi.

 

Fait à Paris le 4 février 2019

F.

Une brochure pour raconter les mouvements dans les CRA depuis trois mois

Une brochure pour raconter les mouvements dans les CRA depuis trois mois

A faire touner !

c’est ici pour la télécharger!

Depuis décembre 2018, les centres de rétention pour migrant·e·s sont secoués par des révoltes, des formes d’organisation collective, des grèves de la faim. À partir de janvier 2019, des personnes solidaires se rencontrent, pour faire sortir la parole de l’intérieur et soutenir la lutte à l’extérieur.

 

Depuis décembre 2018, les centres de rétention pour migrant·e·s sont secoués par des révoltes, des formes d’organisation collective, des grèves de la faim. À partir de janvier 2019, des personnes solidaires se rencontrent, pour faire sortir la parole de l’intérieur et soutenir la lutte à l’extérieur.
Cette brochure En lutte contre les CRA essaie de raconter tout ça.

Dans cette brochure, nous avons rassemblé les communiqués, ainsi que des lettres et des coups de fil, de prisonnier·ère·s en lutte à l’intérieur des CRA entre décembre 2018 et févier 2019.
Ielles racontent leurs conditions de vie, la quotidienneté de rétention et les violences subies, mais aussi les résistances toujours présentes, les tentatives d’auto-organisation, les révoltes.
Nous avons aussi fait des comptes-rendus de quelques actions à l’extérieur en solidarité avec ces luttes et contre la machine à expulser : manifs, parloirs sauvages…
Alors que dans les CRA les révoltes continuent, cette brochure ne se veut pas seulement comme un recueil de témoignages, mais aussi comme un outil pour continuer à soutenir les révoltes des personnes détenues, pour en finir avec ces prisons.

Voici un extrait tiré de l’introduction de la brochure :

Les centres de rétention administrative sont des prisons

Lorsqu’on parle des CRA, il est important de commencer par cela : même si les textes juridiques ne les désignent pas comme tels, ce sont des lieux d’enfermement et de privation de liberté, où les violences policières, les menaces et les humiliations sont à l’ordre du jour.
Les prisonniers et les prisonnières reclu·e·s derrière les murs des CRA ont été jugé·e·s coupables d’un crime particulier : celui de ne pas avoir les “bons papiers”. Pour l’État, seul le bout de papier compte, et son absence suffit pour enfermer et expulser.

C’est la raison d’être des CRA. Enfermer et expulser, toujours loin des regards. C’est pour cela que les CRA sont situés dans des coins paumés, éloignés de tout sauf des casernes ou des écoles de police, pour que les flics puissent intervenir rapidement en cas de révoltes.
Il suffit de faire une visite à un·e copain·e détenu·e pour se rendre compte que l’isolement de ces lieux ne sert qu’à rendre davantage invisibles celleux qui y sont et dissuader la solidarité depuis l’extérieur. La solitude et l’absence des liens avec leurs proches sont calculées pour briser le moral des retenu·e·s afin de mieux les maîtriser.
Dans cette brochure, nous montrerons que ce projet ne fonctionne pas toujours : les rébellions et les luttes à l’intérieur n’ont jamais cessé. À l’extérieur, des groupes s’organisent pour les soutenir, mais il reste beaucoup à faire pour que ces prisons disparaissent.

Les CRA sont des lieux d’isolement et d’abus. Mais il ne faut pas se tromper : ils ne sont pas quelque chose de complètement indépendant, d’exceptionnel par rapport au reste. Ils sont un maillon d’une chaîne bien plus large.
Cette chaîne va des relations néocoloniales qui règlent les visas et les accords bilatéraux, jusqu’aux frontières militarisées, des centres d’hébergement et d’accueil aux prisons, des préfectures à la commission d’asile, des tribunaux aux rafles et aux contrôles au faciès dans les rues et dans les gares.
Une pluralité d’acteurs fait partie de ce système. Certains se disent humanitaires, d’autres sont explicitement répressifs, mais que ce soit pour trier, expulser, ou “éduquer et intégrer”, ils participent tous au grand jeu de fichage et de contrôle des migrant·e·s, de leurs mouvements, de leurs comportements, de leurs vies.

Les CRA sont le visage le plus explicite et brutal de la mise à l’écart des migrant·e·s “sans les bons papiers”.
Mais ils ne produisent pas que de l’exclusion. Ils ont pour objectif de fabriquer des travailleurs et des travailleuses toujours plus exploité·e·s, soumis au chantage continu de la réclusion et de l’expulsion. Ils sont l’outil de l’État et des patrons pour discipliner et faire baisser la tête aux prisonniers·ère·s, certes, mais aussi à tou·te·s celleux qui, un jour ou l’autre, pourraient se faire contrôler par des flics dans une station de métro et être renfermé·e·s. Les CRA, comme toutes les prisons, sont une menace toujours présente.
Les CRA sont aussi une source de profit pour les grosses entreprises. L’enfermement paie, comme le savent bien les différentes boîtes qui collaborent avec les forces de répression dans les centres de rétention tout comme lors des expulsions. Les entreprises qui assurent la bouffe, la surveillance, le transport, mais aussi les guichets qui balancent les sans-pap’ sont toutes des rouages de la machine à expulser.
En permettant concrètement l’existence et le fonctionnement de ces lieux, elles en sont coresponsables. Pour lutter contre les CRA, on peut donc aussi s’attaquer à ces collabos.

Si on replace les centres de rétention au sein d’un système plus vaste, basé sur le profit, l’exploitation et le contrôle des migrant·e·s, les actions concrètes en soutien aux luttes en cours dans les CRA doivent être pensées en continuité avec d’autres solidarités dans les combats des migrant·e·s : pour le logement, contre les frontières, contre les violences policières.
Soutenir les résistances qui existent dans les CRA n’est que l’un des points d’entrée dans le combat contre les mécanismes du racisme d’État et de la guerre contre les pauvres.

[…]

Cette brochure raconte, de manière très partielle et non exhaustive, des moments conflictuels des deux derniers mois.
Non pas pour faire le récit d’une histoire qui n’est pas encore terminée, mais pour faire circuler la parole de celleux qui luttent à l’intérieur et relayer leurs revendications, pour renforcer la solidarité à l’extérieur, pour inventer d’autres moyens qui puissent entraver la machine à expulser.

Note

L’assemblée contre les CRA se réunit chaque mercredi à 18h. Pendant le mois d’avril, nous nous rencontrons au Cicp, 21 ter, rue Voltaire, 75011 Paris (M° Rue des Boulets ou Avron).

Les communiqués et les témoignages de cette brochure, ainsi que des infos sur les luttes en cours, sont disponibles sur le blog Abaslescra (https://abaslescra.noblogs.org)

Chaque quatrième vendredi du mois, lors de l’émission radio de l’Envolée (sur FPP, 106.3) on parle de la lutte dans et contre les CRA.