« Tout ça c’est pour ne pas pouvoir donner de preuve, c’est pour que le monde extérieur ne sache pas ce qu’il se passe dedans »

Accès aux soins entravés, violences et tortures policières, violence de l’enfermement, racisme, bouffe, hygiène : nous publions le témoignage d’une personne enfermée au Centre de Rétention Administrative (CRA) de Vincennes.

À bas les CRA! À bas l’enfermement!

Quand on a mal à la gorge, on va à l’infirmerie, la première fois j’avais des angines, ils me donnent un bain de bouche. L’infirmière me dit « oui ça désinfecte » mais ça fait rien d’autre, eux pour chaque maladie ils donnent du bain de bouche. J’ai besoin d’un dentiste, il y a pas de dentiste. C’est juste pour des cas très graves qu’ils vont emmener la personne chez un médecin. Pour les problèmes dentaires, ils donnent que des comprimés. Moi je vais rester 3 mois, ils vont me donner des comprimés des comprimés encore des comprimés, je vais esquinter mon foie, alors qu’un rendez-vous de 15mn ça serait rapide.

Au niveau de la nourriture, on mange quasiment que de la pomme de terre : pomme de terre en purée, pommes de terres entières… toutes les recettes c’est de la pomme de terre, et de temps en temps des lentilles. Depuis 2 mois que je suis là j’ai mangé que des pommes de terre et des lentilles et parfois des haricots verts, depuis 63 jours.
Question hygiène, on n’a pas le droit au dentifrice, on est obligé de se servir de petit dentifrice en sachet, à chaque fois que je veux me brosser les dents je dois aller demander un petit sachet à l’association.

En ce moment il y a beaucoup de monde, le centre est presque saturé, parfois ils cherchent des places. Il y a 3 ou 4 cellules détériorées donc quand il y a pas de place dans une chambre de 2 ils mettent un matelas pour une 3e personne.

Avec la police il y a toujours de l’injustice. La dernière fois on a fait tout un bordel ici : un retenu a insulté un policier et la loi d’ici dans ce cas là, c’est 1h en isolement. Lui ils l’ont mis en isolement, où il y a des caméras, mais avant ils l’ont mis dans une chambre sans caméra, ils le tapent, et après ils le mettent à l’isolement. Normalement c’est obligatoire d’avoir le matricule, et là il y a personne qui a le matricule. Eux leur matricule il est toujours caché. Quand on dépose plainte, la plainte est toujours sous X, et le procureur il donne pas suite à ces plaintes.
Après les policiers ils sont sortis, ils disent « nan mais il nous a insulté », nous on a répondu qu’ils ont pas le droit de lui donner des coups. Il y a des policiers gentils mais la plupart des policiers ils tapent les gens, ils insultent les gens, ils disent « enculé » « sale bâtard ».

J’ai parlé avec le commandant du centre : quand on sort de prison on a nos documents de sortie, tout ce qui nous concernait, le billet de sortie, le papier de Pôle emploi, etc. Les gens qui sortent d’ici à la fin de leur peine (parce que 3 mois c’est une peine) on leur donne rien. Moi j’ai insisté pendant des mois, et quand j’ai vu le commandant je lui ai dit que j’ai besoin de mes documents (le billet de sortie, le papier de Pôle emploi) ; quand il a vu que je parlais bien français il m’a demandé ce que je faisais ici, je lui ai expliqué que j’avais fait de la prison parce que j’avais défendu une femme qui se faisait taper par son ex. Il est parti et m’a ramené tous mes documents que j’avais en prison, c’était des copies. Il m’a dit quand tu vas sortir tu demandes les originaux. Mais normalement ça devrait se faire automatiquement.
Dans le même genre, quand on rentre normalement on a le droit d’assister à sa fouille ; moi j’ai demandé d’assister à ma fouille, je me suis levé pour demander et une policière m’a dit « assied toi sale enculé » alors je l’ai insulté en retour. J’ai pas assisté à ma fouille et j’ai perdu des affaires, un flacon de parfum, un autre parfum, et d’autres choses. Les policiers peuvent même voler des choses.

On a le droit d’utiliser le téléphone mais pas le smartphone. Avant on avait 5mn le matin et 5mn le soir pour consulter les smartphones, mais maintenant depuis une quinzaine de jours ils ont enlevé ça. Ils disent qu’on peut récupérer la carte sim mais on n’a pas le droit d’allumer le téléphone. Je sais pas si c’est par rapport à la pression que vous ou d’autres associations font mais en tout cas ils ont enlevé ça. Dans d’autres centres ils peuvent utiliser le smartphone avec une caméra cassée. Tout ça c’est pour ne pas pouvoir donner de preuve, c’est pour que le monde extérieur ne sache pas ce qu’il se passe dedans.

Les gens qui ont des traitements, on leur demande une ordonnance : mais comment tu peux avoir une ordonnance alors que tu es enfermé ? Beaucoup de gens ne peuvent pas récupérer l’ordonnance, donc ils ont pas de traitement : il y a des gens qui deviennent fous, certains qui se coupent. Il y avait une personne qui est devenue comme un sauvage, j’ai dit à la chef policière « madame cette personne elle est droguée elle a besoin de son traitement ; on a un médecin, il peut faire cette ordonnance ». Elle a dit « c’est la loi, on peut rien faire ».
Il y a tout le temps des bagarres et des embrouilles, c’est par rapport aux gens qui prennent de la coke ou du crack, et le traitement qu’ils donnent ici c’est juste le minimum.

Moi je me suis jamais déplacé au tribunal, parce que j’ai vu comment ça se passe, j’ai dit que ça valait pas la peine que je me déplace et je perde une journée enchainé dans un cage comme un chien.