Témoignage : “A l’isolement, y a pas de caméras, alors les flics, ils se gênent pas.”

Nous publions le témoignage d’un retenu du CRA de Vincennes. A la dureté de l’enfermement s’ajoute la violence des flics notamment lorsqu’ils envoient des retenus à l’isolement.

“C’est la première fois de ma vie que je compte les jours. Tous les matins je me réveille, je vois le plafond, je capte que je suis toujours enfermé, je deviens fou. C’est la première fois que je suis entre 4 murs comme ça. Je tourne en rond, ça va pas dans ma tête, avec ce flip toujours de se faire expulser.

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« Les 3 policiers m’ont tiré alors que j’étais à terre, y’en a un qui m’a dit « j’ai ma femme en Guinée aussi, tu vas pouvoir vite revenir » » : violences obstétricales et policières contre une prisonnière au Mesnil-Amélot

On a recueilli ici le témoignage de K., une femme qui a été détenue au CRA du Mesnil-Amélot entre décembre 2023 et janvier 2024. K. a fait une fausse-couche suite aux violences physiques et aux refus de soin qu’elle a subi de la part de la police et de l’administration du CRA, lors de son arrestation, sa détention et sa première tentative d’expulsion. Après sa fausse-couche, K. a été ré-mise sur un avion et expulsée. Dans cette prison pour étrangerEs qui est le CRA, où des personnes enceintes se retrouvent enfermées quotidiennement, déjà d’autres retenues avaient dénoncé des violences obstétricales qui avaient causé la perte du bébé de l’une d’entre elles (voir ici, et ).

Est-ce que tu peux raconter ton arrivée au CRA ?

Je suis arrivée au cra le 17 novembre 2023. J’ai été contrôlée dans un bus pour Bercy à Lille deux jours avant. Les contrôleurs ont demandé mes papiers alors que j’avais un ticket. Ils ont dit que j’avais pas d’adresse parce que le récépissé que je leur ai montré ne suffisait pas. Je vivais avec mon mari à Lille et j’avais que le récépissé. Ils m’ont emmenée en GAV pour prendre mes empreintes, je leur ai dit que j’étais enceinte 1 mois ils s’en foutaient. Ils m’ont mise en GAV à Lille et j’étais très malade, j’ai vomi toute la nuit. J’avais pourtant déclaré être enceinte.

Ils t’ont transféré au mesnil amelot ensuite alors que tu vivais à Lille, ils t’ont dit pourquoi ?

Non. Ca m’a étonnée. Ils m’ont emmenée en voiture, j’ai fait 2H30 de route et j’étais très malade, je vomissais toujours. Et quand je suis arrivée au CRA, ils ne m’ont pas laissée appeler mon mari, ils m’ont interdit le téléphone, ils me l’ont pris. J’ai pris un avocat qui a fait une demande de mise en liberté mais ça a été refusé.

Tu as pu voir un médecin au cra ?

J’ai été autorisée mais le médecin il ne donnait que des dolipranes, rien pour ma grossesse. Je ne mangeais pas, j’avais pas envie. Je buvais que de l’eau et j’allais des fois au distributeur. Mais mon mari, qui habite à Lille, pouvait pas se déplacer pour me voir. J’étais très faible. Les médecins que j’ai vus, ils disaient tout le temps que mon état était compatible avec la rétention. Ils ne me donnaient même pas l’acide folique, je devais faire la queue longtemps devant l’infirmerie pour le recevoir, les hommes passaient devant moi alors que j’étais enceinte.

Est-ce que tu peux raconter ce qui s’est passé les 21 et 22 décembre 2023 ?

Ils ont essayé de m’expulser déjà une fois le 24 novembre, mais j’ai résisté. Ils ont réessayé le 21 décembre, ils sont venus à 5h me chercher. Ils m’ont fait rentrer à l’aéroport par la porte de derrière. Ils m’ont intimidée, ils étaient beaucoup de policiers avec moi à l’aéroport, ils m’ont dit t’es obligée c’est ta dernière chance. J’ai dit que je voulais pas y aller ils m’ont dit c’est obligé. Je leur ai dit « je suis enceinte ». Ils m’ont retiré mon sac avec les dolipranes alors que j’avais mal au ventre et ils ont dit « si tu montes pas on va te mettre les menottes et t’attacher ». Moi j’ai crié dans l’aéroport « j’ai pas volé, j’ai rien fait, j’ai juste une OQTF ». Mais les gens ils ont rien fait, et les 3 policiers m’ont tiré alors que j’étais à terre, y’en a un qui m’a dit « j’ai ma femme en Guinée aussi, tu vas pouvoir vite revenir ». Il a pris ma main mais moi je l’ai tiré et il a tiré aussi mon bras. Ils ont continué à m’intimider. Mon mari essayait de m’appeler mais ils ont pris mon téléphone, ils l’ont éteint. Ensuite, comme j’ai pas voulu monter dans l’avion, ils ont dit qu’ils allaient me ramener au cra. J’avais mal au ventre. Ils m’ont mise en GAV jusqu’à 11h du matin alors que j’étais très mal et m’ont ramenée ensuite au cra.
Le 22 décembre, le lendemain, à 5H je ne me sentais pas bien du tout, j’avais mal au ventre. Puis je me suis évanouie et j’ai saigné. Les filles avec moi ont tapé sur la porte pour les prévenir que je n’allais pas bien, qu’il fallait m’emmener à l’hôpital. Les policiers m’ont fait attendre devant le bureau de l’infirmerie pendant 4H, et j’ai été prise en charge par les pompiers à 9H45. C’était trop tard, j’avais perdu mon bébé. Les médecins ils ont signé un papier comme quoi je pouvais quand même retourner au cra. Au CRA, on ne m’a donné que des dolipranes alors que j’avais mal après la fausse-couche et ils m’ont expulsée le 12 janvier 2024 avec une escorte de 7 policiers et il y en a 3 qui sont allés avec moi en Guinée.