A la kermesse du Mesnil-Amelot, le maire n’apprécie pas le chamboule-CRA

Dimanche 19 juin c’était jour de fête au Mesnil-Amelot (Seine et Marne). Ce village d’un millier d’habitants, où est implanté un centre de rétention administrative (CRA) qui a enfermé 1800 personnes en 2021, organisait sa brocante annuelle. Au programme : stands de bouffe, tables pour chiner, activités pour les enfants… et une petite surprise.

On s’était dit que c’était une bonne occasion pour aller informer les habitant.es sur le projet de l’Etat de construire un nouveau CRA sur la commune. D’une capacité de 64 places, il jouxtera les pistes de l’aéroport de Roissy.

Nous voilà donc une petite équipe d’une douzaine de personnes à arriver là-bas vers midi. Outre des tracts et une banderole, un chamboule-CRA avait été confectionné. Chacune des 26 conserves représentait un CRA en France. Un bon moyen pour inciter la population à détruire symboliquement ces taules qui ne disent pas leurs noms, anti-chambre de l’expulsion de personnes qui n’ont pas le bon bout de papier. Sauf que cette petite animation n’était pas du goût du maire.

A peine avions-nous mis les pieds dans la brocante pour se balader et differ que trois d’entre nous étaient suivis par un homme suant et vociférant : « ne prenez pas leurs tracts, ils viennent foutre la merde, ne les écoutez pas » s’agitait-il, tout en téléphonant à la police municipale. C’était le maire… Les 3 copain.es continuaient tranquillement leur chemin et à part un énervé qui jeta des tracts par terre, la majorité des gens semblait plutôt intéressés, prêts à discuter. Au bout de 200 mètres, deux flics les stoppent, le maire tente de leur arracher leurs tracts tout en les menaçant, persuadé de les avoir déjà vu.es coller des affiches dans le bled. « Je vous ai pris en photos, je vous reconnais », radotait-il. Au bout de 10 minutes et devant leur refus de donner une identité, les flics les laissent repartir.

Pendant ce temps, à l’entrée de la kermesse, l’autre partie de l’équipe a le temps de bien differ avant d’installer le chamboule-CRA et de déployer la banderole – « Face aux centres de rétention Liberté de circulation ». Ca a lieu sous les yeux de la municipale et du maire qui n’apprécie toujours pas et nous filme. Le chamboule-CRA, par contre, plait bien aux joueurs ! (Mais moins à la mumu qui le qualifie de « dépot sauvage »)

L’accueil était très clivé : la majorité des personnes a été très réceptive, il y a eu beaucoup de paroles de soutien et de personnes qui se demandaient que faire et comment. D’autres au contraire étaient méfiantes voire soutenaient clairement le maire. Un peu à l’image des résultats des éléctions législatives, où le RN l’a emporté contre NUPES.

On a eu droit à des vieux fafs et leurs arguments assez élaborés du genre « vous avez qu’à les prendre chez vous », « j’ai rien contre les immigrés mais avec papiers » ou de très classes « je vais me torcher avec vos tracts »… Du même bord que le maire, fier d’avoir des centres de rétention sur sa commune car ça lui rapporte des tunes. Ou que son adjoint qui s’est permis d’attraper une copine par la nuque avant de la lâcher.

La police municipale du Mesnil-Amelot arbore fièrement un écusson s’inspirant du symbole du mouvement nord américain d’extrême droite blue lives matter

Au bout d’une petite heure sur place, et après que les sbires de la municipale nous ont proposé un rendez-vous avec le maire en échange que nous partions, ce qui nous a bien fait marrer, on décide de bouger. C’est à ce moment que des renforts de la municipale arrivent. Refus de donner une identité, palabres avec les flics qui nous bloquent… puis, comme on signale au maire que ça commence à faire de la mauvaise pub pour sa kermesse (on était encore juste à côté des stands), il nous dit de nous barrer et les flics nous laissent enfin partir.

Sauf que le maire est mauvais joueur. Alors que nous attendons le bus du retour, plusieurs voitures de la police nationale et municipales arrivent. Au prétexte que nous aurions insulté le maire et organisé une manifestation non déclarée, nous voilà contrôlé.es, fouillé.es et pour celles et ceux sans pièce d’identité, embarqué.es. Tout ça finira par une vérif’, après s’être fait balader dans deux comicos.

Au final, on s’imaginait pas tant de répression pour si peu : des tracts, une banderole et un chamboule-tout. On sait désormais que le maire nous déteste et ne sera jamais cordial. Mais la diff a bien prise, les échanges étaient positifs et encourageants dans leur grande majorité, donc ça nous motive à refaire des choses là-bas. Il faudra juste être plus nombreuxses la prochaine fois pour dire que les CRA, les taules et les frontières on n’en veut pas.