Nous compilons ici quelques informations et ressources qu’il nous semble important de partager sur la situation des CRA et LRA à Mayotte.
Depuis le début de l’opération coloniale Wuambushu (présentée par le gouvernement comme une grosse opération de « nettoyage » de l’île, visant la délinquance, l’habitat informel et l’immigration « irrégulière »), des centaines de personnes qui n’ont pas les bons papiers sont enfermées quotidiennement soit dans le CRA de Mayotte (Lotissement Chanfi Sabili Petit Moya, BP 68, 97 610 Pamandzi), soit dans l’un des 6 LRA temporaires, puis expulsées.
Les moyens répressifs mis en place par l’État pour mener à bien cette opération sont exceptionnels : 2 500 personnels (flics, agence régionale de santé, justice, etc.) sur place, transport de 500 flics de la CRS 8 depuis la métropole, tirs à balles réelles, des centaines de grenades lacrymogènes et de désencerclement déjà tirées, utilisation de lanceurs de balles de défense (LBD) sur la population. Ces moyens sont soutenus par une grande partie de la population de l’île (nombreuses manifestations en faveur de l’opération, appel aux meurtres de la part de certains élu·es, etc.).
Pour quelques éléments de contexte, Mayotte, qui est un département français depuis 2011, est soumis à un droit dérogatoire, qui, de manière générale et dans tous les domaines, ne permet pas à l’ensemble de la population de bénéficier des mêmes droits, des mêmes services publics, d’avoir les mêmes garanties pour les droits fondamentaux que l’ensemble de la population française.
En matière de police des étrangers, ce régime dérogatoire permet à la police de procéder à des contrôles d’identité généralisés et discrétionnaires sur l’ensemble du territoire. Cette absence de limites-temporelles autour des contrôles d’identité donne un pouvoir sans limites aux flics, omniprésents autour des lieux publics (écoles, centres de santé, préfectures, etc.) avec pour but de faire régner la peur auprès des populations étrangères résidant sur l’île.
Ainsi, des dizaines de milliers de personnes sont enfermées chaque année et Mayotte détient le recours du taux d’expulsions : environ une centaine par jour, en majeure partie par bateaux commerciaux. La plupart des gens ne passent même pas 24h en CRA avant d’être expulsés. En 2022, 26 020 personnes (2 905 mineur·es) y ont été enfermées (dont 76 % expulsées) sur 43 565 personnes enfermées dans l’ensemble des CRA français (métropole et hors métropole).
En plus du CRA qui fonctionne à plein régime depuis des années, les ouvertures de 6 LRA temporaires de « délestage » (selon l’expression degueulasse reprise dans certains articles) ont permis la création de plusieurs dizaines de places d’enfermement supplémentaires. Pour rappel, les LRA sont des lieux d’enfermement créés par simple arrêté préfectoral. Nous avions écrit un texte à ce sujet, il y a quelques semaines : https://abaslescra.noblogs.org/les-locaux-de-retention-administrative-lra-lenfermement-invisible-au-coeur-des-villes/. À Mayotte, plus que nulle part ailleurs, l’État y a recours de manière récurrente pour augmenter ses capacités d’enfermement. Avec l’opération Wuambushu, la machine s’est emballée : entre le 17 mars et le 19 avril, le préfet a pris 44 arrêtés créant des LRA, pour des durées pouvant aller de 2 heures à 5 jours.
Les premiers retours qui nous sont parvenus du CRA de Mayotte nous informent que les téléphones, y compris sans caméras, sont confisqués, que les personnes sont enfermées toute la journée dans les chambres et ne peuvent sortir que pour se rendre le soir au réfectoire (pas d’accès à la promenade à la différence des 24 autres CRA français) et que beaucoup de familles avec enfants sont retenues.
Le CRA de Mayotte (136 places) est blindé et une MJC (Maison des Jeunes et de la Culture de Mtsapere, Route Nationale, 97600 Mamoudzou) a été transformée en LRA (40 places) jusqu’au 23 juin. Des LRA ont aussi été ouverts du 20 au 21 avril dans différents lieux : le local du tri sanitaire de l’hôpital de Dzaoudzi, les locaux de la PAF (LRA STPAF), un espace (appelé zone d’attente) dans le CRA de Mayotte (12 places), les locaux des gendarmeries de Mamoudzou et de Pamandzi. Restons vigilant·es, ils pourraient ouvrir à nouveau selon les exigences de la préfecture.
Par une ordonnance du 29 avril 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, saisi par l’ADDE, la Cimade, le Gisti et le SAF, a considéré que « la succession régulière de fermeture et de réouverture, à quelques heures d’intervalle, des mêmes locaux de rétention administrative est dépourvue de toute justification ». Il a aussi jugé que « les associations et le syndicat requérants sont fondés à soutenir que les conditions de rétention dans les locaux de rétention administrative régulièrement créés par le préfet de Mayotte […] ne permettent pas aux personnes retenues de contester utilement leur éloignement et leur placement en rétention administrative et portent ainsi une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction ». Il a en conséquence enjoint au préfet « de créer, à titre provisoire mais de manière continue, quatre locaux de rétention administrative […] de prendre les mesures techniques nécessaires pour permettre aux personnes retenues d’avoir accès à un téléphone […], de se rapprocher de l’association Solidarité Mayotte pour évaluer avec elle les aménagements devant être mis en œuvre pour lui permettre d’exercer effectivement sa mission d’assistance dans l’ensemble des locaux de rétention administrative créés à Mayotte ». Étant ajouté que « le préfet de Mayotte justifiera des mesures prises pour l’exécution des injonctions prononcées avant le 2 mai 2023 à 12h00, heure locale, sous astreinte de 15 000 euros par jour de retard. »
Ces dernières semaines, les expulsions de comorien·nes ont été bloquées par les Comores, dont plusieurs ports ont été fermés. Ainsi, le 24 avril 2023, le navire convoyant les personnes expulsées de Mayotte n’ayant pu accoster à Anjouan, celles-ci sont ramenées à Mayotte et replacées en rétention administrative sur la base des mêmes OQTF. La semaine dernière, les Comores ont annoncé avoir rouverts mais n’acceptent que des personnes ayant des pièces d’identité. Cependant, cela n’a pas empêché l’expulsion de plusieurs Sri Lankais, Congolais et Malgaches.
À des fins de clarification sur les CRA et LRA de Mayotte, voici quelques informations supplémentaires issues des marchés publics, du dernier rapport des associations qui interviennent dans les CRA (https://www.lacimade.org/publication/rapport-2022-sur-les-centres-et-locaux-de-retention-administrative/), ainsi que des arrêtés préfectoraux.
Pour vous en faire une idée, le CRA de Mayotte ressemble à ça :
Vous pouvez trouver d’autres informations ici : https://abaslescra.noblogs.org/infos-pratiques/plans-des-centres-de-retention-administrative/
Vous pouvez trouver ici les arrêtés préfectoraux concernant l’ouverture des LRA à Mayotte : recueil-r06-2023-078-recueil-des-actes-administratifs.cleaned.pdf
Pour finir, on dénombre, dans le CRA de Mayotte, 6 cabines téléphoniques joignables à ces numéros : Z1 : 0269636874; Z2 : 0269636873; Z3 : 0269636878; Z4 : 0269636872; Z5 : 0269636875; Z6 : 0269636876. N’importe qui peut discuter avec les prisonnier·es en CRA en appelant ces cabines. En ce moment, encore plus que d’habitude, vous pouvez appeler les cabines des CRA pour témoigner de votre solidarité. Pour trouver des conseils sur les appels aux personnes en CRA, vous pouvez consulter cette page : https://abaslescra.noblogs.org/appeler-les-retenu-e-s-numeros-des-cabines-en-cra/.
NON AUX EXPULSIONS COLONIALES À MAYOTTE !!! À BAS LES CRA !!!