« Il m’a descendu mon boxer et il a mis sa main, il était entrain de me frotter » K. prisonnier du Mesnil-Amelot

Pendant les manifestations contre les CRA et pour la régularisation de tout.e.s les sans-papiers, un mouvement collectif à été lancé par les prisonniers du Mesnil-Amelot le samedi 17 octobre. Après plusieurs jours de lutte et de grève de la faim, face au silence de la préfecture, les prisonniers ont décidé de suspendre leur mouvement. La répression a encore une fois été violente, avec des refus de traitements à l’infirmerie même pour des malades chroniques. dans le témoignage qui suit, K. raconte à L’Envolée comment deux flics de la PAF l’ont agressé pendant une fouille à nu.

T’es un prisonnier du Mesnil-Amelot, tu nous appelles parce qu’il y a encore eu des violences de la part de la police là-bas. On sort d’un week-end (le 17-18 octobre) où quasiment tou·te·s les prisonnier·e·s ont lutté ensemble en se mettant en grève de la faim. On voulait revenir sur la répression qui a suivi ces luttes. Il y a déjà eu l’histoire des refus de traitement par l’infirmerie et, là, cette agression pendant la fouille. Tu veux nous raconter pourquoi tu nous appelles ?

Ouai, moi je vous appelle pour vous raconter mon histoire. Pour les violences qu’ils m’ont faites, les flics du CRA. Ça a été un cauchemar pour moi parce que ça ne m’est jamais arrivé comme ça. Et qu’en partant pour fouille ça fait vraiment mal. Ça fait vraiment mal de vivre ça en fait.

Du coup : j’ai été attrapé pour une fouille, je rentre pour la fouille et là les policiers, ils me fouillent. J’enlève déjà mes affaires, toutes mes affaires. Je reste juste en boxer pour qu’ils me fouillent. J’enlève même mes baskets et mes chaussettes. Le policier il met sa main, il touche et là, il trouve un briquet. Il me fait me tourner contre le mur comme si j’étais un criminel. Et là, ils me menottent, ils me serrent les menottes fort. Il y en a un d’eux qui m’a tourné contre le mur. Ils étaient deux. Il y en a un d’eux qui me tient avec son épaule contre le mur. Le deuxième qui me tient par mon boxer. C’est des trucs qui se font pas par des policiers, ou ca se fait par n’importe qui, en fait.

Il m’a enlevé mon boxer. J’étais serré contre le mur. Je ne pouvais pas bouger, j’ai pas 4 mains ou je sais pas quoi pour l’empêcher… je sais pas. Il m’a serré contre le mur, il m’a descendu mon boxer et il a mis sa main, il était entrain de me frotter, il était entrain de voir si j’ai fait rentré dans mon cul des trucs ou je sais pas quoi. Mais c’est vraiment un truc de fou. On se fait même pas respecter, on est comme des vaches ici ! Il y a tout le monde qui nous dit qu’on est des étrangers à chaque fois qu’on parle : « Allez, on va vous envoyer chez vous, vous allez rentrer chez vous » – avec des grots mots derrière. À chaque fois… à chaque fois… à chaque fois… Et c’est ça. Y a des trucs que je rajoute ?

Ouai, tu dis ce que tu veux. Pour expliquer un peu : c’est un de tes co-détenus qui nous a appelé juste après ta fouille pour nous prévenir. Je vais pas parler pour toi mais t’étais hyper mal juste après et c’est normal tu vois. Du coup c’est des prisonniers du Mesnil-Amelot qui ont fait l’effort de faire sortir cette info, pour pas que ça reste entre les murs. Et pour pas que les flics se permettent de continuer à faire ça. Si je dis pas de conneries t’as porté plainte direct ?

Oui j’ai déposé plainte contre le CRA du Mesnil-Amelot et j’attends la réponse, sur quoi il va leur arriver. Parce que je vais jamais me taire maintenant. Je suis pas une vache pour qu’on me frotte comme ça en fait. Il faut que les gens soient au courant que les policiers, ici, ils abusent avec les gens et qu’ils laissent personne tranquille. Alors même que t’es déjà retenu – tu réfléchis pas bien – eux, ils abusent encore sur toi. C’est pas logique. Et tout ça c’est le CRA du Mesnil Amelot à Charles-de-Gaulle (l’aéroport). J’espère que dans les jours qui viennent, tout se passe bien, parce qu’ils lâchent personne ici.

T’as porté plainte contre des flics en particulier ?

Ouai. J’ai pas donné les noms mais c’était une équipe de flics qui change tous les trois jours mais j’ai porté contre cette équipe.

Là, on donne pas ton nom, mais si la police essaye de te mettre la pression on rendra ton nom public. Et en attendant on va faire tourner ton témoignage un maximum. Déjà avant le CRA, t’avais eu des problèmes avec les keufs ?

Ouai je me suis fait arrêter sur la route, à Montreuil, vers Croix-de-Chavaux. Je me suis fait arrêter par trois policiers pour un contrôle d’identité. J’ai été sympa avec eux : « bonjour », tout ça. Je leur donne mon nom, prénom. Ils regardent sur leurs téléphones, je suis pas recherché par la police. Ils me disent on va aller au commissariat pour faire une petite vérif parce que le téléphone marche. En arrivant au commissariat, il y a le policier qui déjà dans la voiture arrêtait pas de me chauffer, mais que je calculais pas parce que je savais que c’était un simple contrôle, que ça allait pas tarder, et que j’allais rentrer chez moi. Le flic, il s’est énervé, il a cassé mon téléphone devant les caméras. Du coup, je l’ai insulté. Là, ils sont rentrés dans la cellule, ils m’ont tabassé, ils m’ont humilié. Ils ont mis ma tête par terre, et ils l’ont écrasée. J’ai vu avec le médecin et le psychiatre, et ma garde-à-vue a été levée parce que j’ai été tabassé par les policiers. Je me suis fait humilier devant les OPJ aussi. Il y a avait 2 OPJ qui étaient debout, et moi, j’avais la tête par terre écrasée par deux policiers.

Et ça c’était au commissariat de Montreuil ?

Ouai c’est ça. J’ai eu une ITT de 5 jours parce que les policiers m’ont tabassé. J’avais mal aux côtes, des bleus sur le visage et tout. Ce qui m’a beaucoup dérangé, c’est que le policier qui avait ses pieds sur ma tête quand j’étais humilié par terre, il a dit : « Je vais t’envoyer au bled et baiser ta femme ». C’est pas des trucs qu’on dit. Ça m’a vraiment touché, et je pouvais pas réagir, j’étais par terre humilié. Du coup comme je vous ai raconté j’ai une ITT de 5 jours. Je me suis fait arrêter le 2 octobre. 2 jours plus tard, je suis reparti au commissariat, le 4 octobre, pour leur demander pourquoi ils m’avaient humilié, et pour récupérer mes affaires. L’OPJ m’a monté dans son bureau, elle me donnait mes affaires… mais parce qu’elle a vu l’ITT de 5 jours, elle a changé d’avis, elle m’a mis en garde-à-vue pour ne pas que je porte plainte contre eux, pour que rien ne se voie.

Ouai, on t’envoie au CRA en espérant que tu te fasses expulser pour que tu fermes ta gueule.

Ouai. En arrivant au CRA, c’est une autre histoire. Je m’appelle avec un nom et un prénom. Et en arrivant au CRA, j’ai compris qu’ils avaient changé mon nom que j’avais pas donné au commissariat.

Ça t’a rajouté des galères administratives encore plus vénères, nan ?

Ouai, c’est exactement ça. Ils m’ont fait des galères administratives pour que je reste au CRA, en fait. Ils ont arrêté plein de trucs et ça, ça dérange.

Normal… Je voulais juste revenir vite fait sur l’agression que tu racontais pendant la fouille. Quand t’es allé porté plainte, c’était avec la Cimade ?

Ouai, je suis allé porter plainte avec la Cimade. Et quand j’y suis allé la première fois, elle m’a dit qu’elle pouvait rien faire pour moi. « Demain, il vient mon avocat » : je lui ai dit ça juste exprès pour qu’elle comprenne vraiment que j’étais victime, que j’étais pas entrain de mentir sur elle.

Ouai, pour la bouger quoi.

Ouai pour qu’elle bouge, parce qu’elle a pas réagi en fait. Au début, elle voulait pas me faire une plainte, elle voulait rien faire pour moi. Dès qu’elle a vu qu’il y aurait un avocat, elle a préparé une plainte et tout.

Et le psychiatre que j’ai vu ici au CRA, je lui ai expliqué que j’étais pas bien, que je dors pas bien, que je fais que réfléchir à ce que m’a fait ce policier – pardon de dire – ce policier de merde. Le psychiatre, il comprend pas que vraiment, ça m’a fait trop mal qu’un policier, il me fait ça. J’ai subi deux fois des violences, deux fois en même pas 20 jours. Au commissariat, et aussi au CRA. Du coup, jsuis mal et j’essaye de parler avec le psychiatre et il me comprend pas en fait. Il me dit tout le temps : « Non, il s’est rien passé, c’est juste une fouille. » D’un côté je lui raconte que je suis vraiment mal, et lui il me dit : « non c’est un simple contrôle » ! C’est un truc… c’est pas faisable.

Lui, c’est le psychiatre du CRA ? C’est pas son rôle de se mettre du côté des keufs (en théorie), ou de te parler de la loi. Mais bon… ils sont tous collègues en vrai, les keufs et les psychiatres.

Ouai, ils sont tous ensemble ici. Ils arrêtent pas de me déranger. À chaque fois, ils viennent ils mettent ma chambre… ils fouillent toute ma chambre. Ils me lâchent pas en fait. C’est les matons qui font rentrer tout ce qu’on reçoit ici, en fait, dans le centre de rétention. C’est eux qui ramènent tout ce qui rentre. Eux, ils viennent, ils nous dérangent. Surtout moi, je sais pas ce que je leur ai fait. Ils me la mettent à l’envers, vraiment, ils me la mettent à l’envers ma chambre.

Ils t’ont choisi comme bouc émissaire pour tout ce qui c’est passé au Mesnil-Amelot. Là, ça fait quelques semaine que c’est très tendu au CRA3 au Mesnil j’ai l’impression.

Ouai, très tendu. Nous, on a fait une grève de faim avec tout le monde, parce qu’il y a l’épidémie. Il y a le couvre-feu, et nous, on n’a pas de mesure de sécurité. On est plus de 30 personnes à la cantine en fait, il y a des gens qui sont à deux dans les cellules. Il y en a plein. C’est un truc de ouf que ça soit comme ça. Il n’y a pas de mesures de sécurité en fait.

La grève de la faim dont tu parles, c’est celle du week-end dernier ?

Ouai, on a fait la grève de la faim. Mais eux, ils ont rien dit. Ils ont pas fait remonter le message qu’on est en grève de la faim. Du coup, il y avait l’équipe des flics qui sont méchants. Ils ont rien dit, ils nous ont laissé comme des merdes en fait. Pour faire une grève de faim, tu peux faire un article 24 et envoyer ça. Nous on a fait des articles 24, mais ils ont rien dit qu’on avait fait des grèves de faims ou n’importe quoi.

Ouai je vais juste préciser, en centre de rétention l’article 24 c’est ce qui permet aux prisonnier·e·s d’exiger de voir le commandant ou un gradé.

Ouai c’est ça. Mais ils ont rien déclaré, on n’a rien eu. Du coup, on a arrêté, parce que nos feuilles elles étaient jetées. Ça se voit : on a reçu personne pour parler avec nous.

Du coup la fouille dont tu parles c’est à un moment où ils fouillent tout le monde ?

Non, non, ils m’ont pris de derrière ils m’ont ramené par la sortie de secours. Ils ont laissé tout le monde. D’habitude on se fait fouiller sur place. Mais moi ils m’ont pris de derrière le CRA, ils m’ont pris par une sortie de secours, ils m’ont fait faire tout le tour. Ils m’ont ramené par une chambre et direct au greffe en fait.

Mesnil : Greve de le Faim, Jour 3

Dans le CRA 3 du Mesnil Amelot, une grève de la faim est en cours depuis samedi. La grève a l’air d’être généralisée dans tous les bâtiments et les prisonniers sont solidaires entre eux. Les flics et la direction du centre ne sont pas contents et essaient de casser la grève, par exemple en empêchant aux grévistes de prendre leur traitement, comme l’expliquent deux prisonniers :

« Si tu vas à l’infirmerie prendre ton traitement ils te demandent si tu as mangé. Si tu dis que non, que tu fais la grève de la faim, ils refusent de te donner le traitement. C’est leur technique, ils utilisent ça contre la grève, pour mettre la pression pour que certains lâchent. C’est soit tu manges soit t’as pas ton traitement, t’imagines ? forcément des gens ils mangent. C’est arrivé même qu’il y ait des bagarres entre nous à cause de ça, des gens qui sont en manque de leur traitement, ils sont obligés de manger. »

« J’ai un ami malade, il a la main cassé, ils lui donnent rien ils veulent pas donner le doliprane. Ils disent « si tu manges pas je donne pas le doliprane ». Il y a beaucoup de gens malades ici. »

Malgré la répression la grève tient, un autre prisonnier rappelle :

« On continue la grève de la faim, notre seule demande c’est que quelqu’un vienne nous écouter. »

Dimanche en fin d’après-midi, plusieurs personnes sont allées derrière le CRA pour crier leur soutien aux grévistes, qui nous ont répondu par dessus les barbelés, en sortant en masse dans la promenade et en restant ensemble malgré les menaces des keufs. Un autre gréviste raconte :

« On vous entendait dehors crier ‘Liberté, liberté!’, nous aussi on a crié. Ça nous a fait beaucoup de bien ! »

Comme d’habitude c’était un beau moment de rage, pour une fois on peut entendre les voix de ceux de l’intérieur pour de vrai et ensemble, sans le box du parloir qui isole des autres, sans le flic qui te fouille à l’entrée, sans l’intermédiaire du téléphone.
Cette fois-ci le groupe de solidaires n’a pas échappé au contrôle d’identité à la sortie… Dommage que la plupart n’avait pas leurs papiers sur eux.elles 😉

Les grévistes ont besoin de force, hésitez pas à appeler les cabines, à aller en visite, ou encore mieux à vous organiser collectivement pour aller gueuler dehors, devant le CRA ou ailleurs dans les rues !

La solidarité est une arme
Feu aux CRA, et nique la PAF

« Ici on est pas des esclaves » : GREVE DE LA FAIM EN COURS AU CRA DE MESNIL !

Quelques heures après la fin de la grande marche des sans-papiers, les prisonniers du CRA de Mensil-Amelot répondent en lançant une grève de la faim.

On était des milliers dans la rue aujourd’hui à Paris pour exiger la régularisation de toustes les sans-papiers et l’abolition des centres de rétention. A l’intérieur et à l’extérieur de ces prisons, la lutte continue : soyons solidaires avec les prisonniers et les prisonnières !

Voici le témoignaige d’un prisonnier en lutte, à faire tourner au max.

A BAS LES CRA !


 » On fait une grève de la faim pour plusieurs raisons :
– les gens qui font 90 jours puis on les envoie en garde à vue, puis on les ramène pour 90 jours à nouveau. Par exemple les Tunisiens : pour un refus de test ils t’envoient en prison, tu te prends une condamnation de 3 ans ! Ou alors tu fais 90 jours, puis on te ramène en prison quelques temps, puis on te ramène au CRA encore 90 jours, ça c’est pas possible.
– les algériens : on les met en CRA alors que les frontières sont fermées. Pourquoi ? Ils disent « oui on te met en CRA parce que ça va bientôt réouvrir » mais c’est pas vrai on voit les informations on voit que partout il y a le Covid, ici il y a le couvre feu, en Tunisie par exemple encore pire il y a le couvre feu et les hôpitaux qui sont pleins.
– alors qu’il y a le Covid ici il ramènent des vieux, ils font pas de test, ils ramènent n’importe qui, chaque jour ils ramènent des gens. Un vieux a 79 ou 80 ans vous imaginez il a peut-être même vécu la guerre ?
– La nourriture est pas bonne, ils nous crient dessus, ils tabassent les gens. Il se passe des trucs de ouf ici, ils tabassent les gens, il y a pas de chauffage dans les cellules vous imaginez ? J’ai une seule couverture à l’heure où je vous parle.

C’est pour ça que les gens font la grève de la faim ici. Ils veulent que quelqu’un écoute, un magistrat, les journalistes. Ils veulent montrer, envoyer un message, que les gens nous voient. On est pas comme les autres centres ici c’est pire. Par exemple pour venir te voir au parloir, personne ne vient, c’est trop loin et trop compliqué pour venir, et le comportement des policiers fait que les gens ne reviennent pas. Imagine la personne fait un long chemin pour venir, il te ramène de la bouffe, et ici on leur dit que c’est pas possible et on jette la bouffe dans la poubelle !

Toutes les nationalités ici font la grève. Tout le monde fait la grève dans le bâtiment 3, 4, 5, 6, 7 et 8. On a envoyé le message au CRA 2 on va voir comment ça va se passer.

On va faire une grève de la faim jusqu’à ce que quelqu’un nous entende. Ici on est pas des esclaves, c’est fini l’esclavage, ici on vit comme des merdes.  »