Une personne enfermée au centre de rétention de Palaiseau, dans le 91, a été expulsé violemment et illégalement vers Saint-Kitts à la mi-octobre. Son cas, qui n’est évidemment pas une exception, rappelle l’acharnement contre les anciens prisonnier.es étrangèr.e.s longue peine. Il nous a fait parvenir ce témoignage pour qu’on le relaye au maximum.
« J’ai été retenu au centre de rétention de Palaiseau pendant 2 mois et demi. Avec mon avocate et ma femme nous avons saisi toutes les procédures qui étaient en notre possession.
Bien que le dossier était mal parti, à plusieurs reprises la loi fût de mon côté néanmoins je ne recevais que des refus.
Le 21 septembre après 2mois de rétention je suis finalement déclaré libérable. La préfecture n’avait aucun des moyens de diligence demandé par le tribunal administratif de Versailles, qui avait suspendu le pays de destination. Pourtant la préfecture avait quand même fait une demande de routing en ignorant la demande du tribunal administratif de Versailles et sans laissez-passer consulaire de mon pays natal. Le procureur fait appel de cette décision.
Je me retrouve donc au tribunal de Paris devant une juge qui n’a pas daigné écouter la plaidoirie de mon avocate, pire, la coupe alors qu’elle est sur son téléphone en lui disant qu’elle argumente trop et qu’elle lui laisse seulement 1 min pour finir. Après un délibéré express et malgré des articles de loi de cassation qui étaient de mon côté, je fus de nouveau renvoyé au centre.
Le jeudi 14 octobre 2021, à 8h , je demande une première fois à voir le greffe pour un réexamen de ma demande d’asile au directeur adjoint du centre. Il me répond positivement qu’il fera passer le message. A 10h sans aucun retour de leur part, je redemande à un policier à voir le greffe, c’est alors que je descend au bureau du greffe où on me fait patienter anormalement longtemps.
Je suis au téléphone avec ma belle-mère et ma femme quand j’entends la porte s’ouvrir et des policiers me kidnappent en pyjama et sandale pour me ramener à l’aéroport.
De la, je ne peux même pas exprimer si oui ou non je veux monter dans l’avion, ce qui est mon droit ! Je suis attaché comme un vulgaire terroriste et on me porte de la voiture à l’avion sans que je ne puisse rien faire, je me retrouve scotché à mon siège. Alors que je n’ai même pas eu le temps d’opposer quelconque résistance qui pourrait justifier ceci !
J’arrive alors au Panama, nous arrivons avec 1 heure de retard donc nous ratons le prochain vol en direction de San Juan. Le routing étant Paris- Panama- San juan- St kitts .
Une fois le vol raté, le routing est échoué donc selon la loi ils doivent me rapatrier dans le pays d’envoi : la France métropolitaine. Surtout que la veille mon avocate avait déposé une requête de délibéré suspensive qui devait suspendre toutes mesures d’éloignement en cours. Mais encore une fois mes droits ont été délibérément bafoués et ignorés par la préfecture.
J’ai demandé à voir un avocat, ils m’ont dit que je n’avais pas ce droit.
De là ils me disent que étant français et policiers de surcroît, ils avaient tous les droits. J’essaie alors d’alerter en anglais les passagers en disant que je n’avais pas de test PCR et que je n’étais pas vacciné. Ils m’ont dit que si je ne n’arrêtais pas de parler je serais emmené dans une salle en bas, je re-soulève que tout cela n’est pas normal. C’est alors que je me retrouve tabassé au sol, un genoux sur la gorge, je leurs dit en anglais que je ne peux pas respirer « I can’t breathe« . Et ils me rétorquent : « d’arrêter mon putain de cinéma d’américains faisant référence à Georges Floyd ». Et ils justifient leurs actes aux passants en leur disant que j’étais un terroriste de ne pas s’inquiéter.
Après un routing échoué, les policiers qui m’ont escorté, ils ont essayé de me mettre sur un vol en direction de Amsterdam puis Paris mais il n’y avait plus de place. J’ai du dormir à l’aéroport menotté sur une chaise aux pieds et aux mains … voyant la situation j’ai demandé aux policiers locaux de me faire voir un responsable car la situation n’était pas normale mais hélas je suis resté encore une fois dans l’indifférence la plus grande. 2jours passent et les instructions changent.
Les policiers m’emmènent à St-Domingue puis à Pointe-à-Pitre . Je demande à comprendre, en leur expliquant qu’ils ne pouvaient pas me balader de pays en pays comme ça et avec un test pcr périmé.
Ils m’ont scotché puis soulevé et emmené dans une salle. Suit alors un chantage, on me confisque mon téléphone et on me dit que ma femme ne veut plus me parler. Et que si je restais calme mon téléphone me sera restitué et je pourrais de nouveau appeler ma femme et mon avocate.
J’arrive en Guadeloupe , on me prévient qu’un vol est prévu dans 2 jours pour St-Kitts. Je suis alors à 4 jours de la fin du délai légal de rétention : ils peuvent retenir quelqu’un maximum 90 jours. Je leur demande alors si ils ont un nouveau laissez-passer, on me dit que le premier fera l’affaire. Je leur rétorque donc qu’il est périmé et que c’est illégal ! Ils me disent qu’ils en auront un prochainement.
J’abdique ayant peur de la suite surtout en voyant que je n’avais aucun droit nul part car je le rappelle, je suis marié et père de 2 enfants en bas âge de 4 et 2 ans et ma famille compte sur moi. Nous arrivons donc à St Domingue, sans laissez-passer ni test pcr, j’y reste 24 heures. Le lendemain j’arrive à Pointe-à-Pitre, de nouveau placé dans un cra.
Le vol est finalement annulé, j’ai rendez-vous au tribunal de Pointe-à-Pitre où un avocat commis d’office tue littéralement tout le travail de mon avocate située à Paris. Après un énième refus de voir l’évidence des preuves présenté sur l’illégalité en quête de cette mesure d’éloignement et tout de suite après le verdict je suis conduit à l’aéroport dans un avion privé pour m’emmener à St kitts.
Encore une fois sans laisser passer ni test pcr, et avec une requête de libéré suspensive toujours en cours devant le tribunal de Versailles. Voilà mon histoire que je laisse derrière moi , je laisse aussi derrière moi une une épouse, des enfants en bas âge, une belle-famille et des amis. »