Alors que l’Etat entasse les étranger.es dans les centres de rétention administrative (CRA) sans tenir compte d’aucune précaution sanitaire (chambres blindées, pas de masque, pas de gel hydroalcoolique), certain.e.s, forcément inquiet.e.s que la maladie se répande, souhaiteraient se faire tester, sans succès… Tandis que d’autres, pour que la France puisse les expulser, se retrouvent forcé.e.s à le faire. Le refus de test s’est donc répandu parmi les prisonnier.es comme moyen de résistance aux expulsions.
Criminaliser le refus de test pour enfermer plus longtemps
La crise sanitaire ne permet pas à l’Etat d’expulser autant qu’il le voudrait car certaines frontières restent encore fermées. Les préfectures utilisent donc les refus de test pour prolonger l’enfermement jusqu’à qu’elles puissent reprendre les expulsions.
Pour ce faire, les prisonnier.e.s sont placé.e.s en garde à vue, le plus souvent à la fin de leur rétention. Puis, ils ou elles comparaissent au tribunal pour soustraction à une mesure d’éloignement (à cause du refus de test) et les juges les condamnent soit à de la prison, soit à une ITF (interdiction du territoire français). L’ITF est une mesure d’éloignement (judiciaire, celle-là) qui permet de replacer la personne en rétention pour 90 jours sans avoir besoin de prendre une nouvelle mesure administrative.
Lorsque la personne est condamnée à de la prison et écrouée, elle sera quasi automatiquement ramenée en rétention au sortir de la prison… On voit bien là l‘affermissement des liens déjà forts entre CRA et taules !
L’objectif est double : garder sous la main les gens dans l’attente de leur expulsion et bien évidemment les décourager de continuer à se battre pour rester ici…
K. est Tunisien. Il est « sortant » de prison et enfermé en CRA en juillet. La Tunisie a ouvert ses frontières aux expulsé.es mais demande un test négatif de moins de 72 heures… Une semaine environ avant la fin des 90 jours en CRA, il est emmené une première fois en garde à vue pour refus de test. Il est ensuite déféré devant le juge. Grâce à un avocat de dernière minute, il réussit a refuser la CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité) qui le condamnait à 4 mois ferme sans mandat de dépôt. Il repart du tribunal au CRA avec une convocation à un procès ultérieur. Dans les jours qui suivent son retour au CRA, il alterne pression pour faire le test covid, refus, garde à vue, retour au CRA et ce jusqu’au dernier jour de sa sortie. K. a fait ni plus ni moins que 4 gardes à vue en une semaine, pour le même motif de refus de test ! Et c’est l’accès à une défense digne de ce nom qui l’a arraché à un retour en prison.
Autre exemple, le 30 novembre, le tweet d’un avocat nous informait qu’un procureur avait requis, en comparution immédiate, 4 mois de prison avec mandat de dépôt contre un étranger enfermé en rétention depuis 2 mois parce qu’il avait refusé le test PCR avant son expulsion. Il a finalement été condamné à 2 mois avec mandat de dépôt…
Il y a aussi le cas de B., qui après avoir passé 90 jours au CRA du Mesnil-Amelot et fait 3 refus de test, a été envoyé en GAV puis a été condamné à une ITF de 10 ans. Une ITF aussi longue intervient habituellement comme mesure accessoire d’une peine plus lourde pour un autre délit, ici elle vient uniquement punir le refus de test. B. a ensuite été renvoyé au CRA de Vincennes, d’où il est sorti après quelques jours de rétention. Il ne pourra pas prétendre à la régularisation en France avant 10 ans.
Violences policières et test à 2 vitesses
Au-delà de ces risques pénaux, les refus de test sont vus comme des affronts intolérables à l’autorité administrative raciste, donc les flics n’hésitent pas à se venger directement sur les prisonnier.es. Depuis plusieurs mois, nous recevons des témoignages de menaces et de violences quasi quotidiennes liées aux refus de test.
A., prisonnier au CRA du Mesnil–Amelot, témoigne par exemple : « Hier, ils m’ont dit : ‘Si tu fais pas le test corona, on va te scotcher’ « .
Les flics, l’administration et la justice mettent donc la pression aux prisonnier.es pour qu’iels fassent des tests, mais c’est bien uniquement lorsqu’il s’agit de les expulser et de les enfermer plus longtemps. Quand il s’agit d’un enjeu de santé, il est beaucoup plus difficile pour les prisonnier.es d’avoir accès à un test.
O., prisonnier au CRA du Mesnil-Amelot, raconte :
"Hier on a appelé l’ambulance pour une autre personne qui toussait beaucoup, il avait des symptômes de covid ; les pompiers ont demandé à ce qu’on leur passe les policiers. Les policiers ont refusé de leur parler, ils ont même pas voulu leur parler. Ils sont venus voir la personne malade, ils l’ont regardé, ils lui dit « est ce que t’as fumé de la drogue ? c’est pour ça que t’es pas bien » ; lui il fume même pas, ils trouvent toujours des excuses pour rien. Du coup les pompiers sont pas venus. La plupart des gens sont cas contact et ils nous ont même pas donné de test. On aimerait bien se faire tester mais eux ils veulent pas, on a demandé ils nous ont juste dit « patientez »."
Quelques jours après ce témoignage, des infirmier.es sont enfin venu.es dans le CRA pour proposer des tests au prisonnier.es. Mais selon O., de nombreux.ses prisonnier.es ont refusé de le faire, craignant qu’il les expose une fois de plus à une expulsion. Cet usage répressif du test covid19 empêche donc totalement son éventuelle utilité sanitaire.
Malgré tout, les refus de test continuent, et cela reste un moyen efficace pour les prisonnier.es de lutter contre les déportations ! Montrons notre solidarité avec elleux et rejoignons la lutte contre la répression !