« On va faire un tour de France gratuit des CRA, tant que ça ne s’améliorera pas !  » : révoltes au CRA de Lille et transferts au CRA de Metz

A Lille, la prison pour sans papiers est toujours remplie, plus de 45 personnes sont actuellement enfermées, ni les juges ni les préfets ne libèrent, les conditions sont toujours aussi pourries et les tensions se sont exacerbées avec le début du Ramadan : les flics laissent rentrer de la bouffe dans certains bâtiments et pas dans d’autres et se foutent de la gueule des prisonnier.e.s.
 
 

 
A la suite d’une action menée le 27.04 dans le bâtiment B pour protester contre les conditions pendant le Ramadan,  3 personnes sont désignées comme les leaders de la révolte, un est emmené à l’isolement et tabassé pendant la nuit. Le lendemain matin très tôt tous les 3 sont réveillés, menottés et transférés à Metz (CRA quasiment vide depuis le début du confinement). Une 4e personne du bâtiment C est transférée de la même manière avec les autres prisonniers, parce qu’il « restait une place » et parce qu’il aurait été accusé d’avoir menti à un des policiers…
 
On voit bien ici que les flics transfèrent les prisonnier.e.s de CRA en CRA à leur guise pour casser les révoltes et les solidarités et punir celleux qui protestent contre les conditions dégueulasses et pour leur libération (https://abaslescra.noblogs.org/des-revoltes-de-prisonniers-eclatent-dans-plusieurs-cra-suivi/). Les prisonniers dénoncent le manque d’hygiène, l’absence d’impartialité des juges et l’absurdité d’un système qui continue de les enfermer alors qu’ils ne peuvent être déportés. 
 
Les prisonniers du Batiment B  racontent le transfert et les conditions de rétention à Metz (témoignage du mercredi 29/04) : 
« – Et du coup, est ce que vous voulez raconter un petit peu comment ca s’est passé à Lille et le transfert ?
– Bah franchement, moi je me suis réveillé à 7heures, et j’ai trouvé les menottes dans mes mains, j’ai trouvé les menottes j’ai trouvé une ceinture, ils étaient à 10 et ils nous ont mis dans le fourgon… j’avais des boissons, des gateaux et tout (pour le ramadan), ils nous les ont pas ramenés, mon dentifrice, mon shampoing, tout ca, ils ont laissé là bas, ils ont pas ramené, ils ont pas laissé rentrer le téléphone (avec caméra)… Les gars pendant la garde à vue (mecs placés à l’isolement), ils  les ont frappés, ils l’ont bien bien bien frappé …
– Et là, la personne qui était en garde à vue, elle est avec vous ?
– Ouais, on est là, on est tous les 4, mais 1 ils l’ont bien frappé…
– Mais du coup ils vous ont emmené au commissariat ou ils l’ont laissé dans le CRA ?
– Non non il était dans le CRA, en fait ils nous ont mis à l’isolement, et le matin ils sont venus, ils ont mis une ceinture sur le corps et ils ont attaché les menottes à la ceinture, et on est partis en camion pendant 4h30 jusqu’à Metz… 
– Et ils vous ont dit que vous étiez transférés à Metz ?
– Non nous on savait rien du tout à la base, au début ils nous ont dit ouais c’est pour l’audition, parce que nous on croyait c’était pour l’audition, voilà c’est la police quoi… et après on est arrivés ici, ici y a rien du tout, y a même pas des lits, y a des gens qui dorment sur des matelas par terre, tout sales, tout pourris, y a aucune hygiène, l’hygiène c’était mieux à Lille.
 Au moins à Lille, tous les mardis tu peux faire rentrer un sac, on va te donner des gateaux etc, mais ici y a rien, même pas un petit pain, même pour faire la monnaie (pour cantiner) ils veulent pas, ils veulent pas nous faire la monnaie …
– Et dans le CRA là y a plusieurs batiments à Metz ?
– Ouais y a 7 batiments, mais y en a qu’un qui est ouvert, on est tous dedans, on est 6 dedans, y a personne dans les autres batiments … En fait on est 6 et là ils viennent de ramener un gars donc on est 7. Y en a 2 qui passent demain au tribunal ils vont sortir, du coup ca va rester 5.
– Et du coup est ce que vous vous avez été en contact avec l’association qui s’occupe un peu de faire l’accès aux papiers et tout ?
– T’as vu l’association quand on est arrivés ils ont fait la demande (demande de mise en liberté) et ca a été rejeté par le tribunal, donc là ils ont fait appel …
– Et vous avez été au téléphone au tribunal ? En visioconférence ?
– Non non rien, même avec l’association on était même pas en contact, c’est l’association qui s’occupe de ca mais ils ont même pas parlé avec nous, ils ont fait une demande direct quand on est arrivés, donc on est passés aujourd’hui, et toute a l’heure ils ont fait appel, et on repasse demain, mais on sait même pas s’ils ont tous nos papiers, y en a ils sont mariés et tout, on sait même pas s’ils ont tous les papiers … 
– Et a Lille il restait combien de personnes encore ?
– Bah y en a 45 là, et en plus ils leur foutent la misère, parce que comme nous on se laissait pas faire, du coup ils nous ont transférés, mais les autres comme ils sont étrangers ils parlent pas un mot français, rien du tout, du coup ils se laissent faire et voilà quoi …
– Ouais y a des camarades qui ont dit qu’ils prévoyaient de renvoyer un groupe de personnes roumaines aujourd’hui dans leur pays ?
– Ouais, ils ont dit le 29 ils vont transférés les Roumains, mais ils les ont pas renvoyés en fait ils ont dit qu’ils allaient les renvoyer pour nous endormir en fait, pour nous calmer, c’est pour ca qu’il veulent renvoyer les roumains… 
– Ouais et en Europe aussi les frontières sont toujours ouvertes vers plusieurs pays, alors que c’est fermé avec l’Afrique …
Et là pour la bouffe ca va avec le Ramadan ?
– Ils nous donnent qu’un repas à 21h, faut pas dire un repas c’est la moitié d’un repas, c’est une casse-croute le truc, et un yaourt et morceau de pain, et après juste le matin à 4h du matin ils nous donnent un petit déjeuner et c’est tout
Franchement, t’as vu à Lille y avait des téléphones avec internet et tout, on pouvait prendre des photos, mais ici on  pas d’internet, si j’avais l’internet je t’enverrais des photos tu vas voir, comment sont les chambres, franchement rien à voir, comment on mange et tout, franchement ici c’est vraiment la merde …
Tu vois à Lille, ils font pas sortir les gens , leurs juges leur préfet et tout ils sont durs, mais au moins le centre il est propre, les chambres elles sont propres, les cellules ici c’est vraiment dégueulasse …
– Et là ca fait longtemps que vous êtes en centre de rétention ?
– Ca dépend, moi ca fait une semaine, d’autres deux semaines et un autre 1 mois. En fait, depuis qu’on est sortis de prison et bah voilà, on est là, et voilà là on a été transférés, parce que nous on se laissait pas faire là bas, on demandait à manger, on demandait ça on demandait ça, du coup bah ils ont dit qu’on foutait la merde et voilà…
– Ouais ils ont voulu vous punir quoi …
– Voilà exactement, et du coup ils nous ont éloigné à 400km de chez nous, comme ca on fout plus la merde quoi, on peut plus voir nos proches on dit plus rien 
– Et là vous avez réussi à avoir le contact avec vos proches depuis que vous êtes à Metz ?
– Ouais mais que par téléphone quoi, moi je suis marié j’avais tout, j’avais les papiers maintenant ils veulent me retirer les papiers pour me renvoyer au Maroc…
– Bah ca c’est souvent comme ca, quand tu fais de la zonz, souvent ils t’enlèvent les papiers et après dès que tu sors ils veulent te renvoyer au bled quoi…
– Ouais mais ils pourront pas là, avec le Covid 19 ils pourront pas. Là dans tous les centres ils ont relaché tout le monde, dans tous les centres, y a que ici dans le Nord que c’est comme ca …
– Bah c’est vrai que y a beaucoup de centres qui ont été vidés, après y a quand même pleins de CRA qui sont encore ouverts et ils continuent de les remplir quoi à Lyon, à Toulouse etc, ils font croire que c’est vide mais ils continuent de mettre des gens qui sortent de prison, même des gens qu’ils arrentent dans la rue…
– Ouais mais t’as vu à Lille, y avait personne qui venait de la rue, c’était que les gens qui venaient de la prison, en ce moment là bas ils attrapent personne dehors là bas
– Et du coup à Metz là tu dis que y a un gars qui s’est fait choper dans la rue ?
– Ouais, un noir, ca se voit qu’il est sdf, miskin, ils l’ont trouvé dans la rue et tout. Franchement, ils l’ont attrapé, sans papier, ils l’ont ramené ici
– Ils l’ont attrapé à cause du confinement ?
– Ouais voilà c’est ca 
– C’est chaud … ils arrêtent pour le confinement, ils contrôlent les attestations etc et ils en profitent pour checker les papiers et ils t’embarquent quoi…
Bon on se rappelle demain pour voir avec l’appel et tout si vous arrivez à sortir …
– Ca sera magnifique, franchement jamais j’vais être content comme ca dans ma vie si on sort, tellement ils nous ont fait galérer ici, ici on est en prison, si on va sortir on va faire la fête… même si on fait les 90 jours on va sortir parce que là c’est le covid, y a pas de renvois … ma situation à moi c’est que je suis rentré en France j’avais 14 ans, même au maroc j’avais pas les empreintes j’avais rien, j’ai pas de contact avec la famille, j’ai rien rien rien … au grand max j’vais faire 90 jours, ils auront pas le laisser passer t’façon, j’suis inconnu du consulat marocain, même si les frontières rouvrent pour moi ils peuvent rien faire… »
Un autre témoignage d’un prisonnier transféré qui raconte les conditions de rétention et d’hygiène à Lille et à Metz (témoignage du 30/04) : 
 
« En plus dans les zones plus à risque.. L’épidémie elle est plus forte ici en Alsace que là ou on était à Lille. Ici on a un peu d’espoir. Parce que les gens ils sortent un peu ici. Nous on est arrivé avec le bagage de 28 jours, on a fait appel pour nous et ils ont fait une demande de JLD plutôt mais la juge ne nous a pas lâché hier. On a fait appel et on verra demain. Le fait qu’on sorte de prison et qu’on  nous ramene dans un centre c’est caduque. Nous on vient de prison on est plus des sujets à risque de prendre quelque chose. A Lille c’est des malins ils ramenent une majorité d’albanais roumains.. des européens quoi. Les internationaux comme nous ils pouvaient pas nous expulser. En tout on est 6.. La bas en deux jours ils ont ramene une dizaine de personnes. On etait 5 ou 6 au bloc C et au bout de deux jours on etait une vingtaine de personnes.. ils ont même rouvert des cellules qui étaient ouverte pour travaux. Ils ont ouvert sans sanitaire, sans lavabo juste pour caser les gens. Ils ont des blocs F et B ou y a tous les gens qui font le ramadan. C’etait un jeudi et on a bloque la salle d’attente… La salle des pas perdu quoi. Comme au tribunal y a une salle où on est stressé.  pour exiger de voir le médecin. Et finalement y a un infirmier qu’est venu et ils nous ont fait vite fait des test pour verifier la tension et la température. Et le lundi la décision était prise.
 
Ici a Metz y a pas d’infirmier… ou alors elle vient le soir. Ici même au niveau médical c’est chaud. Mais au moins il paraît qu’il lache les gens.« 
Un témoignage du prisonnier du bâtiment C qui raconte également son transfert et le début d’une grève de la faim (témoignage du 01/05)  : 
 
Peux-tu m’expliquer ce qu’il s’est passé à Lille avant que tu ne sois transféré ici à Metz ?
 
Tout allait très bien. Bon on a fait le truc là, pour histoire de dire qu’il y en a marre là de ramener des gens de dehors pour le Coronavirus. Il faudrait au moins nous tester, voir si ça va ou pas, nous donner les masques. On a bloqué une matinée, une heure de temps, mercredi dernier. On a demandé à l’infirmerie, avec quelques symptômes qu’on essayait de faire valoir : toux, j’ai mal là, ou là. Et après l’infirmier il est venu, il a pris la température, il a mesuré la tension. Soit disant, ce n’était pas le coronavirus, c’était la gastro pour ceux qui avaient mal et il a donné des cachets. Et tout allait bien à ce moment là. Ça s’est accéléré après. Quand ils ont ramené encore plus de gens. Ils ne ramenaient que des roumains, des slaves, que des européens quoi. Nous on a entamé le ramadan. Ils m’ont demandé si je voulais aller dans une unité de ramadan, j’ai dit bah non. Je fais mon ramadan sans me déplacer à l’unité. 
 
Et c’était quoi cette unité ?
 
C’était dans d’autres blocs, mais qui étaient plus délabrés et moins tranquilles, qui leur posaient des problèmes tout le temps. Parce que la brigade de nuit me disait que chaque fois qu’ils passaient dans ce bâtiment ils disaient ‘bah voilà, j’étais en intervention au B au F et puis il y a eu ça, il y a eu le feu, ceci, cela’. Moi je voulais pas intégrer cette unité là. Je me suis dis je vais faire mon ramadan tranquille ici, en ne demandant rien à personne. Je me levais le matin à midi pour aller chercher mon repas, et le soir pareil. Avec l’accord du chef de l’unité pour descendre les barquettes. Vendredi, Samedi, Dimanche ça s’est bien passé. Et puis lundi, dans l’après-midi, je ne sais pas ce qu’il y a eu dans les autres bâtiments, tout d’un coup ils viennent chez nous. Ils viennent m’interpeller moi : « Eh comment ça vous me dites vous ne faites pas le ramadan et en fait vous faites le ramadan » « Et alors il est où le problème ? »
« Si vous faites le ramadan, il faut vous faire déplacer de d’unité ». Je dis non, je fais le ramadan, mais je n’ai pas envie de partir d’ici. Surtout que je ne vous dérange pas. Il répond « Non non non mais tout va bien ». Si l’officier en charge me dit que je ne peux pas descendre les barquettes, il y a pas de problèmes, je ne vais pas faire le bras de fer avec lui. Mais au contraire, c’est lui qui a dit : « vous vous pouvez les descendre, vous ne gênez personne ». En plus à l’infirmerie je suis déclaré comme faisant le ramadan et je prends mon traitement le soir.
 
Et après je ne sais pas ce qu’il s’est passé, le mardi matin à 8h ou je ne sais pas à quelle heure, mais il était tôt; je vois toute une brigade dans ma chambre, je dormais. Ils étaient 5 ou 6. Et moi je dis bonjour, j’étais un peu sonné au réveil. J’ai dit « qu’est ce qu’il y a ? » « C’est bon levez-vous, les mains dans le dos, je vous mets les menottes, vous êtes transférés ». J’ai dit : « Quoi !! »  « Oui vous êtes transférés »  « Transféré où ? »  « A Metz  » « Mais pourquoi ? C’est loin quand même Metz ! »  « Je ne sais pas où c’est Metz, tout ce que je sais c’est que ce n’est pas à côté. » Tout était déjà prêt, ils avaient toutes mes affaires dans le fourgon, tout mon paquetage. Ils ont commencé par moi et après ils ont amené les autres. A l’unité de vie, j’ai pu mettre mes chaussures, ils m’ont amené une espace de ceinture. Et après moi j’ai eu peur, je vous jure. Non j’ai pas eu peur, dans le sens où j’allais … bon en fait si, c’était l’inconnu quoi !
Et je me suis dit : j’espère que ce n’est pas une affaire de terrorisme, vous voyez ce que je veux dire ou pas ? Ouais je ne sais pas moi, vous savez maintenant on peut vous accuser de tout. Après j’ai vu les têtes des inspecteurs, ces têtes là, ce ne sont pas des têtes normales. Moi je viens de la rue… Je connais un peu tout le tralala. Il me dit « non, non, ne vous inquiétez pas, vous allez juste à Metz et voilà ». Et d’un coup je vois le lieutenant là, qui était venu me voir dans l’après-midi, la veille. Je lui dit : « mais pourquoi vous me transferez ? Je vous ai fait quoi ? » 
 
C’est vrai que les trois là ils foutaient un peu la zizani dans le truc, ils les ont emmerdé toute la nuit en fait. C’est peut-être parce que je parlais français aussi. Parce qu’avec moi, il y avait un albanais, il fallait qu’il descende pour aller faire ses besoins. Et le mec, franchement, je l’ai vu plus d’une fois, il ne peut pas contrôler ça. Il appelle. Et ils le laissent poireauter une heure. « Attendez on est en train de boire un café, on est en train de fumer une cigarette ». Mais lui il ne savait pas s’exprimer en français, donc il ne pouvait pas se défendre, donc je suis intervenu. J’ai parlé avec eux. Ça a changé car je leur ai dit que le mec souffrait, que ce n’était pas correct de lui faire ça.
 
Donc le lieutenant, je lui dit « Mais pourquoi tu me transfères ? », il me dit : « ouais parce que tu m’as dit que tu ne fais pas le Ramadan, alors que tu fais le Ramadan » « Juste pour ça ? » 
« Bah ouais » « j’avais une place, je t’ai mis dedans ».
 
Je ne sais pas comment on va s’en sortir.
 
Alors là ici [à Metz], l’ordre de Malte, aucune nouvelle. Au moins là-bas à Lille il y avait une visio. Ici il n’y a rien du tout. Ils décident eux-même, vous ne parlez avec personne. Juste on vous ramène des papiers et on vous demande de signer et basta! Nos droits sont bafoués à 100%.
 
Là j’ai commencé à faire la grève là. Je ne mange pas. Hier je n’ai pas mangé. Je fais la grève de la faim et de la soif. Je suis tout seul. 
 
 
SOUTIEN AUX PRISONNIERS EN REVOLTE QUI SUBISSENT LA REPRESSION DANS LES CRA ! 
 
LUTTONS CONTRE LES TENTATIVES DE DIVISION ET LES PRESSIONS PSYCHOLOGIQUES ET MORALES DES KEUFS EN MONTRANT NOTRE SOLIDARITE AVEC LES PRISONNIERS !