Les CRA (centre de rétention administrative) et les LRA (local de rétention administrative) sont des lieux gérés par la police, servant à enfermer les personnes qui n’ont pas les bons papiers en vue de leur expulsion. Depuis 2 ans, les annonces d’extensions et de nouvelles constructions de CRA et de LRA se multiplient. Sont prévues, pour 2025, 850 places supplémentaires en CRA (2.200 aujourd’hui) et 170 en LRA (131 aoujourd’hui). L’état se dote en ce moment d’un parc de rétention administrative qui enfermera potentiellement plus de 75.000 personnes par an.
La circulaire du 17 novembre 2022 (https://www.gisti.org/IMG/pdf/circ_2022-11-17.pdf) envoye un signal très clair aux préfectures en systématisant les délivrances d’OQTF (obligation de quitter le territoire français), tout en statuant sur les objectifs de construction de nouveaux CRA et LRA. Le projet de loi sur l’immigration, qui a pour le moment été reporté, embraye le pas et prévoit toujours plus d’OQTF, d’enfermement et d’expulsion, de précarité, toujours plus de conditions pour obtenir l’asile ou un visa, toujours plus de contrôles et de sanctions.
A Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Paris, Strasbourg, Toulouse, c’est clair, tout le monde déteste les centres de rétention. Les manifs contre les CRA ont eu lieu conjointement dans ces villes le 18 février.
Récits des manifs contre les CRA, partout en France.
Bordeaux
Depuis l’annonce de la création d’un centre de rétention proche de Bordeaux, un collectif réunissant des associations bordelaises s’est monté pour lutter contre ce projet. C’est à l’initiative de ce collectif que la manifestation du 18 février a eu lieu.
Le trajet a été déclaré à la préfecture. Alors que nous n’étions pas sûr-es qu‘elle accepterait qu’on passe devant le CRA actuel de Bordeaux, qui se trouve en sous-sol de l’hôtel de police, nous avons déclaré un circuit traversant les rues commerçantes de Bordeaux. La préfecture a finalement préféré nous voir arriver devant l’hôtel de police plutôt que proche des consommateurs et consommatrices de la grande distribution. Ça nous arrangeait finalement bien de rejoindre le CRA, pour montrer tout notre soutien aux personnes retenues.
Rendez-vous 14h. Une prise de parole d’un membre du collectif pour expliquer la situation en France et sur Bordeaux. La batucada féministe présente pour faire du bruit. Le cortège des gilets-jaunes qui nous rejoint. Nous sommes prêt-es pour partir en déambulation dans la ville.
Nous avons traversé un bout de la fameuse rue commerçante bordelaise, la rue Sainte-Catherine, nous avons bifurqué par des petites rues pour rejoindre le parvis des droits de l’homme devant le tribunal de grande instance, puis nous avons marché en ligne droite vers l’hôtel de police. Plein de slogans, des surdos* et une banderole pour annoncer sur notre passage pourquoi nous sommes ici.
Une fois devant le commissariat, un témoignage a été lu. Nous n’avons pas fait plus de bruit car, le centre de rétention étant au sous-sol, les retenus ne nous entendaient pas depuis leur cour « extérieure ». Des photos et des vidéos de la mobilisation leur ont été montrées après coup.
C’est entre 100 et 150 personnes qui auront déambulé ce samedi 18 février. Seulement une centaine de personnes se sentent assez intéressées par ce sujet pour se mobiliser, alors que le projet de loi Darmanin tend la main à une plus forte discrimination des personnes étrangères. Il faut espérer que les prochaines mobilisations soient plus revendicatives par les discours et les actions.
* instruments de percussion brésiliens
Paris
Ce n’est pas la première manif devant le CRA de Vincennes, mais cette fois, on a voulu qu’elle serve aussi la lutte contre la loi Darmanin. Elle a donc été portée par différentes organisations (collectifs, assemblées générales, assos, syndicats, …) avec lesquelles on n’est pas toujours d’accord, mais on a fait le choix de se mobiliser ensemble là-dessus. La manif était déclarée, ce qui a eu l’avantage de nous permettre de communiquer bien à l’avance : on en parlé aux cabines téléphoniques des CRA, avec les proches en parloir, dans les manifs contre la réforme des retraites…
Au CRA de Vincennes on peut dire qu’une bonne partie des prisonniers étaient au courant et certains d’entre eux ont pu préparer des prises de parole. Ça nous a aussi permis de tracter devant le CRA pour parler de cette manifestation avec les proches venant en visite.
Pour nous le plus important, c’était que la manif passe suffisamment proche du CRA de Vincennes pour qu’on soit entendu·es de l’intérieur, ce que la préfecture a tout fait pour éviter, en refusant à deux reprises les itinéraires déposés.
Comme prévu, le jours J, il y avait beaucoup de flics mais aussi pas mal de monde, au moins 1.500 personnes, ce qu’on n’avait pas vu depuis longtemps dans une manif devant un CRA !
On avait prévu quelques petits trucs pour rendre le long trajet jusqu’au CRA plus marrant : des petits tags sur film plastique entre 2 arbres, des pochoirs, quelques collages. On a été content de voir que pas mal de gens s’étaient appropriés la manif, il y avait de chouettes banderoles et pancartes, des chansons, de la musique…
Au téléphone, on essayait de faire vivre un peu la manif aux copains à l’intérieur.
Tout le long du trajet les flics nous ont suivi de près, nous forçant à n’occuper qu’une moitié de la chaussée. Ils en ont profité pour arrêter un copain, fonçant dans le cortège sans qu’on ait le temps de réagir.
Arrivée à proximité du CRA, une bonne partie du cortège a décidé de ne pas se plier à l’itinéraire de la préfecture et a tenté de rejoindre le CRA en sortant de la route. Mais la BRAV-M nous attendait et on n’a pas pu aller très loin, juste assez pour être entendue.s par les copains du bâtiment 1. On a crié de toutes nos forces : « Liberté ! Liberté ! Liberté ! ». Ça a duré 10 minutes, c’était intense et on espère que ça a donné un peu de force aux copains enfermés ! On a ensuite rejoint le reste du cortège pour les prises de paroles.
En branchant un téléphone à la sono, on a échangé en direct avec des personnes enfermées au CRA de Vincennes qui avaient préparé des prises de paroles. Elles racontent les violences physiques, phsychologiques et médicales dont elles sont victimes à l’intérieur et dénonçent l’injustice de ce système qui les enferme. On a crié pour leur répondre et leur donner un peu de force. Malheureusement, on s’est aussi heurté à la rigidité du cadre posé par les organisations, et on a du couper court aux échanges, les personnes des bâtiments 2A et B du CRA n’ont pas pu s’exprimer, alors qu’ils s’y préparaient depuis plusieurs jours.
En marchant jusqu’au RER où devait finir la manif, on a utilisé ce qui nous restait de voix pour lancer des slogans contre les taules et les frontières.
Un peu plus tard dans la soirée, pour bien finir la journée, des feux d’artifices ont été lancés à proximité du CRA. A l’intérieur les prisonniers ont répondu par des cris et des sifflements.
On a reçu des SMS de remerciement des copains à l’intérieur, qui nous ont dit que ça leur avait donné de la force, ils étaient impressionnés de savoir qu’il y avait eu plus d’un millier de personnes devant le CRA.
Quelques retour depuis l’intérieur du CRA de Vincennes
« Le jour de la manifestation tous les gens sont sortis dehors, même les keufs ils nous a encerclé parce qu’ils pensent qu’on va sortir, qu’on va sauter les grillages et tout ça. On a entendu les gens, on a vu les gens. c’est pas facile c’est ça. »
« Il nous ont encerclé du fait qu’il y avait beaucoup de monde, du fait qu’il y a eu beaucoup d’intensité dans la cour, les arabes ils crient, tout ça criait ça criait, ils nous ont encerclés même il y a des policiers qui sont rentrés à l’intérieur du centre. du coup avant même la manif parce qu’ils étaient au courant, ils sont venus rentrés
[…] avant la manif ils étaient déjà au courant d’habitude, moi je n’ai jamais vu ça, ils sont rentrés, ils marchaient au moins à 10 personnes, ils vérifiaient dans toutes les chambres. Du coup de fait que vous êtes vénus à l’extérieur du cra donc ils ont vu que tout le monde était motivé, ça criait partout, ça criait « libérez », « ni cra ni prison » « ni cra ni prison » « ni cra ni prison », liberté égalité fraternité […] Comme on est au cra 1, ici on voit les autres qui sont au cra 2 et eux aussi ils étaient à côté, ils étaient là crier mais il y a un moment que les keufs, les policiers sont vénus encercler. il y a des policiers qui font semblant, comme s’ils sont avec nous, ils disent que oui, ça fait du bien, ils sont là à manifester pour vous, ils nous demandent c’est qui, mais c’est normal, c’est les policiers même qui parlaient avec nous, mais c’est pas ça qu’ils font, ils font semblant de parler comme si oui ils sont avec nous mais c’est pas ça, ce qu’il se passe à l’intérieur du cra c’est autre chose.
« On est contre ça, à bas Darmanin, à bas la nouvelle loi, on est contre ça ! Darmanin il sait pas que ici c’est les étrangers qui se réveillent le matin pour aller au travail. A 6h arrête toi à l’arrêt du métro ou à l’arrêt du bus, tu vas voir, qui part au travail c’est es étrangers. Et pour ça l’immigration ne peut jamais finir ici, ça va jamais finir. Il va faire, il va expulser, il va expulser des gens mais il ne peut pas expulser tout le monde. A bas les cra ! A bas la loi Darmanin ! Et ça va pas finir, si tu vois qui va travailler en Europe, en France, surtout ici en France, c’est les étrangers.[…]Il faut régulariser les gens tu vas voir ! Ceux qui n’ont pas de papier ils ont pas le droit de travailler. S’ils ont des papiers pourquoi pas ils vont pas travailler. Nous sommes vénus ici pour chercher de l’argent, nous sommes pas vénus ici pour chercher de la merde. Pour dépasser toute la situation là, tu traverser le désert, la mer Méditerranée, et puis tu viens ici et puis tu mets ta vie en danger ! c’est impossible ! on est là pour venir et regarder la Tour Eiffel ou les Champs Élysées, on est pas là pour ça ! On a laissé la famille, et puis on est là pour s’en sortir, pour essayer de faire une meilleure vie, on est pas là pour ça. on est pas là pour ça. […] Alors après c’est nous qui sommes ramenés au cra, ou bien en prison, ou bien qu’on nous fait mal. Moi je pars pour acheter mes médicaments en pharmacie, ils m’ont dit, arrête toi, j’ai arrêté, ils m’ont dit, tes papiers et tout ça. J’ai dit, non moi je dois partir là bas en pharmacie parce que moi je suis malade d’abord, je peux pas ne pas prendre mes médicaments. C’est ça qu’on m’avait attrapé, mis mois en garde à vue plus de 48h en plus aussi même moi aussi en cra.«
« Même les associations qui sont là, l’assfam, ils sont corrompus. Tous, la préfecture de police, l’infirmerie, le médecin d’ici, tous ils sont corrompus. Tout est corrompu ici. C’est difficile ici de demander l’asile, ils vont pas te donner un titre de séjour. Tu vas demander l’asile pour faciliter la tâche de te ramener au chez toi. Mais c’est impossible, c’est n’importe quoi !«
Marseille
Comme dans d’autres villes de France, le 18 février une manifestation contre les CRA, contre la loi Darmanin et les expulsions a aussi traversé les rues de Marseille. Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées à Bougainville pour marcher jusqu’au CRA et ensuite se diriger vers le centre ville.
Le cortège a réussi à se rendre jusqu’aux portes du CRA où on a pu échanger par dessus les murs avec les personnes enfermées. Aux messages de solidarité et de lutte venant de l’extérieur, les retenus à l’intérieur ont répondu par des chaleureux cris et bruits.
Depuis l’intérieur on nous raconte que « on s’est mis à faire du bruit, à crier, et tout le monde chantait « liberta, liberta, liberta ». Après la manifestation la plupart d’entre nous on a arrêté de manger, on a fait une grève de la faim. On était une quinzaine et la grève à duré 2 ou 3 jours. On voulait leur montrer qu’on était sérieux quand on demande la liberté, qu’on prenait serieusement le combat des gens à l’extérieur pour nous. » Et encore: « Y en a qui ont fait la grève de la faim après la manifestation, au moins une dizaine de personnes, ils ont tenu 5 jours. Il y en a un en 1C qui est parti à l’hôpital, sinon les autres ils étaient en 0D ». Les prisonniers rapportent aussi que les keufs leur ont mis la pression pour avoir pris part à la manifestation. Dans le long arrêt devant le CRA, des personnes à l’extérieur, qui attendaient de rentrer pour faire les parloirs, ont pu prendre le micro et donner la parole à leurs proches à l’intérieur.
Le cortège s’est ensuite dirigé vers le centre-ville, tentant de s’approcher des bureaux de Corsica Linea, compagnie maritime qui à Marseille s’enrichit grâce aux politiques racistes de l’Etat : en effet, Corsica Linea a signé le 14 mai dernier un contrat avec le Ministère de l’Interieur pour effectuer les expulsions vers l’Algerie et la Tunisie par bateau.
Pendant le cortège, un ami a appelé depuis une prison pour dénoncer l’interminable boucle d’enfermement entre CRA et prison qu’il a dû subir et que la loi Darmanin ne fera que systématiser. Il a malheureusement été expulsé quelques jours après depuis la prison.
La manifestation s’est ensuite terminée à la Porte d’Aix, rencontrant le soutien des passants tout au long du parcours. A l’intérieur et à l’extérieur du CRA, la lutte contre l’enfermement,les expulsions et la loi Darmanin ne s’arrête pas là.
Contre les CRA, contre la loi Darmanin!
Solidarité avec tous les prisonnier-è-s en lutte!
Toulouse
A Toulouse, une trentaine de personnes se sont rassemblées devant le CRA de Cornebarrieu pour faire entendre leur solidarité avec les personnes qui y sont enfermées et qui subissent le racisme et les violences d’État. Elles ont passé de la musique et échangé par dessus les murs avec les prisonniers de plusieurs secteurs avant l’arrivée des gendarmes. A l’intérieur, quand les prisonniers sont sortis dans les cours de promenade pour crier avec les manifestant·es et danser sur la musique, les flics sont ensuite venus équipés de matraques et de gaz pour les empêcher de communiquer avec l’extérieur et les faire entrer dans le bâtiment.
https://toulouseanticra.noblogs.org/rassemblement-devant-le-cra-de-toulouse/
Solidarité avec les prisonnier·es en lutte !
Solidarité avec toustes les immigré·es !
A bas les CRA et les frontières !