Faites tourner ! Cette récente décision du conseil constitutionnel peut permettre à certains retenus d’être libérés

En attendant que les CRA soient fermés par le feu, les retenus peuvent tenter de se faire libérer en faisant valoir une récente décision du conseil constitutionnel. Ce serait dommage de s’en priver.


Pour faire simple, le conseil constitutionnel, dans une décision du 16 octobre 2025 (n° 2025-1172 QPC), a censuré l’article 741-7 du Ceseda qui permet de placer en rétention une personne plusieurs fois sur la base de la même décision d’éloignement.

En clair, des personnes peuvent ́être envoyées au CRA 3, 4, 8 fois à partir de la même OQTF, ITF, ou arrêté ministériel d’expulsion.

Le Conseil constitutionnel n’interdit pas cette sale pratique. Il est donc toujours possible d’enfermer plusieurs fois une même personne en CRA sur le fondement de la même mesure d’éloignement, mais le Conseil constitutionnel dit que cette pratique doit être encadrée. Il laisse 1 an aux députés pour fixer ce cadre.

En attendant, le juge doit contrôler si, en cas de nouveau placement en CRA, cette décision « n’excède pas la rigueur nécessaire », comme ils disent. Cette formule est floue et on pourrait la traduire par « si c’est pas abusé ».

Pour faire ce contrôle, le juge va devoir s’appuyer sur des éléments concrets comme : la perspective d’expulsion de la personne retenue, le nombre de placements en CRA, leur durée, la fin du placement, les documents mentionnant la libération, les registres du CRA, l’OQTF…

Sans ces documents, que détient la préfecture, le juge peut considérer que l’administration ne lui a pas transmis les informations nécessaires pour effectuer son contrôle et décider de libérer la personne.

Des fois cela a fonctionné.
La cour d’appel de Paris (4 novembre 2025, n° 25/06047) a indiqué qu’« il appartient à l’administration de produire toutes pièces justificatives utiles », comme « les précédentes décisions de placement en rétention ». Celle de Metz (24 octobre 2025 n°25/01133) souligne que le « préfet ne mentionne aucune de ces précédentes rétentions administratives et n’explique pas en quoi une nouvelle rétention serait nécessaire ou utile à l’éloignement de l’intéressé ». Le juge du tribunal judiciaire de Toulouse (23 octobre 2025, n° 25/02647) a estimé que la préfecture aurait du apporter « la décision judiciaire mettant un terme à cette première rétention, ou l’information que l’intéressé ait accompli la durée maximale de 90 jours lors de cette première période de rétention, ou la date de son éloignement effectif ». Avant de pointer : « ces éléments sont désormais indispensables pour permettre au juge judiciaire de contrôler ».

Le juge du tribunal judiciaire de Lyon (19 octobre 2025, n° 25/04037) a estimé que placer une personne en CRA pour la 4eme fois entrainait « une privation de liberté excessive, eu égard à la durée cumulée des mesures précédentes ». Toujours à Lyon (23 octobre 2025, n° 25/04087), le juge souligne que la préfecture ne justifie pas « des conditions dans lesquelles la personne a précédemment été placée en rétention » et insiste sur les « quatre longues périodes » de rétention déjà subi par la personne.

Mais des fois le juge ne veut rien entendre et insiste sur la supposée « menace grave et actuelle pour l’ordre public »(Cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 28 octobre 2025), sur le passé judiciaire (Cour d’appel de Metz, 26 octobre 2025), ou le non-respect d’une assignation à résidence (Cour d’appel de Metz, 31 octobre 2025) pour refuser de libérer la personne.

Alors certes ce n’est pas avec cette décision qu’on va en finir avec les CRA, mais ça peut permettre à certaines personnes d’en sortir, donc autant faire tourner l’info au maximum!