Tentative de suicide au centre de Vincennes : l’enfermement et la justice poussent à bout

Des Coups de fils reçus aujourd’hui de Vincennes

Alors que plusieurs tentatives de suicide sont signalées à Coquelles ou à Mesnil, on nous a rapporté une autre tentative aujourd’hui à Vincennes. La personne a été sauvée à temps par les autres prisonniers.

On nous a aussi parlé de l’engrenage de la rétention et des passages successifs devant les juges qui ne laissent aucun répit.

Lui son tribunal c’était samedi dernier. Et il n’a pas eu la décision tout de suite. Comme il comprend pas le français, ils lui ont mal expliqué, ils lui ont mal transmis. Donc il a compris qu’il allait être libéré. Il était content pendant tout le week end.

Il a reçu un avis défavorable du tribunal, pour le retenir encore là au centre. Parce qu’il a déjà passé 28 jours, ils ont rajouté une trentaine de jours. Il l’a reçu cet après midi (lundi), sur les coups de 13h. Il m’a montré la décision. C’est un Afghan. J’essaie de connecter en anglais. Je lui parle un peu. Comme je lis le français, on essaie de lui transmettre l’information, enfin comme je peux. Voilà, il était vraiment dans un état dépressif après avoir reçu la décision du tribunal.

Il a demandé l’asile. Il avait une attestation de l’asile déjà. Ils ont pas voulu de l’attestation. Apparemment, c’est une attestation qui n’est plus valide, qui a expiré. Du coup elle n’était pas renouvelable. Enfin j’ai pas beaucoup de détails sur l’affaire.

Du coup aujourd’hui il a reçu la décision. Il a compris que c’était pas en sa faveur. On lui a dit que ça fait rien, que ça va aller. On était tous ensemble pour essayer de le consoler quoi.

Et du coup moi je suis rentré dans ma chambre tranquille, j’ai pensé il est allé dans sa chambre lui aussi.

Et là un mec, depuis la salle télé, l’a vu en train d’attacher la corde à son cou dehors. On est arrivé juste à temps pour le décrocher. En fait dans la cour y a une cage à l’extérieur. Vous voyez comme y a des cages là où on met des oiseaux. Ou bien les animaux voilà. C’est une cage, et il s’est pendu au niveau des barreaux extérieurs de la cage. Il a réussi à grimper. C’est fou quand même … à attacher le drap et à se pendre.

Avec un peu de chance on a réussi à grimper et à le descendre en bas. Après, ils l’ont emmené dans une ambulance et on sait plus rien du tout de lui. Ils l’ont amené à l’infirmerie puis dans l’ambulance. Et la police n’a même pas cherché comment ça s’est passé. Ils nous ont pas interrogé, qui l’a décroché, pourquoi et tout… Le minimum, une petite enquête.

Et dans la cour, aux deux extrémités, il y a deux cabines avec des policiers qui sont là en permanence jour et nuit, à ta droite et à ta gauche. Le temps que le mec il grimpe là-haut et accroche le drap, ils étaient où ? sur leur smartphone ? J sais pas. Ils ont rien vu du tout. C’est nous de l’intérieur qui avons réussi à le voir et nous sommes précipités vers lui. Pourtant, eux leur travail consiste à nous surveiller.

Pour moi j’ai remarqué le système judiciaire il est un peu compliqué.

Quand tu sors de la garde à vue, après 24 ou 48h. Donc la garde à vue, je vous raconte pas ce que c’est. Pas de sommeil, pas de rien du tout, on peut pas dormir. On est sur nos gardes et tout.

On arrive là au centre pratiquement le soir. Moi je suis arrivé à 20h30. Le lendemain tu dors pas. C’est la panique toute la nuit, tu sais pas comment ça se passe et tout. Le lendemain on t’apprend que tu vas au tribunal le sur lendemain, vous voyez? Donc t’arrives la nuit, tu passes la nuit, et le surlendemain, le jour d’après t’es au tribunal, complètement déphasé, vous savez pas où vous en êtes.

Et puis le tribunal j’ai pas l’habitude de ça. Et si vous n’avez pas les moyens vous n’avez pas le temps de contacter votre famille, vos avocats. Et c’est nécessaire.

Ils nous prennent à la hâte comme ça. Si t’es pas libéré, on te ramène au centre. Tu passes la nuit, c’est pareil tu dors pas et tout. Le lendemain, tu passes la journée. Le surlendemain tribunal, tribunal d’appel. Vous voyez ? Vous n’avez même pas le temps de respirer, de contacter, de rien.

En plus ici on nous enlève nos smartphones. Donc le temps de s’acheter un portable à l’ancienne comme nokia, les basiques là. Il faut demander l’OFII. Si t’as de l’argent. L’OFII tu donnes l’argent le matin, ils te ramènent le truc à partir de 15h. Et vous avez le droit d’utiliser votre carte SIM mais votre portable non. Donc si vous avez pas le bon mobile, vous pouvez pas l’allumer pour voir les numéros.

Donc t’as pas le temps de contacter les tiens ou un avocat. Voilà comment ça se passe le système juridique au début.

Après, quand t’es retenu, on te programme pour le vol. Assez rapidement. Après y a le tribunal administratif. Le recours. Puis si t’es pas libéré, pour avoir la décision, ça met minimum 10 jours. Donc c’est impossible. En attendant ils vous mettent un vol. Imaginez vous avez une décision, vous faîtes appel. L’appel bloque pas le vol.

Pour moi le tribunal administratif c’était samedi pas celui là celui de l’autre semaine. J’attends encore la décision. Le temps de faire un appel. Le temps de confirmer et d’accepter l’appel, ça va prendre une quinzaine de jours. Moi j’ai déjà eu un vol. j’ai refusé le vol. Mais très certainement je vais avoir un vol dans les prochains jours. Donc ils te prolongent cette durée exprès pour ne pas avoir le temps de faire appel.

Si vous avez la chance vous pouvez vous payer un avocat. Parce que les avocats d’office, pratiquement les gens qui sont libérés. Je vous dis peut être 90%, même 99%, ce sont les avocats de l’extérieur, ce sont pas les avocats d’office.

coups de téléphones le lundi 11 mars 2019

 

Des violences policières quotidiennes au CRA de St Exupéry !

On relaye ici un article écrit par des copain.e.s sur Rebellyon:

Le soir du 26 février, des violences policières provoquant hospitalisations, blessures ainsi que gardes à vue, ont éclaté contre les détenus au centre de rétention administrative de Saint-Exupéry à Lyon.

Les Centres de Rétention Administrative (CRA) sont utilisés pour emprisonner les étranger.e.s [jusqu’à 90 jours], à qui on ne reconnaît pas le droit de séjourner en France, dans l’optique de les expulser de force du territoire français. A Lyon, le CRA le plus proche se trouve à St-Exupéry. Cette proximité avec l’aéroport témoigne de la volonté de ces centres de procéder à une expulsion expéditive des détenu.e.s. Le CRA est composé de 2 sections : hommes (séparés dans 2 blocs jaune et bleu) et femmes/familles. Il est co-géré par la Police Aux Frontières et Forum Réfugiés.

Résumé de la soirée à travers quelques témoignages de l’intérieur :

A 19h, au moment où les hommes du bloc bleu sont dans le réfectoire pour le repas, une dispute éclate entre détenus. Les agent.es de la P.A.F. font alors preuve, conformément à leur mission et à leur fonction, d’une violence extrême. En effet, la police gaze au poivre et tabasse l’ensemble des personnes présentes, évacue le réfectoire et repousse les détenus dans le couloir des cellules, où les violences se poursuivent. Profitant du désordre général, au moins trois détenus tentent de s’évader ; le prétexte est suffisant pour la police pour redoubler la répression.

Les flics gazent un détenu à bout portant avec une bombe au poivre, lui provoquant une crise d’épilepsie. D’autres détenus tentent de l’aider en demandant au poste de police du CRA une prise en charge médicale. La P.A.F. les envoie chier et les gaze à bout portant. Les flics évacuent le couloir et les envoient dans la cour de promenade, toujours sous les gaz et les coups. Par la suite, les flics les parquent dans une salle commune, pour mieux fouiller les cellules et les affaires personnelles ; gazage et tabassage continuent pendant ce temps dans la salle. Privés de repas, les détenus bouffent toute la soirée coups et gaz au poivre. Pris.es dans l’automatisme de leurs violences, les flics s’en prennent même à l’une des leurs. En effet, alors qu’iels lynchaient un détenu, iels ne remarquent pas qu’une de leurs collègues trébuche, et la tabassent donc (cheh !).

Ce soir-là, 5 personnes ont été embarquées en gav. L’une d’elles cherchait initialement de l’aide médicale auprès des flics. 6 personnes ont été emmenées aux urgences. Parmi elles, une personne qui a fait une crise d’épilepsie, une autre qui a eu un problème cardiaque suite à un coup de taser, une avec le nez cassé et une aux yeux brûlés. Sans compter les personnes qui ont perdu connaissance à cause des gaz et des coups, ainsi que le traumatisme psychologique causé par les violences inhérentes au quotidien des personnes prisonnières dans les CRA.

Merci Forum de ne donner aucune suite à cet événement. Sans doute cela fait-il partie de vos missions de « garantie des droits » que de laisser les détenu.es se faire violenter, sans autre réponse juridique et médicale que votre indifférence.

Cet épisode s’inscrit dans la logique répressive des centres de rétention, comme elle a été dénoncée par les détenu.es de Mesnil-Amelot, Vincennes ou encore Oissel.

Les CRA sont l’un des dispositifs qui participent à l’enfermement des migrant.es, indésirables, et à leur invisibilisation. Pensés pour expulser, les CRA sont l’un des visages des politiques racistes, anti-migratoires et répressives.

A bas les CRA, à bas les frontières, et soutien à toutes les personnes enfermées !

 

https://rebellyon.info/Gaz-matraque-et-gardes-a-vues-le-20261

 

TENTATIVE D’EVASION ET PUNITION COLLECTIVE A MESNIL

Après avoir appris son vol sur la feuille affichée la veille, un prisonnier du CRA de Mesnil a tenté de s’évader ce matin en passant par les toits. Les policiers l’ont arrêté après une heure trente de résistance ! Alors qu’il est blessé, il est depuis à l’isolement. Derrière, c’est le retour des punitions collectives avec blocage des parloirs et du coiffeur par les flics aujourd’hui.

En fait ce matin, je me suis réveillé pour aller prendre un café vers 7h. Y avait un mec qui avait essayé de s’évader. Il est monté sur le toit. Y avait un policier qui l’a vu qui a dit ouai y a un gars qui est monté sur le toit. Et du coup la police ils sont venus nombreux. Ils sont partis derrière lui. Après lorsque la police a commencé à parler avec lui, ils ont dit il faut qu’il descende. Après il a refusé. Il a dit si un policier essaie de le toucher il va sauter. Ils ont parlé avec lui pendant une heure et demi. Même les ERIS ils sont venus parler avec lui. Ils lui ont dit ouai tu sautes pas sinon ils vont tirer sur lui. Et ils ont attendu une heure et demi et il est descendu.

Quand il est descendu il était blessé. Il s’est coupé avec une lame de rasoir. Il s’est coupé tout seul. Après ils l’ont pris, ils l’ont menotté, ils l’ont ramené à l’isolement. J’ai essaye de voir avec un policier pour savoir où ils l’ont ramené. Ou soit ils vont le transférer. Mais pour l’instant j’ai aucune nouvelle de lui. Donc aujourd’hui les gens sont énervés par rapport à cette histoire qui s’est passée ce matin. Coup dur pour nous …

 

Et du coup là aujourd’hui ils nous ont tous punis. Ils ont dit parce que y en a un qui a fait une connerie on va tous nous punir. Parce que y a des problèmes, par rapport à l’histoire des visites. Et pour d’autres pour couper les cheveux aussi. Ils ont dit que si y en a un qui fait des bêtises tout le monde va prendre sa part. Là ils sont en train de punir tout le monde aujourd’hui.

Parce que chaque week end, samedi, dimanche, on a le droit de couper nos cheveux. La pour nous punir ils ont dit qu’il n’y a pas de tondeuses pour nous. Et comme c’est aujourd’hui, c’est passé aujourd’hui, ils nous ont puni, y a pas de tondeuse pour nous pendant plus d’une semaine.

Aujourd’hui c’est un peu dur. Même aujourd’hui ma famille est venue en visite et j’ai pas pu voir ma famille parce qu’ils ont dit qu’on était puni et tout ça. Et c’est pour ça j’étais pas bien aujourd’hui.

Toutes les visites ont été annulées. Après y en a certains ils vont là bas ils mettent le coup de pression aux policiers ils ont droit de faire la visite. Mais pour moi et tous les autres y a pas de visite.

C’est pour ça là on est en train de manifester. Par rapport à l’histoire des visites. En plus y a des problèmes avec la tondeuse ici. Du coup là on est en train de parler de ça.