Au lendemain de l’action contre l’expulsion d’une personne malienne depuis l’aéroport de Orly avec la compagnie Corsair, une autre personne, expulsée la veille au Mali dans le même avion (immatriculation : F-HSKY) raconte ce qui a précédé le départ de l’avion et les stratégies de la police pour rendre le moins visible possible l’expulsion en cours d’une personnes dans un vol commercial. Dans un contexte où les vols d’Air France sont refusés par le Mali (voir fin du texte), la compagnie Corsair n’a pas l’air concernée par cette interdiction et continue son partenariat avec la PAF.
« Ca fait 2 mois que j’étais au CRA, j’étais prolongé au JLD (Juge des Libertés et de la Détention) à chaque fois. Il me restait 15 jours et encore 15 jours et après j’étais libéré. Quand j’allais voir la Cimade (présente dans l’enceinte du CRA) ils me disaient que j’avais pas de laissez-passer du Mali (LPC). Quand je suis passé devant le juge je suis allé voir à la Cimade les documents du jugement il y avait pas de laissez-passer, mais normalement il en faut un pour refouler parce que j’avais aucun document d’identité, pas de passeport.
Au CRA quand on doit rentrer pour prendre le petit déjeuner il y a une affiche, tout le monde regarde. Tu regardes si tu vois ton nom, si t’as un rendez-vous consulat ou à l’aéroport, tu regardes et tu vas savoir. Voilà chaque matin quand je me levais pour aller prendre le petit déjeuner je regardais si il y avait mon nom. Mais j’ai jamais eu aucun rendez-vous au consulat, rien. Même ce jour là avant de rentrer je regarde : aucun rendez-vous. Après le petit déjeuner j’étais retourné au bâtiment 5, j’étais à coté de la porte de ma cellule les policiers sont arrivés ils ont dit « M. […] ? » j’ai dit « oui », « il faut préparer tes affaires tu vas aller à l’aéroport, tu es prêt ? J’ai dit « non » je suis pas prêt. Quand je suis arrivé à l’aéroport, j’ai commencé à regarder les gens parce que quand ils refoulent quelqu’un tu vois qu’il a pas les bagages comme les autres passagers, c’est là que j’ai posé la question et il m’a dit qu’il était aussi là pour être refoulé mais vers la Côte d’Ivoire, après je l’ai plus vu. En fait quand ils m’ont emmené à l’avion c’est seulement là qu’ils m’ont montré le laissez-passer. Au début j’ai pas refusé parce que dans ma tête je me disais si tu refuses ils [la police] vont t’accompagner dans le vol, il faut pas créer de problème, il faut rester calme et quand les gens ils viennent te voir, là tu dois dire « non je veux pas partir » et si c’est ton premier vol tu vas pas partir. Mais ça s’est pas passé comme ça. C’est moi qui était la première personne qui est rentrée dans l’avion. Après seulement, j’ai commencé à voir entrer les passagers dans l’avion, mais ils ont des manières pour que les gens ils te voient pas. Moi ils m’avaient caché derrière la porte où il y a les toilettes. Il y a des gens qui m’ont vu mais les gens ils rentrent dans l’avion, ils cherchent leur place alors si ils me voient ils se disent « bon… » et ils vont s’asseoir. Et quand les gens voulaient aller aux toilettes les policiers leur disaient non et d’aller aux autres toilettes, ils font ça pour que les gens ne comprennent pas ce qu’il se passe. Parce que si les passages ils comprennent et ils réfléchissent ils vont créer des problèmes aux policiers, ils vont se lever, crier, ils vont dire que non, il doit descendre. Les 3 policiers ils sont restés avec moi jusqu’à ce que le vol décolle jusqu’à Cotonou, arrivés là bas ils ont fait descendre les gens qui devaient descendre. Après on a redécollé et on est arrivé au Mali, les policiers ils m’ont accompagné jusqu’à là où on doit récupérer les affaires.
Là je viens d’arriver mais je vais appeler au CRA pour avertir tous les maliens qui sont là bas au CRA, pour leur dire d’être vigilant parce qu’il vont te refouler sans prévenir. Et ça même partout dans le monde c’est leur travail, c’est international, là c’était la compagnie Corsair, pour le Mali maintenant c’est Corsair même si tu penses qu’il y a plus de vol pour le Mali (1). Il faut être vraiment vigilant quand tu arrives à l’aéroport ! »
(1) Depuis septembre 2023, le Niger et Burkina Faso auraient interdit à toute compagnie française d’atterrir ou de survoler leur territoire, le Mali de son côté refuse de voir atterrir les vols d’Air France sur son sol (voir article ci-dessus) et c’est visiblement la compagnie française Corsair basée à Rungis qui récupère le marché des vols commerciaux (et donc des expulsions) en affrétant des vols quotidiens vers le Mali avec ou sans escale à Cotonou, et ce principalement avec cet avion F-HSKY.
https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240502-mali-les-billets-sont-disponibles-%C3%A0-l-achat-mais-les-vols-air-france-restent-suspendus
Pour plus d’information sur les compagnies qui collaborent avec la PAF voir cet article : https://abaslescra.noblogs.org/chalair-aviation-la-boite-collabo-qui-aide-la-paf-a-expulser/