Le Centre de rétention

Certains l’appellent le dépôt. Le Centre de Rétention Administrative (CRA) est une prison pour sans-papiers, où la préfecture peut vous enfermer jusqu’à 3 mois pendant que l’Etat essaie de vous expulser. Elle est censée vous y maintenir car on soupçonne que vous ne voulez pas partir de vous-même. Pour vous placer en rétention, la préfecture a obligatoirement pris une décision d’éloignement (OQTF, arrêté de transfert dublin…).

  • L’arrivée au CRA
  • Le consul
  • Le juge des libertés et de la détention (JLD)
  • Le tribunal administratif (TA)
  • Les vols
  • La demande d’asile
  • La prison

L’arrivée au CRA :

Si la préfecture vient de prendre une OQTF ou un arrêté de transfert Dublin et vous l’a remise au commissariat, vous avez 48h pour faire le recours.

Prenez immédiatement contact avec l’association présente dans le centre de rétention. Si vous ne pouvez pas voir l’association, allez au greffe du centre pour faire enregistrer le recours avec les phrases « je conteste toutes les décisions dont je fais l’objet ». Faites pression pour qu’il soit faxé au tribunal administratif (TA). Si vous n’y arrivez pas, il est possible de demander à un proche de le faire, en y ajoutant la phrase « la requête de l’intéressé sera régularisée par la présence de l’intéressé à l’audience ». Il doit être envoyé au tribunal administratif du même département que la préfecture qui a pris l’OQTF. Si votre recours est accepté, vous aurez une audience au TA (voir TA).

La préfecture a pu prendre l’OQTF il y a plusieurs mois, que vous en ayez connais- ou non. Vous ne pouvez plus faire de recours au TA si le délai est dépassé.

Les téléphones avec caméra ne sont pas acceptés au centre de rétention, mais les autres oui.

Comme pour la garde à vue, il est bon de noter toutes les informations qui pourraient servir à l’avocat.

Dans le centre de rétention, tout le pouvoir est aux flics et tout se joue au rapport de force. Discutez avec les autres détenus pour savoir quelles sont les pratiques dans ce centre (aussi bien sur les fonctionnements du CRA que sur les expulsions et les vols cachés, fausses convocations, etc…), et si possible s’organiser collectivement pour tenir le rapport de force.

Vous serez aussi confronté.e aux médecins ou infirmier.es, qui ne sont pas là pour s’assurer de votre santé, mais plutôt pour vous calmer et assurer le pouvoir des flics dans le centre, et vous cachetonner (droguer) avant votre vol. Méfiez-vous des médicaments qu’on vous donne.

C’est auprès de l’association que vous pouvez effectuer vos démarches administratives et être assisté.e pour vos recours (prendre des infos sur votre dossier, demander un nom d’avocat, recevoir des conseils juridiques…).

L’Etat se sert de leur présence pour faire croire que les retenus peuvent se défendre juridiquement et que vous avez des alliés au centre. C’est la caution humanitaire de la machine à expulser.
Dans les faits, ils sont les garants de la légalité : la plupart du temps, ils ne donneront pas de conseils pratiques en dehors de la loi. Par ailleurs, ils sont peu nombreux et n’ont ni le temps ni les moyens pour suivre tous les dossiers. Ils se retrouvent donc obligés d’effectuer un tri entre « bon » et « mauvais » dossiers. Quoi qu’ils vous en disent, insistez en leur disant que, même s’il n’y a rien à défendre dans votre recours, cela permet de gagner du temps. Des personnes peuvent aussi insister depuis l’extérieur en les contactant.

Pendant tout le temps que vous passez au CRA, l’administration cherche à connaître votre nationalité (ou à vous en attribuer une) :

  • Si elle a votre passeport, l’administration n’a pas besoin de laissez-passer et voudra vous expulser rapidement, avant même que vous ayez vu le juge.
  • Si vous êtes en procédure Dublin, le laissez-passer est remis en même temps que la décision d’éloignement.
  • Si elle n’a pas votre passeport, elle devra obtenir un laissez-passer d’un consulat qui permettra votre expulsion :
    • Soit elle a une autre de vos pièces d’identité ou une copie (trouvée sur vous ou donnée lors d’une démarche en préfecture), le consul n’a pas besoin de vous voir pour remettre un laissez-passer.
    • Soit ils n’ont aucun de vos papiers d’identité, le consul devra alors vous rencontrer pour décider de donner ou pas un laissez-passer.

Le consul :

Si la police n’a aucun de vos papiers, elle doit alors vous présenter à un consul pour qu’il atteste que vous êtes de la bonne nationalité et qu’il délivre le laissez-passer. Si ce dernier ne vous reconnaît pas, les flics peuvent vous présenter à d’autres consulats.

Si vous pensez que le consul va vous reconnaître, il est toujours possible d’insister sur les attaches qu’on a en France pour qu’il refuse de délivrer le laissez-passer. Là aussi, vous pouvez discuter avec les autres retenu.e.s des stratégies plus ou moins risquées pour ne pas être reconnu.e par le consul.

Aller voir le consul et refuser de lui parler ne l’empêchera focément pas de donner un laissez-passer. Il est possible de refuser de le voir, mais il y a un risque de garde à vue.

Certains consuls viennent dans les centres de rétention. C’est vrai à Vincennes pour le Maroc, la Tunisie et l ’ Algérie.

Seule la préfecture sait si un laissez-passer a été donné ou non. Le seul moment ou vous pouvez en avoir connaissance, c’est lors d’une audience au JLD.

Le juge des libertés et de la détention (JLD) :

48 h ou 72h après votre arrivée au centre, vous allez être emmené.e devant le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance (TGI) du département du centre dans lequel vous êtes. Ce juge est saisi par la préfecture qui demande votre maintien en rétention pour pouvoir vous expulser, car elle pense que vous ne partirez pas de vous-même (d’où l’idée de ne jamais dire qu’on ne veut pas partir).

Certaines audiences au JLD se déroulent dans une annexe du TGI à côté du CRA. C’est le cas au Mesnil-Amelot ou à Coquelles.

Au tribunal de Paris, le week-end, il faut présenter des papiers d’identité si on veut entrer dans le tribunal et assister aux audiences.

Le juge est censé regarder si la procédure a été respectée depuis votre arrestation jusqu’à maintenant. C’est donc à votre avocat de démontrer qu’elle n’a pas été respectée pour obtenir du juge votre libération.

Si vous avez pris un avocat par vous-même, spécialisé en droit des étrangers, vous avez plus de chances qu’il cherche des « vices de procédure ».

Attention, payer cher un avocat n’est pas une garantie d’être bien défendu, les avocats sympathisants sont souvent les moins chers.

Si vous avez l’avocat de permanence (gratuit), c’est la loterie, certains n’en ont rien à foutre de votre situation et ne vont rien chercher, d’autres se casseront plus la tête.
Il faut lui raconter tout ce qu’il s’est passé en détails depuis votre arrestation. (exemple : vous avez demandé un traducteur, et vous ne l’avez pas eu…).

Pour le juge, c’est aussi la loterie. Il y a des juges qui ne libèrent quasi-personne… Normalement, il ne doit pas regarder votre situation personnelle en France ou les raisons de votre demande d’asile, mais souvent il pose quand même des questions. Le juge peut attendre deux discours qui se contredisent :

  • Dans tous les cas, le juge vous demandera si vous voulez partir. Vous pouvez répondre « Oui, je veux partir« , ou « Si je n’ai pas le choix, je partirai« , ou « Je veux partir, mais par mes propres moyens » …
  • Le juge peut vous poser des questions sur votre intégration en France. Attention, ça peut être un piège. Selon le juge, être bien intégré signifie que vous pourriez prétendre à un titre de séjour, quand d’autres peuvent au contraire considérer que ce sont des indices que vous ne voulez pas partir.

Discutez avant avec l’avocat s’il connaît ce juge pour décider d’une stratégie.

Les avocats proposent souvent de demander votre assignation à résidence, cela implique de donner votre passeport au juge qui le donnera à la prefecture, cela est très dangereux car après il n’y a plus besoin de demander un laisser passez pour vous expulser. Cela ne vaut le coup que si la préfecture a déjà votre passeport. Ou si vous avez de très fortes garanties de représentation ( à la fois une attestation de domicile, une promesse d’embauche, un certificat de scolarité et/ou de mariage,…).

Si vous avez des soutiens, ils peuvent vous amener les garanties de représentation et demander à rencontrer l’avocat. La présence des personnes qui vous soutiennent en amont et lors de l’audience est importante, car cela met la pression à l’avocat et au juge.

Si le juge vous libère, la préfecture ainsi que le procureur peuvent faire appel dans les 10 heures. Vous restez enfermé au tribunal le temps de savoir si il y a un appel ou pas.

La plupart du temps les audiences se déroulent très vite et vous êtes prolongé.e.
Si votre avocat a souligné plein de problèmes dans la procédure et que le juge vous a quand même maintenu.e en rétention cela vaut le coup de faire appel. Vous avez 24h, il faut le demander à l’avocat. Vous passez le lendemain ou le surlendemain. Vous passez à la cours d’appel du même tribunal (la cours d’appel n’est généralement pas au même endroit). Faire appel, ça veut dire être extrait une nouvelle journée à attendre dans une cellule du TGI.

Si votre avocat n’a rien dit (ou pas grand chose), Il ne sera pas possible de dire plus en appel, quelque soit l’avocat et le résultat sera le même.

Si vous êtes libéré.e, votre décision d’expulsion n’est pas pour autant annulée (voir TA). Si vous n’êtes pas libéré.e, vous retournez en rétention pour 28 jours.

Les autres JLD :
La préfecture doit de nouveau demander une prolongation au JLD au 30e, 60e et 75e jour. Votre avocat devra alors démontrer que la préfecture n’a pas tenté de vous expulser (n’a pas pris contact avec le consul, réservé de vol, etc…) et que votre enfermement est abusif. La plupart du temps, la préfecture à gain de cause et vous êtes prolongé.e.

Le tribunal administratif (TA) :

Vous passez au TA du département de l’OQTF, dans les jours qui suivent le recours. Pendant ce temps, vous n’êtes pas expulsable.

Ici encore, c’est la loterie… Le juge doit confirmer ou annuler votre décision d’expulsion et les interdictions de retour sur le territoire. Et donc c’est là -et c’est le seul endroit- où vous devez expliquer pourquoi vous voulez rester en France (vie familiale, attaches en France, travail, scolarisation, risques dans le pays d’origine, maladie, etc…).

Il vaut mieux avoir un bon avocat spécialisé en droit des étrangers. Il n’y a pas de possibilité d’avocat gratuit. En revanche vous devez avoir accès lors de l’audience à un
avocat de permanence. Là aussi, la présence de soutiens à l’audience est importante, elle démontre vos attaches en France.

Les vols :

Les vols peuvent être annoncés ou cachés. Les pratiques varient selon les CRA, mais en général, vous êtes informée du premier vol. Il est possible de tenter de refuser son vol. Discutez avec les autres retenu.e.s des pratiques individuelles ou collectives qui peuvent fonctionner pour éviter l’expulsion.

Les escortes policières ne fonctionnent pas toutes de la même façon suite au refus d’un vol. De manière générale, manifestez votre refus le plus tard possible (le mieux étant de le faire dans l’avion à la vue des autres passager.e.s). Choisir ce moment, d’une part, empêche les flics d’anticiper que vous allez vous rebeller. D’autre part, vu que vous n’êtes pas seul avec les flics, ils ne peuvent pas réagir aussi violemment. Enfin, certains passager.e.s peuvent intervenir ou être révolté.e.s.

Vos proches peuvent se rendre à l’aéroport pour parler aux passager.e.s, et les inciter, par exemple, à demander au commandant de bord (et pas aux flics) de refuser de décoller avec quelqu’un qu’on expulse.
Souvent, pour le 1er vol, s’il est au début des 90 jours d’enfermement, il n’y a pas d’escorte. Dans ce cas, parfois, il est possible de refuser le vol avant de quitter le CRA (voir avec les autres retenu.e.s). Pour que vous acceptiez le vol, les flics peuvent vous foutre la pression, et vous mentir en annonçant une escorte.

La demande d’asile :

Vous pouvez faire une demande d’asile (1ére demande ou réexamen) au CRA. SI vous la déposez dans les cinq jours après vos arrivées au CRA, elle sera étudiée en procédure accélérée, en 96h. Au-delà des 5 jours, son principal intérêt est de pouvoir éviter un vol.

Le temps que l’OFPRA étudie votre demande d’asile, vous ne pouvez pas être expulsé.e. Pour vous garder enfermé.e, la préfecture prendra un arrêté de maintien en rétention (AMR). Vous avez 48 heures pour le contester au TA. Ce recours est également suspensif. L’audience au TA est jointe à celle concernant votre recours contre la décision d’éloignement si vous l’avez fait. Elle aura lieu 96 heures après la décision de l’OFPRA (ou plus en fonction des délais du tribunal). En cas de rejet de l’OFPRA et de recours CNDA, le tribunal décidera de votre maintien ou non en rétention.

Dans les cinq jours :

  • vous pouvez retirer le cahier d’asile à toute heure
  • l’OFPRA vous convoque généralement dans les 4 à 10 jours, et rend sa décision 3 à 6 jours plus tard (parfois moins)
  • l’OFPRA convoque très peu les personnes en demande de réexamen et peut se prononcer uniquement sur la base des écrits.

Au delà de cinq jours :

  • vous ne pouvez retirer et rendre le cahier d’asile qu’entre 9h et 17h. (ça dépend des CRA)
  • pour un premier réexamen, sans réels éléments nouveaux au-delà des 5 jours, l’OFPRA déclarera votre demande irrecevable et la rejettera sans l’étudier (s’il y a des faits nouveaux, voir ci-dessus)

Si la nationalité de votre demande d’asile fait partie de la liste des pays sûrs, elle sera automatiquement rejetée par la préfecture dans la journée ou le lendemain, qu’il y ait ou non des nouveaux éléments. Dans ce cas, la préfecture n’aura pas besoin de prendre un AMR; il n’est pas possible de gagner du temps ou d’éviter son vol par cette voie.

La prison :

Le centre de rétention et la prison vont de pair, et il est courant de passer de l’un à l’autre.
En effet, au CRA, durant votre rétention ou au bout des 90 jours, vous pouvez être poursuivi.e pour « soustraction à une mesure d’éloignement » suite à un refus de voir le consul, une tentative d’évasion, un refus d’embarquement… et donc vous retrouver devant le juge en correctionnel et prendre un peine de prison. Cette pratique est devenue courante.